Sida, Paludisme, Tuberculose : La CENAME réclame 1,9 milliard de FCFA aux programmes de santé

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La Centrale Nationale d’Approvisionnement en Médicaments et Consommables Médicaux Essentiels (CENAME) chargée de l’approvisionnement et de la distribution des médicaments essentiels au Cameroun, se retrouve asphyxié par une dette colossale accumulée par les programmes de santé partenaires.

Le Comité National de Lutte contre le Sida (CNLS) est le plus mauvais payeur, avec un solde dû de 1,2 milliard de FCFA pour la gestion des ARV.

Le Programme National de Lutte contre la Tuberculose (PNLT) traîne également une dette de 292 millions de FCFA pour la gestion des médicaments contre la tuberculose.

Le Programme National de Lutte contre le Paludisme (PNLP) affiche un solde impayé de 432 millions de FCFA, mettant en péril la distribution des antipaludiques.

Un trou béant dans les caisses de la CENAME

Les chiffres font froid dans le dos. En 2024, la CENAME a facturé plus de 2,9 milliards de FCFA aux programmes de santé pour ses prestations de stockage, de livraison et de gestion des médicaments. Or, à ce jour, une grande partie de ces factures reste impayée. Le Comité National de Lutte contre le Sida (CNLS) est le plus mauvais payeur, avec un solde dû de 1,2 milliard de FCFA. Le Programme National de Lutte contre la Tuberculose (PNLT) traîne également une dette de 292 millions de FCFA. Quant au Programme National de Lutte contre le Paludisme (PNLP), il n’a effectué aucun règlement en 2024, cumulant ainsi une ardoise de 432 millions de FCFA.

De façon détaillé, sur un montant total facturé de 2 221 780 972 FCFA entre 2022 et 2024, seul 1 008 540 957 FCFA a été réglé par le CNLS, laissant un solde impayé de 1 213 240 015 FCFA. La situation est similaire au PNLP avec un solde de 292 962 650 FCFA sur un total de 348 567 128 FCFA facturés. Le PNLT n’a été effectué aucun paiement sur les 432 360 759 FCFA facturés entre 2021 et 2024.

Des difficultés financières aux conséquences dramatiques

Ces impayés chroniques plombent les finances de la CENAME et l’empêchent d’investir dans la modernisation de ses infrastructures. La flotte de véhicules, essentielle pour acheminer les médicaments aux quatre coins du pays, est vétuste et insuffisante. Les magasins de stockage, eux aussi vieillissants, ne répondent plus aux besoins et augmentent le risque de péremption des médicaments.

Un magasin de stockage du médicament

Des pertes financières et un risque pour la santé publique

En 2024, la CENAME a réceptionné 117 livraisons d’intrants pour divers programmes de santé, dont 82 pour le CNLS (lutte contre le SIDA), 25 pour le PNLT (lutte contre la tuberculose) et 10 pour le PNLP (lutte contre le paludisme). Malgré un taux d’exécution des plans de distribution de 100%, le temps de séjour des produits en stock reste préoccupant. Au CNLS, certains produits, comme la Nevirapine 50mg/5ml sirop, ont passé jusqu’à 19 mois en stock avant d’être distribués. Des retours de produits, parfois proches de la date de péremption, témoignent de difficultés d’écoulement. Au PNLP, le temps de stockage moyen est de 17,56 mois, mettant en lumière des défis logistiques importants. Au PLNT, la situation est encore plus critique avec un temps de stockage atteignant 27,97 mois pour certains lots.

Ces durées de stockage excessives augmentent le risque de péremption. En 2022, le CNLS a enregistré une perte de 35 095 956 FCFA due aux produits périmés. Ce chiffre a atteint 68 457 310 FCFA en 2023 et 150 279 596 FCFA en 2024. Le PNLP a également subi des pertes de 768 430 FCFA en 2022 et 337 291 FCFA en 2023.

