En prélude au tout premier congrès de la société Camerounaise d’urologie, l’hôpital central de Yaoundé (HCY), sous la coordination de son directeur, professeur Pierre Joseph Fouda, a lancé depuis le 14 septembre 2022, une campagne d’intervention gratuite des fistules obstétricales et du rétrécissement de l’urètre.
Une quinzaine de personnes ont bénéficié de cette largesse du professeur Pierre Joseph Fouda et de ces collaborateurs. Afin de diminuer de manière significative les maux dont souffrent les femmes après avoir donné la vie, l’équipe conduite par le directeur de l’hôpital central de Yaoundé a entrepris cette action humanitaire qui entre dans le social. ‹‹ Une pathologie pour la sensibilisation au niveau du public comme la fistule vesico vaginale. Actuellement dans notre pays nous avons entre 18 et 20 000 femmes porteuses de fistules obstétricales, il faut qu’elles sachent qu’il y a une possibilité de résoudre leur problème. Mais aussi attirer l’attention du public à tous les niveaux, des décideurs, des soignants parce qu’une femme qui vient pour donner la vie ce qui a de plus noble, qui s’en sort avec une complication aussi grave quand elle a de la chance c’est quelque chose de dramatique. Nous devons nous lever comme un seul homme et ne dire plus jamais ça. Aucune femme ne doit plus jamais souffrir ni mourir en donnant la vie.
C’est l’objectif que nous voulons donner à cette campagne de prise en charge de fistules ››, explique Pierre Joseph Fouda, directeur de l’hôpital central de Yaoundé. En effet, selon Dr Junior Mekeme Mekeme, une fistule c’est une femme qui perd les urines ou la matière fécale par le vagin, le plus souvent après un accouchement difficile parce qu’on n’a pas anticipé cette difficulté. ‹‹ On n’a pas fait des consultations prénatales, pour anticiper sur les dimensions du patient par rapport au fœtus ou bien l’inverse. L’enfant pendant le travail est coincé dans le bassin et comprimé les tissus du bassin. Si la compression mais plus de 6-8 h en avant, il y aura un déficit de vascularisation dans la zone qui est comprimé, un trou va se former et la femme va commencer à permettre en permanence et continuellement les urines. Si c’est en arrière c’est la matière fécale, qu’on appelle fistule recto vaginale ››, indique-t-il. Pour anticiper ce mal, il faut que la femme enceinte, fasse des consultations prénatales, ce qui n’est pas souvent le cas pour celles souffrantes de ce mal. Les cas recensés dans le cadre de la campagne gratuite lancée à l’hôpital central sont des cas complexes dont la prise en charge en temps normal avoisine 400-500 mille FCFA.
Dr Junior Mekeme Mekeme explique la complexité de certains d’entre eux. ‹‹ Les cas que nous avons opéré aujourd’hui étaient très complexes. Le premier initialement, nous n’avons pas pu l’opérer par le vagin parce qu’on avait la possibilité de le faire soit par le vagin, soit par l’abdomen. Nous avons constaté que la fistule était assez haute. C’est quand nous sommes allés dans l’abdomen à travers la vessie, on a constaté que l’impression d’avoir une fistule était fausse, c’était trois qui avaient une dimension de 4 cm. Nous espérons que nous avons réussi l’opération parce-que les tests que nous avons réalisés étaient satisfaisants, maintenant il faut observer sur les 7-10 premiers jours parce-que ce n’est pas toujours évident. Le second cas était également complexe à la fin parce qu’on s’est rendu compte qu’il y avait deux orifices. Un qui coulait en permanence et un autre qui paraissait borne c’est-à-dire qui était muet. Quand on a fermé le premier il y a eu la pression intra vésicale, il a commencé à couler et nous avons pu le rattraper ››. Il s’agit de deux femmes âgées respectivement de 38 et de 41 ans. Pour la dernière, c’est la ’’technique de Fouda’’ qui a été utilisée. ‹‹ Nous avons eu la chance d’utiliser une technique mise en place par notre maître, le professeur Fouda qui consiste à ne pas mettre sous tension les tissus. Parce que la qualité de ces tissus ne peut pas être évalué à l’œil nu. Avec cette technique on superpose tout simplement les tissus et ça ne traumatise plus les tissus qui existe ››, renseigne le Dr Junior Mekeme.
