Dr Franck NANA : « Le commissaire aux comptes n’a pas fait le travail d’un commissaire aux comptes, mais d’un comptable d’une petite épicerie en faillite »

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Selon le Président du Conseil national de l’Ordre National des pharmaciens du Cameroun, le Commissaire aux comptes a décidé de présenter un « brouillon » à charge contre le bureau de l’ordre sortant, pour des motifs inavoués.

Le 15 janvier 2021, vous avez été élu président du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens du Cameroun. Quel bilan faites de vos trois ans à la tête de cette prestigieuse institution ?

Le bilan que je fais est un bilan positif. Un bilan de satisfaction, un bilan d’enthousiasme et un bilan qui demande encore un perfectionnement, comme toute œuvre humaine. C’est un bilan qu’il faut perfectionner dans les trois prochaines années. C’est un bilan de satisfaction parce que, pendant trois ans, nous avons organisé annuellement une Assemblée Générale Ordinaire de l’Ordre des pharmaciens du Cameroun, ce qui n’était pas tout le temps ainsi, ce qui est pourtant une règle, selon nos textes.

Pendant 3 ans, nous avons rassemblé au-delà de l’Assemblée Générale, nous avons eu plusieurs rencontres avec des pharmaciens, nous avons rassemblé les pharmaciens sur des thématiques riches et variées comme : le diabète, l’hypertension, l’observance des traitements, la prévention de la maladie, le système d’approvisionnement, la problématique de la disponibilité des médicaments, etc. Nous avons étudié les dossiers des pharmaciens, nous avons inscrit des pharmaciens au tableau, nous avons délivré plus de 80 autorisations d’exercices en clientèle privée pour l’officine dans les zones désertiques, nous avons donné plusieurs avis sur les dossiers des pharmaciens au ministère de la santé.

Pendant ces trois dernières années, nous avons eu plusieurs rencontres avec des pharmaciens dans sept régions (Extrême Nord, Nord, Adamaoua, Est, Centre, Sud, Littoral). Ils ont posé leurs problèmes, nous avons apporté un certain nombre de solutions. Pour nous, le bilan est satisfaisant, mais il doit encore être renforcé.

Au vu de ce bilan, l’Assemblée Générale Ordinaire, nous a donné un quitus pour la gestion des 3 ans. Non, pas que tout est blanc, mais que le travail a été bien réalisé et bien fait selon nos présentations.

Quel est le rôle joué par le ministre de la Santé publique dans la réalisation de vos projets ?

Nous profitons de votre tribune pour le remercier. Il a joué un très grand rôle. Avec le ministère de la Santé publique, nous avons travaillé dans la convivialité. Il a toujours été à notre écoute. Il nous a soutenus, le mieux qu’il pouvait, il a même parfois ouvert les portes avec les autres administrations avec qui nous devons travailler au quotidien. En plus du ministre de la Santé auquel nous disons merci, nous disons également merci à d’autres administrations, aux services du Premier ministre, au secrétariat d’État à la Défense, au ministre de la recherche scientifique et de l’innovation, au ministre de l’enseignement supérieur, au ministre de l’Administration territoriale, au ministre des Finances, au ministre des Mines de l’industrie, avec qui nous travaillons sur l’industrialisation pharmaceutique locale, à certains gouverneurs, au directeur général de la douane, à certains préfets, sous-préfets et maires. Ce fut un travail républicain pour le bien de la population camerounaise.

Quel était l’objectif de l’Assemblée générale ordinaire et électorale du 23 au 24 février 2024, au Palais des sports de Yaoundé ?

L’assemblée générale ordinaire du 23 février fut une assemblée générale ordinaire. C’est une assemblée générale du bilan, où nous devons présenter nos réalisations, conformément à notre plan d’action. Cette assemblée générale est statutaire. La 3ème  année marque non seulement le bilan, mais aussi la projection que nous voulons donner à notre profession dans les trois prochaines années. Donc, l’Assemblée Générale Ordinaire du 23 février fut une assemblée générale bilan et perspective.

