
Awé Sorobmo
Arrivé à l’Hôpital régional de Ngaoundéré après un recrutement à la fonction publique, Awé Sorobmo a révolutionné le métier de thanatopracteur dans cet hôpital. Un travail salué non seulement par la hiérarchie de l’hôpital mais également par les collègues.
Rien ne prédestinait Awé au métier qu’il exerce aujourd’hui avec passion et dévouement. Passionné par les analyses médicales, il fût tenté de faire un concours dans ce cadre avant de finalement atterrir dans la thanatopraxie. C’est avec une aisance et une facilité indescriptible qu’il parle de son métier.
Avec une trajectoire scolaire classique, Awé Sorobmo a obtenu son Certificat d’Etudes Primaires en 2006, puis son Brevet d’Etudes du Premier Cycle (Bepc) en 2012. Après la classe de seconde, il a dû interrompre ses études en première A4 espagnol par fautes de moyens lui permettant de poursuivre les études. C’est alors qu’il a choisi un métier qui fait peur à bon nombre de personnes, la thanatopraxie.
Formé à Yaoundé, Awe une fois son diplôme en poche a effectué un stage de perfectionnement de deux ans à la garnison militaire de la capitale, Yaoundé. Suite à cette expérience, il est affecté à l’Hôpital régional de Ngaoundéré, où il exerce aujourd’hui avec fierté suite à sa réussite au concours de la fonction publique.
Ce choix professionnel ne fut pas anodin. « Je voulais initialement être agent technicien médico-sanitaire ou analyste médical », explique-t-il. Suite aux conseils d’un proche, il est convaincu de l’importance de ce métier, tout en soulignant les opportunités d’intégration. Malgré les difficultés et les préjugés parfois liés à sa profession notamment soupçons de sorcellerie et surtout trafic d’organes humains, peur, incompréhension, Awé reste déterminé. « Ce métier est noble mais pas facile, et il faut se donner à fond sans se soucier du regard des autres », confie-t-il. Selon ses collègues, c’est un professionnel dévoué et rompu à la tâche. « Awé est un collègue très respectueux. Avec lui, on ne s’ennui pas et il est toujours prêt à venir au secours des autres, même hors du cadre de service », témoigne Denis Dangné Madoué, chef d’unité de la banque de sang et collègue.
Le plus grand succès pour Awé, c’est la satisfaction de rendre un service humain à la population. Il puise sa fierté dans le réconfort qu’il apporte aux familles endeuillées, dans la manière dont il les accompagne et les console. Il est conscient des efforts encore nécessaires, notamment en matière de communication avec les différentes populations pour faire évoluer les perceptions sur les rites funéraires. « Il faut un effort de communication avec les familles, surtout en ce qui concerne les rites effectués sur les défunts. Aussi, la population n’est pas suffisamment informée du travail du morguier », confie-t-il.
La famille comme sources de motivation
Dans sa vie personnelle, Awé est marié à Hatnong Ina Frida, originaire de Mbé, qui connaît bien ce métier pour avoir elle-même suivi une formation et un stage de quatre mois à ses côtés. Ensemble, ils élèvent trois enfants, qui découvriront sans doute plus tard la portée du travail de leur père.
Sur le plan technique, Awe explique avec précision les étapes de son travail, notamment l’administration du formol pour la conservation du corps via l’artère fémorale, une pratique complexe nécessitant rigueur et transparence auprès des proches. Accusé de trafic d’organes humains, il n’hésite pas à associer les familles à la séance d’administration du formol afin de dissiper tout malentendu et tout soupçon. « Pour repérer l’artère fémorale. Il faut automatiquement inciser pour repérer cette artère fémorale. On ne peut pas repérer seulement comme ça. C’est dans un muscle. Il est bien que vraiment cette méthode fait souvent problème. Mais nous avons l’habitude d’expliquer à la famille », explique Awé. Et de poursuivre, « Et souvent s’ils veulent. On les laisse souvent dans la salle pour qu’ils voient comment on procède. Parce qu’il y a certaines familles qui sont tellement compliquées. Ils pensent que c’est un trafic d’organes », conclu-t-il.
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À travers son engagement et son professionnalisme, Awe Sorobmo incarne la noblesse d’un métier méconnu, craint et où les préjugés sont légion. D’où le respect des défunts et le soutien des familles priment avant tout. Ce qui permet à bon nombre de personnes de reconnaitre les avancées notées à l’unité de la morgue de l’Hôpital régional de Ngaoundéré.
Par Jean Besane Mangam
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