Médecine traditionnelle : un projet de loi en préparation pour la session du mois de mars à l’Assemblée Nationale

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Le Coordonnateur du Réseau des parlementaires pour la promotion de la santé et la valorisation de la médecine traditionnelle (Reprosan), l’Honorable Germain Durand Mengue Mezui, a animé un forum, le 09 décembre dernier, à l’Assemblée Nationale du Cameroun, sous le thème : « Prouesses et enjeux de la médecine traditionnelle ».  Cette séance plénière devrait aboutir à un projet de loi, qui nécessairement s’accompagnera du soutien des départements ministériels chargés à la fois de la recherche et de la santé.


Au Cameroun, plus de 80% de la population ont régulièrement recours à la médecine traditionnelle et aux plantes médicinales pour le traitement de diverses pathologies. Cette situation est fondée sur un savoir médical traditionnel imprégné de la culture locale. Le développement de ce savoir médical traditionnel offre de nombreuses potentialités et perspectives en matière de soins pour les pays africains.  Le Réseau des parlementaires pour la promotion de la santé et de la médecine traditionnelle (Reprosan), en collaboration avec des tradi-praticiens et naturopathes veut une meilleure reconnaissance. A cet effet, ils ont besoin d’exercer dans un cadre institutionnel leur permettant d’avoir la même légitimité accordée à la médecine conventionnelle. Car, « il est temps qu’elle cesse d’être considérée comme une médecine parallèle ou alternative; un tabou que l’on cache. » C’est dans cette perspective que s’inscrit le plaidoyer fait le jeudi 09 décembre 2021, à l’occasion de la session parlementaire de ce mois de novembre. La cérémonie s’est déroulée à l’Assemblée nationale du Cameroun, en présence du représentant du ministre de la Santé publique, le Pr. Eugène Sobngwi, du représentant du Président de l’Assemblée nationale, l’Honorable Kombo Gberi, le représentant du ministre de la Recherche scientifique et de l’Innovation, et du représentant  de l’Organisation mondiale de la santé (Oms), Dr. Phanuel Habimana, thème choisi cette année : «Prouesses et enjeux de la médecine traditionnelle». La phase protocolaire a été marquée par des allocutions. La séance plénière a porté sur plusieurs communications. La première communication était seule du professeur Eugène Sobngwi qui portait sur l’alimentation, le Dr Eloge Yiagnigni Mfopou a exposé sur le traitement anti-Covid-19, ainsi que l’allocution du Dr. Briand K., sur la lutte contre la Covid-19, et bien d’autres interventions. La prise de parole du représentant de l’Organisation mondiale de la santé (Oms), on retient que la médecine traditionnelle a fait beaucoup de progrès. De nos jours, elle est structurée de manière à jouer efficacement son rôle dans la couverture des besoins de santé des populations.

 L’urgence de développer ce domaine

Celle-ci passe forcément par l’Assemblée nationale en tant qu’instance faitière des lois. C’est dans cette optique que s’inscrit la séance plénière que le président de l’Assemblée nationale, le très Honorable Cavaye Yeguié Djibril a accordé aux promoteurs de ce label, réunis au sein du Réseau des parlementaires pour la promotion de la santé et la valorisation de la médecine traditionnelle africaine. D’ailleurs, selon le président de l’Assemblée nationale, Cavaye Yeguié Djibril, la crise sanitaire que connait le monde justifie l’urgence de développer ce domaine. «L’épidémie de la Covid-19 et sa forte amplitude aux effets dévastateurs multiples, a été révélatrice des limites de la médecine moderne et de la nécessité d’y adjoindre des solutions endogènes. Aujourd’hui plus que jamais, nous ne pouvons plus poser le même regard de condescendance et de mépris à peine voilé sur notre médecine traditionnelle. Il est grand temps de sortir la médecine traditionnelle de la stigmatisation et de la marginalisation…», avait plaidé Cavaye Yéguié Djibril à la session de juin 2020. « En tant qu’élus du peuple, nous souhaitons qu’un projet de loi arrive au parlement. Ce qui permettra une meilleure structuration de la médecine traditionnelle africaine », a souligné l’honorable Germain Mengue, président du Réseau. Pour lui, ce projet de loi devra nécessairement s’accompagner du soutien des départements ministériels chargés à la fois de la recherche et de la santé. Voilà pourquoi, le président du Réseau a indiqué qu’ « au niveau des ministères de la Santé et de la Recherche scientifique et de l’Innovation, un comité a déjà été mis en place à cet effet ». Le Réseau des parlementaires pour la promotion de la santé et la valorisation de la médecine traditionnelle africaine, a pour missions essentielles: « la valorisation, la modernisation et surtout la codification de la médecine traditionnelle africaine». Des tradipraticiens de diverses régions du pays ont démontré aux députés, des contributions traditionnelles substantielles à la lutte contre les maladies.

