Consommation de l’alcool : vérités et contre-vérités sur l’organisme
« Le vin rouge protège la santé du cœur et des vaisseaux sanguins. » Cette recette magique, on l’entend partout. Elle fait le bonheur des amateurs des plaisirs de la table. Mais est-elle fondée? Les scientifiques ont multiplié les études pour départager le vrai du faux.
Pour y voir clair, ils ont regardé séparément les maladies coronariennes et les accidents vasculaires cérébraux (AVC).
Les maladies coronariennes
Les maladies coronariennes sont causées par un rétrécissement des artères du coeur. Le dépôt de plaques athéromateuses dans les vaisseaux sanguins empêche le sang de circuler librement. Le coeur ne reçoit plus suffisamment d’oxygène pour fonctionner normalement, ce qui peut mener à l’angine ou à l’infarctus.
Que disent les recherches à ce sujet? Essentiellement, qu’une consommation régulière, de légère à modérée, d’alcool assure une protection partielle contre ces maladies, à partir de la quarantaine2.
Les raisons qui se cachent derrière cet effet protecteur sont complexes. On sait, par exemple, que l’alcool augmente le taux de bon cholestérol dans le sang, ce qui aide à réduire la formation des plaques athéromateuses. En outre, la prise d’alcool éclaircit le sang dans les heures qui suivent sa consommation, ce qui facilite la circulation.
Fait intéressant : c’est l’alcool lui-même et non les autres composants des boissons qui assurerait cette protection. Le vin rouge ne serait donc pas plus avantageux que le vin blanc ou la bière.
Si la consommation faible à modérée d’alcool a un effet bénéfique, la consommation excessive, elle, a l’effet inverse. Avec un verre ou deux par jour, la courbe des risques descend3. Mais au-delà de cette limite, elle augmente en flèche.
L’accident vasculaire cérébral (AVC)
L’AVC est causé par l’interruption du flot sanguin au cerveau, soit en raison d’un caillot (accident ischémique) ou de la rupture d’un vaisseau sanguin (accident hémorragique).
Comme dans le cas des maladies coronariennes, la consommation excessive d’alcool augmente clairement le risque de subir un AVC. Les effets bénéfiques d’une consommation légère à modérée sont toutefois moins évidents.
Selon certaines études, la consommation raisonnable d’alcool aurait un effet protecteur contre les accidents ischémiques, puisqu’elle réduirait le risque de formation de caillot4-5. Elle pourrait toutefois augmenter le risque d’accident hémorragique, probablement en raison de son effet éclaircissant sur le sang6. En effet, un sang très liquide se répandrait plus rapidement dans l’organisme.
Et le vin rouge?
Le vin rouge a-t-il un effet protecteur contre le cancer? On aimerait bien le croire! Certaines molécules contenues dans la peau des raisins, sous l’effet de la fermentation, fabriquent des propriétés antioxydantes bénéfiques. À ce jour, cependant, leur effet protecteur contre le cancer n’a pas été prouvé scientifiquement7. Ces recherches sont encore au stade préliminaire. Chose certaine, la consommation de grandes quantités de vin rouge ne peut être perçue comme une source de protection contre le cancer. Les risques excèdent de loin les avantages.
Le cancer
Si les découvertes scientifiques laissent entrevoir des effets bénéfiques d’une consommation modérée d’alcool sur la santé cardiovasculaire, les nouvelles ne sont pas aussi bonnes en ce qui concerne le cancer. À ce jour, aucun effet protecteur n’a été démontré. Au contraire. Les liens entre la consommation d’alcool et certains types de cancers — bouche, gorge, larynx, oesophage, sein, foie et colorectal — sont clairement prouvés, et ce, même si on boit avec modération8.
Bouche, gorge, larynx, oesophage
Plusieurs recherches ont montré que la consommation d’alcool augmentait le risque de souffrir d’un cancer de la bouche, de la gorge, du larynx ou de l’oesophage9. On soupçonne le contact direct entre l’alcool — les molécules d’éthanol — et les cellules qui tapissent ces régions du corps d’être en cause. En effet, l’alcool endommagerait, voire détruirait certaines cellules. Une portion des cellules « remplaçantes » pourraient receler des mutations, responsables de cancers.
En outre, certaines bactéries qu’on trouve dans la bouche peuvent briser les molécules d’alcool pour former des molécules d’acétaldéhyde. Ces dernières peuvent également endommager ou détruire les cellules qui tapissent la portion supérieure des voies respiratoires et du tube digestif.
