« En 18 ans, 4990 personnels de santé ont perçu indûment plus de 143 millions de prime de technicité par an»

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Monsieur Emile Ella Ngbwa, directeur des ressources humaines au ministère de la Santé publique.

Merci Monsieur le Directeur des ressources humaines du ministère de la Santé publique  d’accorder cet entretien au Journal Echos Santé. D’entrée de jeu depuis quelques une d’organisation dénommée « médecins indignés » à la suite du retrait de la prime de technicité du bulletin de solde de certains personnels au ministère de la Santé. Qu’en est-il concrètement ?

Merci, vous me donnez là l’occasion de saluer l’initiative de votre organe de presse qui emploi une démarche assez républicaine qui est celle de venir toujours à la source pour l’information quand il y a des malentendus ou des zones d’ombre. Au nom du chef de département, recevez les remerciements de notre administration. Pour revenir à la question, je crois qu’il y a un malentendu qu’il faudrait dissiper sans être passionné. Je limiterai donc mon propos à éclairer de façon substantielle l’opinion. Il s’agit d’une prime qui était indûment perçu, peut être même à leur insu par une catégorie du personnel de santé notamment les personnels fonctionnaires. Indûment perçu parce que à la faveur du décret de 2002, le chef de l’Etat a octroyé trois primes aux personnels fonctionnaires, parce qu’il faut préciser l’objet querellé ce ne sont pas les personnels qui relèvent du code du travail, notamment la prime de technicité, de santé publique et la prime d’astreinte. Le dit décret précise bien que les dispositions qui lui sont antérieures sont abrogées. Autrement dit, ceux qui bénéficiaient déjà cette prime de technicité devaient la voir purement et simplement annulée. Malheureusement, ce travail n’a pas été fait, mais toujours est-il que rendu à notre ministère de la santé depuis un an et demi, avec à sa tête le ministre de la santé son excellence Manaouda Malachie, nous avons fait l’état des lieux et dans le volet gestion, solde et pension en matière de ressources humaines, nous avons souhaité que le processus de déconcentration de la gestion du personnel soit effectif. Nous l’avons suivi et nous avons obtenu toutes les habilitations du ministère des finances. Une fois obtenu, nous avons procédé à un inventaire de la situation réelle de nos personnels. Et de cet inventaire s’est dégagé qu’un  bon nombre, la situation de ces personnels n’est pas la seule que nous avons assaini et il est simplement déplorable qu’elle fasse l’objet de publicité à mon sens qui ne se justifierai pas,  de personnels précisément 4990 d’entre eux percevaient indûment une double prime de technicité. Nous avons porté cela à l’attention du chef de département qui lui-même a porté cela à l’attention du comité interministériel d’assainissement qui est présidé par le ministre des finances sur la haute supervision du premier ministre. Il faut le préciser, cet assainissement ne se fait pas de façon isolée, tout part des prescriptions du chef du gouvernement qui a donné lieu à la mise en place de ce comité. Lorsque nous avons fait l’état des lieux, nous avons porté à l’attention de notre chef de département de cette situation qui nous pénalise si tant est que la déconcentration de la gestion c’est-à-dire qu’on vous affecte des ressources et vous deviez les utiliser de façon rationnelle. Or quand vous regardez les chiffres, 4990 personnes sur 18 ans, nous crée une incidence financière de 2 milliards et demi. Donc 2 milliards et demi, indûment perçu par quelques personnels de la santé peut-être malgré eux. Nous voulons tout simplement qu’ils ne se retrouvent dans des situations inconfortables à l’avenir où il leur sera demandé de retourner ou de rétrocéder aux trop-perçus dont ils ne sont peut être pas responsable, d’où l’expression qui m’est venu à l’esprit, celle de la tolérance administrative à supposer si on veut aller dans le sens de l’apaisement des esprits.

Monsieur le directeur 2 milliards s’est beaucoup, alors est-ce que ces personnels vont rétrocéder les fonds ou alors il y aura une tolérance ?

Je crois que la question fera l’objet d’un débat en comité. Nous allons faire nos propositions mais comme je l’ai dit, nous sommes dans un esprit d’apaisement et de tolérance administrative. Parce que les responsabilités peuvent aussi être partagées, ceux qui auraient dû supprimer la prime peut être ne l’ont pas fait et ce n’est pas la faute à ceux qui la percevaient sans savoir. Je me cantonne à ceux qui se sont retrouvés « lésés » même ceux qui ne sont pas lésés, nous les protégeons sur les actuelles procédures.

