Maladies tropicales négligées : les succès méconnus de la recherche congolaise

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Les scientifiques de la République démocratique du Congo ont réussi à mettre sur pied un médicament appelé « acoziborole » : une seule prise de ce comprimé, suffira à guérir les patients, notamment dans les villages les plus difficiles d’accès.

Maladie du sommeil, cécité des rivières… Malgré leur journée mondiale, le 30 janvier, les MTN n’intéressent que trop peu la recherche. Pourtant, en RDC, des scientifiques développent des traitements révolutionnaires contre ces infections oubliées. Un travail remarquable, effectué dans d’âpres conditions, qui pourrait servir de modèle à tout le continent. Peu de pays ont été aussi frappés par les maladies négligées que la République démocratique du Congo. Des vagues meurtrières de maladie du sommeil qui firent des centaines de milliers de morts au début du XXe siècle à la cécité des rivières qui rend des milliers de gens aveugles toujours aujourd’hui, le pays continue de payer un lourd tribut à ces affections pour lesquelles diagnostics, vaccins ou traitements n’existent souvent pas, ou ne sont pas adaptés d’où leur nom de maladies tropicales négligées (MTN).

Pendant la période coloniale, l’exploitation sauvage du territoire a contribué à la propagation d’infections ravageuses. Aujourd’hui, la mise en place de programmes nationaux de lutte contre les MTN reste une tâche colossale, compliquée par la taille immense du pays, les difficultés d’accès à certaines régions, la fragilité du système de santé et les périodes d’instabilité récurrentes. Il y a encore deux décennies, le seul traitement disponible contre la maladie du sommeil consistait en des injections d’un dérivé de l’arsenic qui tuaient un patient sur vingt. La maladie du sommeil illustre à la perfection cette longue histoire des maladies négligées en RD Congo. Aussi appelée trypanosomiase humaine africaine (THA), cette maladie épouvantable se transmet par une piqûre de la mouche tsé-tsé et cause de grave troubles neurologiques, avant de provoquer la mort.

En dépit de plusieurs vagues effroyables au cours du XXe siècle, attisées par l’exploitation coloniale, les conflits et les déplacements de populations, très peu de recherches médicales avaient été menées : il y a encore deux décennies, le seul traitement disponible consistait en des injections d’un dérivé de l’arsenic qui tuaient un patient sur vingt. Mais l’extraordinaire détermination de chercheurs et de personnels de santé sur le terrain a permis de tout changer.

Des pilules accessibles à tous les patients

Tout a commencé en 2003, quand des scientifiques congolais, en partenariat avec l’initiative Médicaments contre les Maladies Négligées (DNDi) une ONG de recherche médicale, ont mis sur pied une série d’essais cliniques aussi menés en Guinée et en République centrafricaine, qui ont permis de développer des médicaments révolutionnaires contre la THA. Tout d’abord les formulations NECT, en 2009, suivies, en 2019, du fexinidazole, un comprimé capable de guérir tous les patients en dix jours, y compris ceux à un stade avancé de la maladie. Avec les moyens du bord et des ressources limitées, les scientifiques du pays ont réussi à mettre sur pied des essais cliniques répondant aux standards internationaux les plus stricts.

Ces simples pilules sont désormais accessibles à tous les patients de la région, que ce soit en République Centrafricaine, en République du Congo, en Guinée, au Tchad et ailleurs. Et les chercheurs travaillent à présent sur un médicament appelé « acoziborole »: une seule prise de ce comprimé, facile à transporter et à distribuer, suffira à guérir les patients, notamment dans les villages les plus difficiles d’accès. Pour la première fois de son histoire, la RDC peut envisager l’élimination pure et simple de la maladie. Encore mieux : à travers ces efforts, le pays s’est révélé être un formidable leader en matière d’innovation et de recherche médicale. Dans un contexte régulier de crise, avec les moyens du bord et des ressources limitées, dans des zones reculées, des villages accessibles seulement en bateau ou au bout de pistes défoncées, ses scientifiques ont réussi à mettre sur pied des essais cliniques répondant aux standards internationaux les plus stricts. Des essais en tout point comparables à ceux menés dans les pays à hauts revenus. L’année dernière, le fexinidazole a d’ailleurs été enregistré par l’agence américaine du médicament, la FDA.

E.S.N.

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