En effet, la technique du professeur Pierre Joseph Fouda, appelé ’’le lambeau de Fouda’’, est une technique chirurgicale mise en place depuis près de 10 ans et dont le taux la réussite va à 85%. Elle a été publiée et continue d’être enseignée dans d’autres villes du pays. ‹‹ La chirurgie de la fistule vesico vaginale est une pathologie compliquée. Quand on voit une pathologie pour laquelle on développe des cliniques au fil du temps, ça veut qu’on n’a pas encore fait le tour de sa prise en charge. Compte tenu du fait que c’est une pathologie dont la prise en charge coûte chère pour nous qui sommes dans les pays à revenues intermédiaires, dans la littérature il y a beaucoup de complications pour les patients qui ont cette fistule localisée au niveau du col vésical. La vessie c’est comme un ballon et l’urètre c’est comme la valve. Quand la fistule attaque la partie où il y a la valve et au-dessus, parce-que c’est là que les uretères arrivent le succès est très faible. Cette technique nous a permis d’avoir des résultats qui vont jusqu’à 85 %, elle est fiable mais il y a des indications aussi. Tous les malades ayant cette situation ne peuvent pas tous profiter de cette intervention. Nous avons développé cette technique que les jeunes maîtrisent très bien, nous l’enseignons aux autres collègues qui s’intéressent à la fistule obstétricale ››, justifie professeur Pierre Joseph Fouda.
Rétrécissement de l’urètre
Deux pathologies ont été ciblées dans le cadre de cette campagne chirurgicale. En plus des fistules obstétricales, figure en second plan les problèmes urinaires qui surviennent le plus souvent après une infection sexuellement transmissible ou un traumatisme. Il était important de prendre en charge ces personnes, dans un contexte où l’on se questionne sur l’avenir de l’urologie. ‹‹Nous sommes à un carrefour pour l’avenir et le devenir de l’urologie. Au paravent on ne faisait que de l’urologie traditionnelle mais aujourd’hui il y a de nouvelles techniques innovantes et nous ne devons pas rester à la traîne. Nous avons commencé par exemple la chirurgie mini invasive, on fera des prothèses péniennes pour les patients qui ont des troubles de l’érection qu’on ne peut plus traiter par d’autres moyens››, confie professeur Pierre Joseph Fouda.
L’un des cas opérés par le Dr Achille Mbassi a duré à moyenne 1h 15 minutes. Le patient en souffre depuis deux ans et pendant tout ce temps, traînait avec lui une sonde. ‹‹ L’intervention que nous avons réalisée aujourd’hui c’est une électroplasti anastomotique. C’est un jeune de 17 ans qui a eu un traumatisme de son canal urétral et ce traumatisme a fait en sorte qu’il ne puisse plus uriner. Il y a deux ans, il a été conduit dans un hôpital où on n’a pas pu lui placer une sonde ce qui est normal, on lui a donc placé une sonde sus pubienne. Depuis deux ans il traine une sonde dans son ventre. Ayant entendu qu’on avait un congrès de la société Camerounaise d’urologie, il s’est précipité à l’hôpital, il a été consulté par nous et on on a posé l’indication après avoir fait tous les examens. L’intervention que nous avons fait consiste à rétablir la continuité de son urètre. Chose qui a été faite, ce malade a été opéré aujourd’hui. On lui a placé une sonde qu’il va porter un mois, et au bout d’un mois il pourra uriner normalement ››, dit-il. Et d’ajouter : ‹‹ Vous savez les interventions dépendent de la gravité du mal. Ce sont des interventions chirurgicales qui en temps normal qui peuvent avoisiner les 400-500 mille FCFA››.
Comme sus-évoqué, La sténose de l’urètre peut être d’origine traumatique ou infectieuse. En fonction de son origine et de sa longueur, les spécialistes peuvent décider du type de chirurgie à faire. ‹‹ Ce qu’il faudrait savoir c’est que quand vous avez un traumatisme du canal urétral, vous n’allez pas uriner, parfois vous poussez et vous avez mal. C’est ce qui vous conduit à l’hôpital, on ne vous demande même pas. Ce ne sont pas des pathologies qu’on reste avec à la maison, une fois qu’il y a des signe d’alerte vous allez directement chercher un hôpital parce-que vous pouvez avoir ce qu’on appelle une rétention aiguë d’urine ou bien il y a des troubles d’urines›› précise Dr Achille Mbassi, urologue. Il ajoute : ‹‹ C’est vrai que certaines sténoses sont d’origines infectieuses. La prévention des IST est préconisée. Lorsqu’on est vagabond, on s’amuse avec n’importe qui, on ne se protège pas au cours des rapports sexuels, on peut attraper le gonocoque. Il y a également des accidents de la voie publique qui peuvent entraîner ça parce-que ce cas-ci est certes compliqué mais il y en a plus complexes encore. Quand vous avez un accident de la voie public avec une fracture du bassin, peut être accompagné d’une rupture de l’urètre là c’est très mauvais. Si ont ne réussit pas à vous opérer à l’immédiat vous ne pourrez plus uriner. Ce sont des chirurgies de compétences, extrêmement compliquées, c’est pas pour les tous venant››. Après l’intervention si l’opération est une réussite le malade n’a pas de problème, il peut reprendre sa vie normale.
Cependant, il est important de rappeler que ces interventions chirurgicales qui se tiennent en préparation du premier congrès de la société Camerounaise d’urologie prennent fin le 20 septembre. Le congrès en lui-même est prévu du 21 au 22 septembre 2022 à l’hôtel Mont Febe de Yaoundé.
Divine KANANYET