Le 24 février, il s’agissait d’une Assemblée Générale Elective. Cette assemblée générale élective, qui à contrario de l’ordinaire, se fait chaque trois ans. Cette Assemblée Générale Elective, devait marquer l’élection d’un nouveau conseil. Le quorum n’étant pas atteint, ce qui est toujours le cas depuis la création de la loi de 90/035 1990 et ses textes d’application. Depuis 1990, aucune assemblée générale élective ne s’est tenue une seule fois. L’avantage que nous avons cette année, c’est qu’il n’y a pas eu de trouble et de bagarre, comme il y’a 3 ans et souvent. Le report est consubstantiel à la loi, qui demande d’avoir 2 tiers des pharmaciens inscrits et à jour la veille au moins des élections, ce qui est quasi-impossible.

Cette loi doit être révisée et ramenée à 50 %, plus une personne. C’est un chantier que nous allons entamer dans notre prochain mandat. Il n’y a aucun problème par rapport à ce report, c’était prévisible, nous l’avons dit, il y a trois mois. Nous ne sommes pas gênés. La gêne que nous avons, c’est le nombre de fois que nous devons venir ici. Pour les pharmaciens, c’est trois fois, ce qui est une aberration. Quitter des autres régions, dépenser de son argent et de son temps, pour revenir une autre fois ? Non, c’est trop pénible, d’où la faible mobilisation. Nous allons prendre cela en compte dans nos prochaines révisions de la loi. Nous ne pouvons pas indéfiniment reporter les élections. Deux fois, c’est normal, mais trois fois, ça veut dire qu’il y a une anomalie dans nos textes.

Pourquoi est-ce que les élections ont été reportées sine die ?

Les élections ont été reportées à cause du quorum non atteint. Ce qui n’est la faute de personne. C’est simplement que la notion de 2 tiers est impossible à atteindre depuis 1990. Pire que cette fois-ci, le nombre de personnes inscrites est assez élevé, près de 1300. Donc, atteindre les 2 tiers devient presque impossible. Puisque plusieurs pharmaciens sont toujours dans leur ville, dans les 10 régions et tout le monde ne peut pas se déplacer, donc de facto, nous aurons un report. Les gens se découragent, parce qu’ils savent que les 2 tiers ne peuvent pas être atteints. Ils viendront nombreux au moment du vote réel. Ils étaient près de 660 à l’Assemblée générale ordinaire de Kribi, en février 2023.

Que dit le code électoral de l’ordre des pharmaciens quand les élections sont reportées ?

Le code électoral dit qu’à la première assemblée, le quorum n’est pas atteint, après la deuxième convocation, … Donc nous avons une ambiguïté dans ce texte, avec le mot « après ». Dans une interprétation, on se retrouve en train de faire trois convocations. Depuis 1990, l’ordre des pharmaciens se plie à cette interprétation de la loi. Cette loi dérange à 90 % les pharmaciens. Le président des assemblées, après concertation, va convoquer la prochaine assemblée générale élective, où il n’y aura pas d’élections. C’est à la 3ème  fois que les élections vont se tenir.

Pourquoi l’argent fait les bruits à l’Ordre national des pharmaciens du Cameroun ?

Vous êtes journaliste, je vous propose d’aller obtenir le rapport du commissaire aux comptes, de vous faire votre idée, de le comparer à d’autres rapports de certains commissaires aux comptes des Ordres ou des structures pharmaceutiques ou autres structures. Sur la forme, il ne s’agit pas d’un rapport d’un commissaire au compte, il s’agit d’un brûlot. C’est à la limite, ce que je peux appeler un brouillon de comptabilité.

On sait tous le rôle d’un Commissaire aux comptes : il certifie les comptes, sur leur sincérité et leur régularité ; il donne son opinion sur la gestion et, le cas échéant, des recommandations à l’Assemblée Générale. Sur la base du compte d’exploitation, des pièces bancaires, des pièces administratives et des pièces comptables que le Conseil de l’Ordre lui fournit. En aucun moment, son rapport n’a cadré ni avec la présentation de la trésorerie, ni avec la présentation des activités de bilan du président de l’Ordre. Que pouvons-nous y comprendre. Un commissaire aux comptes est loin d’être un inquisiteur.

