
Yaoundé - Cérémonie de clôture du Projet PUS au Cameroun.
Après quatre années d’actions intenses, le Projet PLUS, mis en œuvre par Population Services International (PSI) Cameroun en partenariat avec le ministère de la Santé Publique (MINSANTE), vient de boucler son cycle. Doté d’un financement de 4,2 millions de dollars américains, ce programme aura marqué une étape déterminante dans la lutte contre le paludisme chez les enfants de moins de deux ans dans six districts sanitaires de la région du Centre. Au moment de tourner la page, acteurs et communautés saluent les acquis, mais expriment aussi leurs craintes pour l’avenir.
Une réponse innovante face à un fléau persistant
Le Cameroun figure toujours parmi les pays les plus durement frappés par le paludisme. En 2024, la maladie représentait 36,8% des consultations, 56,5% des hospitalisations et près de 30% des décès hospitaliers. Pour freiner ce fléau, le gouvernement a misé sur la Chimio-Prévention Pérenne du Paludisme (CPP), initialement prévue à cinq contacts entre 0 et 2 ans. Avec le projet PLUS, PSI Cameroun a innové en ajoutant trois contacts supplémentaires, portant ainsi le suivi à huit passages dans les districts de Bafia, Ngoumou, Nkolbisson, Ntui, Obala et Soa.
« Depuis le lancement de cette initiative, en avril 2022, nous avons travaillé sans relâche pour offrir à nos enfants les meilleures chances de vivre en bonne santé », a rappelé la représentante du Secrétaire général du MINSANTE, lors de la cérémonie officielle de clôture. Elle a souligné la solidité du partenariat entre le gouvernement et PSI qui a permis de former 577 prestataires de santé, 452 agents communautaires (ASCp), 33 formateurs nationaux, 20 formateurs de district et 16 experts en pharmacovigilance, tout en distribuant plus de 219 000 doses de Sulphadoxine Pyriméthamine (SP) aux nourrissons.
Des communautés impliquées et transformées
Au-delà des chiffres, l’un des succès majeurs du projet réside dans l’adhésion communautaire. Sa Majesté Atangana Pie, chef traditionnel à Yaoundé 7 (Nkolbisson, village Noam-Vouth2), l’a souligné : « Les responsables du district nous ont associés dès le départ. Grâce à l’engagement des chefs traditionnels, des pasteurs, des imams, le message est passé jusque dans les mosquées et les églises. Cela a beaucoup contribué à convaincre la population. »
Bédiang A Dong épse Messe Merveille, agent communautaire à Bafia, témoigne elle aussi du changement opéré : « Avant, il était difficile de convaincre les parents. On parlait, mais on n’avait rien à donner. Avec l’arrivée du projet nous avons reçu les comprimés SP, la confiance s’est installée. La communauté a pris goût à aller à l’hôpital. »
Des inquiétudes au lendemain du projet
Mais à l’heure où le projet PLUS ferme ses portes, ces mêmes acteurs expriment leurs appréhensions. « Maintenant que c’est terminé, on s’inquiète. Si nous n’avons plus les produits, ça risque de créer une rupture de confiance. Beaucoup dans les communautés pourraient retourner à leurs vieilles habitudes, comme préférer des traitements traditionnels plutôt qu’emmener leurs enfants à l’hôpital », craint Merveille Bédiang.
De son côté, Dr Tatiana Palisson, médecin, Chef du district de santé de Nkolbisson, regrette que certains défis restent entiers. « Ce projet a été un vrai booster. Il a amélioré l’intérêt des formations sanitaires pour la vaccination, renforcé la collaboration avec les agents communautaires et accru la couverture vaccinale. Mais nous avons encore du mal à garder les parents dans le circuit vaccinal après la première année. » Elle plaide pour que « les mécanismes communautaires mis en place soient maintenus et que d’autres ressources soient mobilisées, afin que des équipes puissent continuer à aller vers les populations les plus éloignées ».
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Capitaliser et poursuivre le combat
Pour Dr Koko Daniel, représentant pays de PSI Cameroun, la clôture du projet ne signifie pas la fin du combat. « Ce projet a, en quatre ans, permis de sauver de nombreuses vies et de renforcer durablement le système local. Nous espérons qu’il serve de tremplin pour d’autres initiatives encore plus ambitieuses. La santé et l’avenir de nos enfants en dépendent. »
Conscient que « le chemin reste long », le ministère de la Santé publique entend poursuivre ses efforts pour éliminer le paludisme d’ici 2030. « Nous travaillons à assurer la pérennisation des acquis et à explorer les possibilités d’étendre ces interventions à d’autres districts », a assuré la représentante du Secrétaire général du MINSANTE.
Alors que le rideau tombe sur le projet PLUS, les communautés, les soignants et les autorités espèrent que l’élan donné ne s’éteindra pas, afin que chaque enfant au Cameroun puisse grandir loin de cette maladie évitable.
Rappel…
Population Services International (PSI) est une ONG internationale active depuis plus de 50 ans, engagée à fournir des soins de santé de qualité. PSI est présente au Cameroun depuis 2012 et se concentre sur des domaines tels que les maladies tropicales négligées, le VIH/TB, la santé reproductive, ainsi que l’eau et l’assainissement.
Le Projet Plus, financé par Unitaid, vise à mettre en œuvre la chimioprévention du paludisme chez les nourrissons, intégrée dans le plan national de santé du Cameroun.
Mireille Siapje