Vous avez tantôt dit que le ministère de la Santé est dans une démarche d’assainissement et effectivement une opération de recensement du personnel lancé depuis le 03 Juin 2020. En quoi consiste ce recensement ?

Le chef de l’Etat, Son Excellence Paul Biya a toujours placé le bien être des camerounais au cœur et au centre de ses préoccupations. Cela est relayé par le Premier ministre et implémenté par le ministre de la Santé. Nous avons observé que la maîtrise des effectifs posait problème, qu’il y avait une multitude de fichiers que nous avions du mal à gérer pour obtenir un fichier central fiable car le dernier recensement du personnel de la santé date de 2012. Donc, il y avait nécessité d’actualiser les données et au-delà de cette nécessité, nous sommes dans le siècle de la vitesse de l’information. Il était de bon ton que nous nous arrimions à la donne qui est positif du point de vue du rendement. Donc nous avons souhaité migrer vers la dématérialisation et l’automatisation des actes de carrière avec pour objectif de faciliter et de rendre toujours plus faciles et agréable les conditions de travail des personnels de santé.

 Tout cela avait pour préalable la maitrise de nos effectifs et pour ce faire, il faut recenser. Nous avons donc depuis le 03 juin dernier sur instruction du chef de département, procédé au lancement de l’opération de recensement. Cette opération de recensement va se dérouler en trois phases : l’enregistrement en ligne qui doit s’achever dans les prochains jours et il faut dire qu’en date nous avons recensé plus de 23 milles personnels. Celui-ci aura aussi pour avantage de mieux planifier nos plans de recrutement, de mieux rationaliser la gestion de nos ressources humaines. Il est important au jour d’aujourd’hui d’avoir des personnels qui correspondent aux besoins réels des populations camerounaises en matière de santé. Nous avons observé que les départs en stage de spécialisation se font au gré du désidérata des stagiaires ce qui n’est pas facile, il devra avoir un cadrage. Nous avons par exemple à ce jour l’arrivée des pathologies auxquelles nous n’étions pas familiers, les accidents vasculeux-cérébraux, les problèmes de rhumatologie, de cancer et bien d’autres pathologies auxquelles nous n’étions pas habitués. Cela suppose aussi qu’il faut penser à former un maximum de personnels dans ces domaines et pour le faire, il faut déjà avoir une bonne photographie de l’existant, savoir ce que nous avons pour pouvoir nous projeter voila le deuxième avantage. Le troisième avantage est que nous allons à travers cette opération dans sa deuxième phase limiter au maximum les déplacements du personnel de santé vers les services centraux pour les actes de carrière, d’avancement, reclassement. Les actes que la technologie nous permet de gérer à distance. Nous sommes en train de mettre en place un système informatique qui nous permettra de gérer ces actes sans que ceux-ci ne se déplacent, ils vont se limiter simplement à leur centre de référence que ce soit le centre médical d’arrondissement, de l’hôpital de district, l’hôpital régional ou l’hôpital de référence, de sorte que nous gagnons en stabilité et nos personnels sont moins démobiliser et puis sont plus motivés et concentrés au travail car n’ayant plus à venir ici, sans compter toutes les poches de corruptions que cela pouvait engendrer. Ce logiciel est configuré de telle sorte que pour que vous avanciez, vous n’avez plus besoin de faire une demande et ainsi de suite.

Qu’est ce le ministère fait ou compte fait à l’endroit du personnel de santé d’entrer directement en droit avec leur solde ?

Je puis vous assurer que votre préoccupation est partagée tant par le personnel de santé que par l’establishment à savoir le Premier ministère. Le ministre de la Santé nous a instruit de lui préparer un mémoire à l’attention du premier ministre sur cet épineux problème de solde. Puisqu’il est manifeste que les jeunes recrus sont pour la plupart affectés dans les zones périphériques rurales et très souvent se retrouvent sans moyens de subsistance et aussi la régularisation prend souvent 3 à 4 ans voir 5 ans et pendant ce temps le jeune médecin doit se nourrir. Conscient donc de cette situation, le plaidoyer du chef de département est d’obtenir du premier ministre la même mesure exceptionnelle qui est appliquée au personnel du ministère des enseignements secondaires, qui peut dès la sortie percevoir le tiers. A ce niveau je peux vous surprendre agréablement, c’est que le premier ministre y a été tellement sensible qu’il a accordé aux personnels de santé la totalité de la prise en charge dès leur sortie. Il a été arrêté que les 1400 médecins issus des  trois dernières cuvées en attente de solde seraient pris en charge de façon globale. Nous ferons les vérifications si ce n’est  ce mois, le mois prochain. Cette mesure sera également pour les 600 personnels paramédicaux.