Depuis l’Assemblée Générale de Kribi, le Commissaire aux comptes nous avait toujours présenté un drôle de rapport. On se demande, si nous savons ce qu’on appelle un rapport d’opinion d’un commissaire aux comptes ? À Kribi en février 2023 Nous avons déjà fait remarquer au commissaire aux comptes que sa manière de présenter est unique au monde, avec des dépenses, des frais de restauration, des noms des autorités… Que pouvons-nous faire, si des gens recherchent le Buzz ou autre chose. Nous avons des entreprises pharmaceutiques, il aurait dû se rapprocher de celles-ci pour voir comment faire un rapport au commissaire aux comptes. Ou mieux se servir des anciens rapports des anciens commissaires aux comptes.

Sur le fond, le commissaire aux comptes vient nous sortir dans un tableau valorisé certains achats et les dépenses de l’ordre. Qui est une partie du compte d’exploitation que nous lui avons donnée.

Il ne s’agit pas d’un rapport d’un commissaire aux comptes, ça. Il s’agit d’un document à charge. Bien sûr, pour faire une activité, on fait des dépenses. Si ce commissaire aux comptes avait au moins fait ce rapport, adossé aux entrées, il doit vous dire l’activité qui a été faite. Mais il sort certaines dépenses comme des morceaux choisis, sans vous dire, le but de la dépense, le résultat de la dépense.

Si on parle de la mission du Président de l’Ordre, on doit vous dire : le pourquoi de la mission, le lieu de la mission, la durée de la mission et l’objet de la mission. Vous ne pouvez pas dire à quelqu’un qu’il a dépensé pour une mission 100 FCFA, sans dire quel était le but de la mission. Le Commissaire aux comptes a décidé de présenter un document à charge contre le bureau de l’Ordre sortant. Nous cherchons encore à quelle fin. S’il s’agit des fins électorales, il doit se présenter. Personne n’est empêché de le faire.

Le Commissaire aux comptes a été incapable de certifier le patrimoine de l’Ordre (terrain, mobilier, matériel de reprographie, etc.) ou le patrimoine en cours d’acquisition. C’est ça le travail d’un commissaire aux comptes : certifier les comptes, certifier les patrimoines de l’ordre.

Le Commissaire aux comptes avait dit à Kribi qu’on a distrait 11 millions 500 mille francs CFA. Bizarrement, il vient dire que les 11 millions 500 mille francs ne sont pas perdus. Il ne peut pas être crédible. Nous sommes allés confronter nos états, il a découvert qu’il n’y avait aucune perte. Le commissaire aux comptes n’a pas fait le travail d’un commissaire aux comptes, il fait le travail d’une opposition.

Si on lui a passé une commande, c’est son problème. On lui a demandé de faire le travail d’un commissaire aux comptes. Nous n’avons aucun problème avec lui. Le commissaire aux comptes est libre de dire ce qu’il veut, mais il doit dire les faits. Ce n’est pas le commissaire aux comptes qui justifie la dépense. Pour une telle activité, le Conseil de l’Ordre décide de la dépense. Le commissaire aux comptes est là pour dire, si la pièce présentée justifie la dépense ? Est-ce que l’argent qu’on dit disponible est bel et bien dans les comptes bancaires au 31 décembre ? Est-ce que l’argent dépensé est vraiment dépensé pour l’objet cité ? Il a sorti certaines dépenses, mais, il a omis de présenter les décharges que lui-même, il a effectuées pendant le mandat. Pour moi, c’est un document à charge et je ne le considère pas comme un document.

Dans le projet de loi, nous allons proposer que ce soit vraiment des entreprises chargées du Commissariat aux comptes qui fassent ce boulot et non des comptables des pharmaciens. Le Commissariat aux comptes n’est pas la comptabilité, c’est bien plus,

Pour clore ce sujet, notre Conseil a augmenté en valeur relative de 56 % notre solde bancaire du 31/12/20 au 31/12/23. Ceci, c’est déjà un signal fort de gestion et il y’en a d’autres.

Quel est le nombre de pharmaciens inscrits à l’ordre des pharmaciens ?