Le code de déontologie des tradi-praticiens est déjà rédigé

A l’en croire toutefois, le processus est en bonne voie. « La volonté politique d’intégrer la médecine traditionnelle dans les systèmes de santé a pris corps. Il a été créé au Minsanté un service en charge de cette médecine. De même qu’un centre de recherche des plantes médicinales et traditionnelles à l’Institut de recherches médicinales et d’études des plantes médicinales de Yaoundé. Le Cameroun a aussi adopté dans ce cadre le référentiel d’identification et d’homologation des médicaments issus de la pharmacopée traditionnelle. Et plusieurs formations ont été dispensées aux tradi-praticiens dans le cadre du plan stratégique de développement et d’intégration de la médecine traditionnelle dans le système de santé », révèle-t-elle. Elle ajoute que le code de déontologie des tradi-praticiens est déjà rédigé, et n’attend plus que la promulgation de la loi sur la médecine traditionnelle élaborée depuis 2006.

Les pays africains qui ont légiféré sur la médecine traditionnelle

Depuis quelques années, l’Institut de recherches médicales et d’études des plantes médicinales (l’Impm) accueille des tradi-praticiens à l’effet d’évaluer la toxicité, la qualité, l’innocuité de leurs produits entre autres. Mais beaucoup reste à faire, le secteur des guérisseurs étant encore miné par de nombreuses rivalités. L’événement cette année coïncide avec la fin de la décennie de la médecine traditionnelle africaine décrétée en 2000 par l’Oms. Quelques pays d’Afrique francophone ont prévu un cadre légal d’exercice de la médecine traditionnelle, se traduisant par l’existence d’un texte juridique réglementant la pratique. C’est le cas pour le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée équatoriale, le Mali, le Niger et la République centrafricaine. Par exemple, l’article 141 alinéa 2 du code burkinabé de la santé exprime de manière fort édifiante que « l’exercice de la médecine traditionnelle est assuré par un tradipraticien de santé ». Même si un cadre similaire fait encore polémique dans des pays comme le Sénégal ou le Cameroun, en règle générale, il semble que la difficulté soit plutôt au niveau du choix des mécanismes les plus appropriés pour encadrer l’activité.

Manque de visibilité sur le plan national

 La médecine africaine a 4 composantes dont la médecine traditionnelle, tradi-spirituelle, ancestrale et pharmacopée africaine. Il est important de savoir distinguer ces différentes notions. Concernant l’avancée de la médecine africaine, le ministère des Arts et de la culture a déjà reconnu cette médecine comme une fédération et j’en suis le coordonnateur national. L’Assemblée nationale a mis en place un réseau parlementaire pour veiller à la promotion de cette médecine. Ce sont des avancées que nous pouvons déjà noter. Mais nos grandes attentes concernent le cadre juridique. En effet, la médecine occidentale couvre 20% de notre santé, les églises 10%, et la médecine traditionnelle couvre 70%. Ces 70% sont insérés dans un seul service au Ministère de la Santé, d’où le manque de visibilité sur le plan national. Son évolution n’est presque pas palpable en vingt ans au Cameroun. Ce qui implique que les gens ne l’utilisent que dans le noir. Nous voulons que cette médecine soit pratiquée sans gêne. Pour plus de visibilité, nous demandions à l’Assemblée nationale qu’il y’ait une loi dédiée à la création d’une structure administrative pour cette médecine. C’est une médecine à part entière.