Selon les recherches, plus on consomme d’alcool, plus le risque d’être atteint d’un de ces cancers est élevé. Une consommation « plancher », en dessous de laquelle la prise d’alcool ne poserait aucun risque, n’a pas encore été démontrée. Boire de l’alcool à l’occasion des repas semble toutefois préférable à la prise d’alcool à jeun. En outre, les risques augmentent considérablement lorsque l’on combine alcool et tabagisme.
Sein
Grâce à de grandes études épidémiologiques, on commence à faire la lumière sur les liens entre l’alcool et le cancer du sein. Les observations récentes invitent à la prudence. La consommation d’alcool, même modérée, augmenterait substantiellement les risques. Et de façon plus importante une fois passée la ménopause.
Aux États-Unis, le National Cancer Institute a analysé les dossiers médicaux de plus de 180 000 femmes post-ménopausées. Les résultats ont été révélés en avril 2008. Les femmes qui consommaient en moyenne un ou deux verres d’alcool par jour avaient 32 % plus de risque d’être atteintes d’un cancer du sein que celles qui ne buvaient pas. Les femmes qui prenaient trois verres ou plus par jour voyaient leur risque augmenter de 51 %. Le type d’alcool consommé (vin, bière ou spiritueux) ne semblait avoir aucune influence sur la formation de la maladie10.
Les chercheurs croient que l’alcool pourrait agir sur les taux d’oestrogène dans le sang. Cependant, les mécanismes physiologiques qui lient alcool et cancer du sein n’ont pas encore été entièrement élucidés.
Cancer colorectal
Plusieurs études ont confirmé la relation entre la consommation d’alcool et le cancer colorectal (du côlon ou du rectum). Au Royaume-Uni, par exemple, l’analyse de 480 000 dossiers médicaux a révélé que boire une pinte de bière ou un grand verre de vin par jour augmentait les risques de 10 %11.
Bien que l’association soit clairement établie, il n’est pas clair que la prise d’alcool seule est suffisante pour causer la maladie. Le mélange de l’alcool à une mauvaise alimentation, à la sédentarité et au tabagisme serait plutôt en cause.
Foie
La consommation d’alcool est l’un des principaux facteurs de risque de cancer du foie. Boire de façon excessive endommage les tissus et peut mener à la cirrhose. Or, le cancer du foie est l’une des complications fréquentes des cas de cirrhose.
Les fonctions cognitives
Boire un verre de trop nuit au bon fonctionnement du cerveau. Une consommation légère à modérée, toutefois, pourrait avoir un effet protecteur contre le déclin des fonctions cognitives mémoire, concentration, etc. —, spécifiquement chez les personnes âgées. Des recherches plus poussées seront cependant nécessaires pour confirmer ces résultats préliminaires12.
La consommation excessive, quant à elle, entraîne de sérieux problèmes cognitifs qui sont bien démontrés. À long terme, elle peut entraîner des troubles de la mémoire, d’attention ou de concentration.
Le diabète de type 2
Selon certaines études scientifiques, une consommation régulière, légère à modérée, d’alcool pourrait diminuer de 33 % à 56 % les risques d’être atteint de diabète de type 213. Cette maladie survient lorsque le corps est incapable d’utiliser normalement l’insuline pour métaboliser le sucre, ou le glucose sanguin adéquatement. Dans la majorité des cas, le diabète de type 2 apparaît une fois passé l’âge de 40 ans. Selon les chercheurs, l’alcool rendrait les cellules du corps plus sensibles à l’action de l’insuline, facilitant ainsi le métabolisme du glucose.
À noter que, chez les personnes dont la consommation d’alcool dépasse le seuil de la consommation modérée, les chercheurs ont découvert que la résistance à l’insuline augmentait, tout comme le risque d’être atteint de diabète de type 214.
La grossesse et l’allaitement
On entend parfois dire qu’un verre d’alcool à l’occasion ne peut pas faire de tort au foetus. Ou au contraire, que même une consommation modérée peut être nocive pour le sain développement de l’enfant à venir. La vérité, c’est que la science n’a pas encore tranché la question avec certitude. En cas de doute, mieux vaut faire preuve de prudence.
Les experts recommandent de réduire sa consommation d’alcool dès le moment où l’on tente de concevoir un enfant et, idéalement, d’arrêter complètement de consommer de l’alcool. Durant la grossesse, s’abstenir de boire constitue aussi le choix le plus sûr.