Le nombre de pharmaciens inscrits à l’ordre des pharmaciens est autour de 2870 à jour, et inscrits, nous sommes environ 1278 pharmaciens inscrits et à jour des cotisations. Quand on parle de vote, on parle des pharmaciens inscrits et à jour de leur cotisation. Nous sommes 2870 pharmaciens. Faites un peu les 2 tiers, ça fait 852. Ce qui est impossible à atteindre.

Quelles sont les missions du Président de l’Ordre national des pharmaciens du Cameroun ?

Nous avons des missions consultatives, administratives, morales et juridictionnelles. Nous entamons parfois la lutte contre la VIM, ce n’est qu’un corolaire. C’est un appui et des actes techniques que nous donnons aux autorités. Nous devons d’abord mener nos missions régaliennes. Inscrire tous les pharmaciens, donner l’autorisation d’exercice en clientèle privée pour travailler dans les structures, faire des formations continues de nos pharmaciens, aider nos pharmaciens, juger nos pharmaciens et nous impliquer dans la santé publique, la prévention des maladies, etc. L’ordre protège le patient du mauvais pharmacien.

L’Ordre national des pharmaciens du Cameroun assure un rôle moral, administratif, consultatif, juridictionnel et de conciliation. Il est le garant de la relation pharmacien-patient. Ainsi, à travers son organe qui est le conseil de l’ordre, il a pour mission entre autres : d’inscrire au sein de l’ordre des nouveaux confrères et délivrer les autorisations d’exercice, d’assurer le respect des devoirs professionnels, d’assurer la défense de l’honneur et de l’indépendance de la profession, de veiller à la compétence des pharmaciens, de contribuer à promouvoir la santé publique, la qualité des soins et la sécurité des actes professionnels, d’être force de proposition auprès des pouvoirs publics, pour tous éléments ayant traits aux produits pharmaceutiques et aux structures pharmaceutiques, de concilier et de juger ces pairs au sein d’une chambre de discipline et la chambre d’appel.

Au cours de votre mandat, quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées ?

Elles sont de plusieurs ordres. Nous avons été parfois rigoureux avec les pharmaciens. Ces pharmaciens n’étaient pas d’accord, d’où la cabale des pharmaciens aujourd’hui. La rigueur est nécessaire lorsque nous sommes dans un corps d’élite. Nous avons eu des incompréhensions avec les pharmaciens. Il fallait que les pharmaciens soient de plus en plus conscientisés, qu’ils soient sur le droit chemin, parce que le patient demande qualité de service et que le pharmacien soit à son écoute.

Dans un deuxième volet, nous avons eu des problèmes avec d’autres administrations : le ministère du Commerce, le ministère de l’Eau et de l’Énergie. Aujourd’hui, les incompréhensions avec les autorités, nous les résolvons de façon très intelligente : en allant vers eux, en discutant avec eux, afin de trouver les solutions à nos problèmes. Nous ne pensons pas avoir de grosses difficultés. La difficulté que nous ne souhaitons pas avoir, c’est celle de la mobilisation des pharmaciens. Les pharmaciens doivent s’impliquer dans la gestion de leur affaire, par leur présence, par leur cotisation. Ce que nous devons mettre en place est la formation continue des pharmaciens.

Si vous êtes réélu, quels seront vos chantiers prioritaires ?

Si nous sommes réélus, le premier chantier, c’est la révision de la loi et des textes subséquents qui vont avec. Nous devons les réviser. Depuis 1990, jusqu’à ce jour, nos textes sont obsolètes. Nous devons apporter un modernisme. À l’instar des nouvelles technologies de l’information et de la communication, nos textes sont muets.

En matière de formation continue, nos textes sont muets, en matière de régionalisation, nos textes sont muets, en matière d’organisation des élections, nos textes sont muets. Les textes sont à réviser. Le deuxième chantier, c’est l’immeuble siège de la profession. Oui, aujourd’hui, nous avons loué un nouveau siège, plus joli, qui représente mieux les pharmaciens. Nous devons avoir un siège propre à nous. 3ème  chantier, c’est…

Propos recueillis par Elvis Serge NSAA

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