L’« Or Vert » : Un capital national en déclin

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L’étude révèle que « l’épuisement des forêts du Cameroun s’est considérablement accéléré après 2010, avec une conversion importante des forêts de plaine en mosaïques forêts-exploitations agricoles entre 2010 et 2020, dépassant cinq fois le rythme observé au cours de la décennie précédente ».

Sur le plan économique, le Cameroun a enregistré une légère augmentation de son PIB réel, passant de 3,2 % en 2023 à 3,5 % en 2024. Cette progression est « soutenue par l’atténuation des pressions inflationnistes et les premières phases d’assouplissement de la politique monétaire dans les économies avancées comme dans les économies émergentes et en développement », précise le rapport. L’inflation moyenne a également diminué de 7,4 % à 4,5 % sur la même période, grâce notamment à un « resserrement soutenu de la politique monétaire, du contrôle des prix et d’une réduction de l’inflation importée ».

Cependant, des signaux d’alarme apparaissent au niveau budgétaire. Le déficit budgétaire global s’est creusé à 1,5 % du PIB en 2024, contre 0,7 % en 2023. Le rapport l’attribue à un « dérapage des dépenses courantes et d’une performance plus faible que prévu en matière de recettes ». Ces chiffres, bien que n’indiquant pas une crise immédiate, soulignent la nécessité d’une gestion prudente pour éviter un « risque élevé de surendettement en raison de problèmes de liquidité », comme le met en garde la Banque Mondiale.

Au-delà des indicateurs macroéconomiques traditionnels, le rapport innove en insistant sur l’importance cruciale de la comptabilisation de la richesse naturelle pour évaluer la véritable performance économique d’un pays. Et c’est là que le constat devient particulièrement préoccupant pour le Cameroun.

« Malgré une augmentation globale de la richesse totale à 553 milliards de dollars en 2020, contre 311 milliards de dollars (en dollars réels de 2019) en 1995 », le rapport révèle un fait alarmant : « la richesse nationale par habitant a diminué de 11 % entre 1995 et 2020 ». Cela signifie concrètement que, malgré une augmentation globale de la richesse du pays, la part de cette richesse revenant à chaque citoyen diminue, signe d’une exploitation non équilibrée.

L’analyse de l’épargne nette ajustée (ENA) renforce cette inquiétude. L’ENA du Cameroun a été « modérément négative entre 2010 et 2020 », ce qui, selon le rapport, « indique que le pays épuise sa richesse légèrement plus vite qu’il n’accumule de nouveaux actifs ».

La raison principale de cette érosion du capital naturel est l’exploitation intensive des forêts. L’étude révèle que « l’épuisement des forêts du Cameroun s’est considérablement accéléré après 2010, avec une conversion importante des forêts de plaine en mosaïques forêts-exploitations agricoles entre 2010 et 2020, dépassant cinq fois le rythme observé au cours de la décennie précédente ». Plus qu’une simple déforestation, c’est l’état écologique même des forêts qui se détériore, comme en témoignent les mesures satellitaires de la hauteur des arbres, du couvert forestier et de la connectivité du paysage.

Face à ce tableau, la Banque Mondiale n’hésite pas à tracer une feuille de route audacieuse pour le Cameroun. Pour « minimiser l’impact de la croissance sur l’environnement et préserver les richesses naturelles », le pays doit « prioriser ses écosystèmes vulnérables de grande valeur et passer à une économie de services basée sur la forêt ».

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Cette transformation passerait par la valorisation de l’écotourisme, des services médicinaux issus de sa flore unique, et le développement des connaissances forestières. L’objectif est clair : reconnaître les forêts non plus seulement comme des sources d’exploitation, mais comme des « dépositaires de valeurs d’options planétaires ».

Parmi les recommandations spécifiques, la Banque Mondiale propose : d’intégrer des indicateurs de l’état des forêts dans les systèmes nationaux de classification de l’affectation des terres, ce qui permettrait, par exemple, d' »éclairer les formules de transfert budgétaire » pour une allocation plus juste des ressources. D’investir massivement dans la comptabilité et l’évaluation régulières du capital naturel des services forestiers.

Ce rapport est un appel retentissant à une prise de conscience et à une action immédiate. Le destin de l’« or vert » du Cameroun, et par extension celui de son développement durable, repose sur sa capacité à transformer ces avertissements en opportunités pour les générations futures. Le défi est immense, mais la voie à suivre est désormais clairement tracée.

E.S.N

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