Pendant la période d’allaitement, les nouvelles mamans devraient aussi s’abstenir de consommer de l’alcool. Celles qui choisissent de boire devraient se limiter à un verre et compter deux heures avant de donner le sein.
Une consommation excessive d’alcool durant la grossesse peut s’avérer dangereuse pour le foetus. L’embryon serait particulièrement vulnérable durant les trois premiers mois de gestation15.
En deux mots
Une consommation régulière et modérée d’alcool pourrait avoir certains bienfaits pour la santé, en ce qui concerne les maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2 et le déclin cognitif chez les personnes âgées. La recherche laisse entrevoir d’autres effets favorables. Une consommation régulière et modérée d’alcool pourrait réduire les problèmes de rhumatismes, d’arthrite, de calculs rénaux et certaines infections. Il ne s’agit que de résultats préliminaires toutefois. Ces effets restent encore à confirmer.
Peu importe ses bons côtés, la consommation d’alcool ne pourra jamais compenser le manque d’exercice, une mauvaise alimentation et le tabagisme. Un mode de vie sain demeure la stratégie à privilégier pour se prémunir contre les maladies qui nous guettent.
Si vous ne buvez pas d’alcool, ne songez pas à vous y mettre simplement pour profiter de ses quelques bienfaits. Le jeu n’en vaudrait pas la chandelle. « Après tout, on consomme de l’alcool pour le plaisir et par choix personnel, pas comme médicament », fait valoir l’organisme Éduc’alcool16. Parlez plutôt avec votre médecin de vos inquiétudes de santé et envisagez de vous mettre à la marche, au vélo… ou aux légumes!
Recherche et rédaction : Dominique Forget
Références
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Notes
- Les effets de la consommation modérée et régulière d’alcool, Éduc’alcool, 2005. Pour en savoir plus : www.educalcool.qc.ca/alcool-et-sante.
- Corrao G, Luca R, Bagnardi et al. Alcohol and coronary heart disease: a meta-analysis. Addiction, 95(10), 2000, 1505–1523.
- O’Keefe, JH, Bybee, KA, Lavie, CJ. Alcohol and cardiovascular health : the razor-sharp double-edged sword. J Am Coll Cardiol, 50(11), 2007, 1009-1014.
- Sacco RL, Elkind, M, Boden-Albala B.The protective effect of moderate alcohol consumption on ischemic stroke. JAMA, 281(1), 1999, 53-60.
- Mukamal KJ, Chung H, Jenny NS. Alcohol use and risk of ischemic stroke among older adults: the CV Health Study. Stroke, 36(9), 2005, 1830-1834.
- Holman CD, English DR, Milne E, Winter MJ, Meta-analysis of alcohol and all-cause mortality: a validation of NHMRC recommendations. Medical Journal of Australia, 164, 1996, 141–145.
- National Cancer Institute, Red wine and cancer prevention fact sheet, 2002.
- Allen NE, et al, Moderate Alcohol Intake and Cancer Incidence in Women, Journal of the National Cancer Institute, Vol. 101, Issue 5, March 4, 2009, 296 – 305. Advance Access published February 24, 2009.
- National Health and Medical Research Council (. Australian Alcohol Guidelines. Risks and Benefits, 2001, 130 p.
- Big U.S. study links breast cancer to drinking, 13 avril 2008, Reuters. Pour en savoir plus: www.reuters.com/article.
- Alcohol link to bowel cancer risk, 30 juillet 2007, BBC. Pour en savoir plus: news.bbc.co.uk.
- National Health and Medical Research Council). Australian Alcohol Guidelines. Risks and Benefits, 2001, 130 p.
- Howard AA, Arnsten JH, Gourevitch MN. Effect of alcohol consumption on diabetes mellitus: a systematic review. Annals of Internal Medicine, 140 (3), 2004, 211–219.
- Wei M, Gibbons LW et al. Alcohol intake and incidence of type 2 diabetes in men. Diabetes Care 23(1), 2000, 18–22.
- La grossesse et l’alcool en questions, Éduc’alcool, 2008. Pour en savoir plus : www.educalcool.qc.ca/la-grossesse-et-alcool.
- Les effets de la consommation modérée et régulière d’alcool, Éduc’alcool, 2005. Pour en savoir plus : www.educalcool.qc.ca/alcool-et-sante.