Parlant justement du redéploiement du personnel depuis l’arrivée de l’actuel ministre, on a vu beaucoup d’actes. Mais on a aussi constaté que des doublons venaient de temps en temps et surtout une sorte de bouleversement du système. Qu’est ce qui a entrainé tout ceci ?

Je dois dire que la première motivation est que le chef de département et dans les grands principes managériaux, il est dit que l’inertie est très souvent  la fille de l’immobilisme, quand les gens mettent long au même endroit, ils ont tendance à être démotivés primo, secundo vous avez la notion de récompense qui est fondamentale dans la gestion des carrières administratives et celle-ci appelle donc à ce que de façon régulière ceux qui sont distingués de façon positive connaissent des améliorations, cela peut se matérialiser en fonction des postes et des décorations. Quand vous mettez tout cela ensemble, vous comprenez que nous avons trouvé une situation où pendant pratiquement 10 à 12 ans, des gens n’ont pas été affectés. Ce qui fait le nid de l’inertie, de la corruption. Mû par cet esprit républicain, le chef de département nous a demandé de faire des propositions et nous les avons proposé de façon rationnelle et sur la base des éléments objectifs. Sur la base de ceux-ci nous avons produit en date 1800 actes de nomination et d’affection confondus. Ce qui est très salutaire et nous en tenons au vent du dynamisme et une cure de jouvence parce que quand vous renouvelez le personnel, c’est du sang neuf et c’est des nouveaux challenges et des défis. Et notre système sanitaire actuel avait besoin des électrochocs, il fallait réveiller le personnel, leur dire que vous avez les encouragements du gouvernement, remettez vous au travail. Et je puis vous dire que sans paraître superstitieux, j’ai tendance à penser ce qui se serai passé si nous n’avions pas mobilisés tous les soldats de la santé à travers ce redéploiement et complément de poste, sans savoir que quelques mois plus tard, nous devions faire face à la pandémie sans précédent du coronavirus et qui nous pratiquement trouvé prêt.  Nous avons mobilisé un personnel apte, capable, compétent, qualifié et dévoué à la tâche. C’est le lieu de se joindre à ce personnel pour dire merci au chef de l’Etat pour le rallongement du départ à la retraite. Nous les demandons de ne pas baisser les bras, à redoubler d’ardeur au travail.

La question de l’augmentation des salaires préoccupe grandement le personnel de santé. Quels sont les plaidoyers que vous menez pour l’effectivité de ceci ?

L’élément de salaire relève de la discrétion exclusive du chef de l’Etat et doit être forcément constitutif d’un ensemble d’indicateurs. Mais connaissant les motivations profondes du chef de l’Etat, qui est le bien être des camerounais, je ne doute point que les personnels de santé savourent aujourd’hui ne s’étendent aux autres corps de métier au Cameroun. Je crois qu’il y a lieu d’avoir bon espoir mais déjà il faut dire que ces primes sont des compléments salariés qui contribuent de façon substantielle à l’amélioration des conditions du personnel santé pour ceux qui relève de notre domaine de compétence et que c’est à saluer les mesures prises par le chef de l’Etat. Il faut savoir que cette rallonge d’âge de départ à la retraite a concerné ipso facto plus de 900 fonctionnaires qui devaient passer en prétention et qui ne l’ont pas été. Nous avons d’ailleurs de façon très prompte tenus une séance de travail avec les administrateurs des formations partenaires pour que l’effet du décret du chef de l’Etat soit immédiat. En un mot, ce que je peux dire aux personnels de santé est de faire confiance au chef de l’Etat, aux institutions et qu’ils sachent que le gouvernement de la république est conscient des sacrifices qu’ils consentent et qu’ils en seront grandement remerciés.

Propos recueillis par Ariane Makamte

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