Corps de médecine traditionnelle

Appuyé en cela par l’Archevêque métropolitain de Douala, Monseigneur Samuel Kléda, ce dernier plaidait d’ailleurs pour que la médecine traditionnelle soit enseignée dans les facultés de médecine. « La phytothérapie doit être étudiée. Des études scientifiques doivent être menées. Voilà pourquoi je dis qu’il est important que la médecine traditionnelle entre dans nos écoles de médecine. C’est cela la voie à suivre». Justement l’un des points sur lesquels avait débouché la séance plénière du jeudi 25 juin 2020 était la proposition de création d’un corps de la médecine traditionnel!» Il devrait notamment être question: « d’intégrer ‘ la médecine traditionnelle dans le système éducatif camerounais, notamment dans toutes les fac de médecine, de -pharmacie et les centres de formation en soins médicaux; envisager la création d’un Corps de la médecine traditionnelle avec des centres de formation officiels agréés; de renforcer les capacités infrastructurelles des instituts et centres de recherches institutionnels publics et de la société civile sur les plantes médicinales et médecine traditionnelle…». Au total, 17 recommandations visant à renforcer ce domaine médical avaient été proposées. La question revient avec acuité au moment où les députés sont en session. Et au moment où la médecine traditionnelle camerounaise a donné la preuve qu’elle peut aussi déployer des armes redoutables et réserver une riposte musclée endogène au coronavirus qui a mis à genou le monde entier en général et le Cameroun en particulier.

Un faible encadrement

La médecine traditionnelle, associée à la médecine conventionnelle dans l’approche thérapeutique en Afrique, a le potentiel d’améliorer efficacement la situation sanitaire du continent et lui permettre d’atteindre plus rapidement l’objectif de développement durable n°3 des Nations Unis : « Bien-être et santé » pour tous à l’horizon 2030. C’est d’ailleurs pleinement consciente du potentiel de la médecine traditionnelle, que l’Organisation mondiale de la santé (Oms) a multiplié les stratégies de développement y relative. Depuis 2002, l’institution internationale appelle les pays du monde, notamment les Etats africains, à développer la réglementation, améliorer la formation, les pratiques, la qualité des médicaments, la recherche scientifique, la protection des droits de propriété intellectuelle des peuples indigènes et des communautés locales, ainsi que leur héritage dans le domaine des soins de santé, pour asseoir la crédibilité de la médecine traditionnelle auprès d’une plus grande frange des populations africaines et de la communauté scientifique internationale. 

Un marché pourtant porteur

Au-delà de garantir l’accès d’un plus grand nombre aux soins de santé de qualité, la médecine traditionnelle pourrait également représenter une richesse financière importante pour les Etats africains au regard de la forte demande en médicament abordables. Dans son dernier rapport de recherche, Market Research Future (Mrfr), indique que le marché mondial des médicaments à base de plantes devrait atteindre une valeur de plus de 129 milliards dollars US d’ici 2023 avec un taux moyen de croissance annuelle de 5,88% sur la période de prévision 2018 à 2023.  Le marché mondial des médicaments à base de plantes devrait atteindre une valeur de plus de 129 milliards dollars US d’ici 2023 avec un taux moyen de croissance annuelle de 5,88% sur la période de prévision 2018 à 2023. Selon Mrfr, l’utilisation croissante de produits chimiques de synthèse en médecine conventionnelle a déplu à une population importante qui exige de plus en plus des alternatives naturelles. Ce changement d’habitude a stimulé la demande de plantes médicinales à travers le monde, y compris dans les régions développées telles que l’Amérique du Nord et l’Europe, ainsi que dans les pays en développement d’Asie Pacifique, d’Amérique latine et du Moyen-Orient et même en Afrique. Le nombre croissant de consommateurs optant pour des alternatives naturelles à la médecine conventionnelle restera probablement le principal moteur du marché mondial des médicaments à base de plantes d’ici 2023. C’est ce qui explique d’ailleurs l’intérêt croissant d’investisseurs tels que des sociétés pharmaceutiques occidentales ou encore des sociétés de capital-risque en Chine, au Japon, en Inde ou encore en Corée du Sud, où la médecine traditionnelle représente un business florissant. L’Afrique, en investissant dans la médecine traditionnelle, a beaucoup à gagner.

Les exemples chinois et indien

Aujourd’hui, grâce à une sérieuse codification, les médecines traditionnelles chinoise et indienne ont conquis le monde. Selon China Med, la valeur totale des exportations de médicaments traditionnels chinois en 2016 était de 3,426 milliards de dollars US. Les produits ont été exportés vers 185 pays et régions. Les principaux marchés sont toujours restés en Asie, avec Hong Kong, le Japon, la Malaisie, la Corée du Sud ou l’Indonésie, mais aussi aux États-Unis. En 2016, la Chine a exporté pour 526 millions de dollars US de médicaments traditionnels chez l’Oncle Sam. 

Elvis Serge NSAA

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