Interview : « la particularité de cet hôpital est que nous recevons beaucoup de victimes de la route»
Dr Jean Gustave Tsiagadigui, Directeur de l’hôpital régional annexe d’Edéa.
Comment se porte l’hôpital régional d’Edéa ?
C’est un hôpital régional annexe. Dans la région du littoral il y en a deux: Un à Nkongsamba et celui d’Edéa qui vient donc compléter le dispositif de référence de la région du littoral en sachant que dans la ville de Douala, notre métropole, nous avons trois grands hôpitaux. Notamment, l’hôpital Laquintinie, l’hôpital Général et l’hôpital Gynéco-obstétrique et un autre hôpital de soutien qui est L’Hôpital militaire. Nous sommes donc en renfort avec pour mission la prise en charge des malades de cette partie de la région. Donc, je veux dire à partir de la Dibamba pratiquement jusqu’à Sombo et dans toutes les périphéries. Notre vocation c’est de prendre en charge ces malades. Mais, la population cible est d’environ un million d’habitants.
Quelle est la particularité de votre formation hospitalière?
Nous recevons tous les malades de toutes les pathologies, nous avons pour cela, un service de médecine, un service de chirurgie, un service de pédiatrie, de gynécologie et de maternité. Ainsi, nous abritons tous les programmes du ministère de la Santé public. L’une des caractéristiques de notre hôpital est que nous sommes situés sur un carrefour de trois grands axes que sont l’axe lourd Edéa-Yaoundé, l’axe lourd Edéa-Douala et l’axe lourd Edéa-Kribi. La particularité de cet hôpital est que nous recevons beaucoup de victimes de la route. Ils sont très nombreux, et il ne se passe aucune semaine sans que nous ne recevions en général la masse de 10-15 blessés. Ça, c’est vraiment notre particularité et c’est notre cheval de bataille. Les autres pathologies comme on l’a dit surviennent, et nous nous en occupons. Nous avons un bon service d’ophtalmologie, d’odontostomatologie, même si pour certains de ces services, nous éprouvons la difficulté que vous pouvez imaginer dans le pays en se qui concerne le renouvellement du matériel. Nous avons par ailleurs un service de veille avec plusieurs médecins. Mais pour revenir sur notre cheval de bataille, c’est la prise en charge des blessés et des victimes de la route.
Un afflux composé à la fois des blessés de la route, et des populations riveraines ; tout ça pour quel effectif de personnel soignant ?
Nous avons actuellement 149 personnels parmi lesquels 70 personnels soignants, 33 médecins et le reste sont des personnels infirmiers paramilitaires.
Quel est l’état des rapports entre l’hôpital et les populations riveraines ?
Nous avons de très bons rapports avec les populations riveraines. Cet hôpital a la particularité d’être inscrit dans se qu’on appelle PBF (performance base finaltion). Ce qui fait que l’hôpital est d’abord ouvert à son propre personnel qui participe au management, à toutes les grandes décisions. Et le PBF demande également que la population à travers des communautés et collectivités ait un œil sur le fonctionnement de l’hôpital. Donc, nous avons vraiment de bons de rapports. Bons rapports ne veut pas dire que nous sommes appréciés. Bons rapports veut dire que nous discutons et qu’il n’y a aucun sujet tabou et que nous avons même le retour de ce que nous faisons, ce que nous sommes auprès la population; c’est surtout cela. Quand il y a quelque chose qui ne va pas, nous sommes avisés. Nous avons l’occasion de prendre des mesures collectives.
Au niveau de l’hôpital, quelles sont les difficultés auxquelles vous faites face au quotidien ?
Avant de parler des difficultés, je voudrai quand même dire que cet hôpital est un bon investissement de l’Etat. Il fait partie des piliers du système hospitalier. Vraiment, je ne le dis pas parce que je suis directeur. Je peux vous dire que c’est un hôpital qui fait un peu la fierté des populations. L’Etat a beaucoup réfléchi. Nous ne nous plaignons pas de l’état de propreté. Carrément, je peux vous le dire ; Nous n’avons pas de souci sur ce plan. C’est un investissement sérieux. Cet hôpital est un hôpital pilote à travers le système PBF. L’idée étant que les autres hôpitaux s’arriment à ce système. Il est possible que nous entendions d’ici quelques années que la majorité des hôpitaux camerounais soient sous PBF dans ce système-là, qui permet d’avoir une gestion un peu plus rigoureuse des moyens qui sont mis à la disposition de l’hôpital.
L’hôpital a été créé en 2011. Il y avait d’abord un hôpital de district qui a été transformé grâce au crédit du GTZ Allemand, avec le concours du ministère de la Santé publique. Si nous avons dit qu’il y a des choses qui fonctionnent bien, il faut aussi dire que nous sommes à 07 ans, en termes d’entrée dans le système hospitalier et nous constatons une certaine dégradation du matériel et des équipements. Nous sommes en train d’aborder la phase critique de l’amortissement du matériel d’une manière globale. Le ministère de la santé publique est au courant, et il nous apporte son soutien. Sur fond propre, nous essayons de financer un certain nombre de choses. On ne peut pas tout faire. Nous avons une ambulance qui ne fonctionne plus et vous imaginez les cas que nous pouvons avoir. Cette situation cause un problème. Nous avons des hectares de terrain étendus à des kilomètres. Nous avons des problèmes des bâtiments, mais c’est un problème de procédure. Nous avons un gros problème d’eau, pour essayer de le résoudre, nous avons construit un forage il y a quelques jours. Avec tout cela on se bat.
Avec le personnel soignant, comment ça se passe ? Les rapports sont-ils excellents ?
Si vous avez une entreprise où entre les employés et la direction tout va bien, je vais aller faire un stage là-bas. Moi je ne connais pas où tout vas bien. Ce qui est important, est qu’il y a un dialogue et le dialogue est permanent. A chaque fois, tous les problèmes sont discutés. Rien n’est tabou. Dès qu’un problème est posé, il est discuté en comité de supervision élargie tous les lundis. Nous avons un comité de direction à la fin de chaque mois et un comité de supervision. Le personnel n’a pas un problème à ce sujet-là. Alors, quand il y a le matériel, le personnel se met au travail pour être bien payer.
Le problème épineux rencontré ailleurs est celui des quotes-parts. Dans cet hôpital les personnels reçoivent-ils ces parts qui leurs reviennent ?
Ce n’est pas le directeur qui décide de la distribution des primes, nous discutons dans un comité très élargi. Et ce n’ai pas facile. Nous faisons le bilan du mois, s’il y a quelque chose en bonus, nous discutons ensemble de la part que nous mettons en réserve, pour les investissements. Et l’autre part, nous distribuons au personnel. Et donc en réalité, nous n’avons pas de problème de quotes-parts.
Interview Réalisée par Armand Serge Eyango