Au total, sur les trois dernières années, ce sont plus de 254 millions de FCFA de médicaments qui ont été perdus au CNLS à cause de la péremption. Le PNLP et le PNLT ne sont pas épargnés, avec des pertes qui s’élèvent respectivement à 1,1 million et près de 20 millions de FCFA. La perte de médicaments due à la péremption n’est pas seulement un gâchis financier, c’est aussi un risque pour la santé publique. En effet, la pénurie de médicaments qui peut en résulter compromet l’accès aux soins pour les populations les plus vulnérables.

Aperçu de l’une des façades du parc automobile de la CENAME à Yaoundé

Des solutions urgentes pour sauver la CENAME

Face à cette situation critique, la CENAME doit réagir et trouver des solutions pour assurer la pérennité de ses missions. L’établissement public envisage plusieurs pistes d’action pour sortir de l’ornière. Tout d’abord, il est impératif de renforcer le suivi des protocoles d’accord avec les programmes de santé et d’améliorer la communication entre les différentes parties prenantes. La CENAME souhaite impliquer davantage la DLMEP dans le suivi des modalités d’exécution des protocoles. L’objectif est de s’assurer du respect des engagements pris par les programmes, notamment en matière de paiement des frais de gestion.

Améliorer la gestion des stocks et la planification

La CENAME compte également améliorer la gestion des stocks et la planification des approvisionnements. Pour cela, l’établissement public souhaite être impliqué dès l’acquisition des produits par les programmes. Cette implication permettrait de mieux anticiper les besoins et d’optimiser la gestion des stocks en fonction des dates de péremption. La modernisation des infrastructures est un autre axe prioritaire. La CENAME a besoin de renouveler sa flotte de véhicules et de réhabiliter ses magasins de stockage. L’établissement public mise également sur la digitalisation de ses procédures pour gagner en efficacité et en transparence.

Assurer l’autonomie financière de la CENAME

Enfin, la CENAME doit renforcer son autonomie financière. L’établissement public compte sur la subvention du MINFI et sur l’appui logistique des partenaires pour investir dans ses infrastructures et assurer la pérennité de ses missions.

La CENAME est un acteur clé du système de santé camerounais. Sa survie est aujourd’hui menacée par l’incurie des programmes de santé qui ne s’acquittent pas de leurs dettes. Il est urgent que ces programmes prennent leurs responsabilités et paient ce qu’ils doivent à la CENAME. L’avenir de l’approvisionnement en médicaments essentiels au Cameroun en dépend.

L’un des magasins de stockage

Historique et missions de la CENAME

Créée en 1996 sous la forme d’un projet, la CENAME a connu plusieurs évolutions statutaires. Devenue un établissement public administratif en 2005, puis un établissement public à caractère technique en 2018, la CENAME est aujourd’hui un établissement public à caractère spécial depuis avril 2024. Sa mission principale est de garantir l’accès aux médicaments et dispositifs médicaux essentiels à tous les Camerounais. Elle assure l’approvisionnement, le stockage et la distribution de ces produits, en collaboration avec les programmes de santé et les formations sanitaires.

Joseph Mbeng Boum

Encadré :

  • Le Comité National de Lutte contre le Sida (CNLS) est le plus mauvais payeur, avec un solde dû de 1,2 milliard de FCFA pour la gestion des ARV.
  • Le Programme National de Lutte contre la Tuberculose (PNLT) traîne également une dette de 292 millions de FCFA pour la gestion des médicaments contre la tuberculose.
  • Le Programme National de Lutte contre le Paludisme (PNLP) affiche un solde impayé de 432 millions de FCFA, mettant en péril la distribution des antipaludiques.
  • En 2024, les pertes liées aux produits périmés ont dépassé 150 millions de FCFA.
  • Les impayés des programmes de santé peuvent entraîner des ruptures de stock de médicaments essentiels, mettant en danger la santé des populations et compromettant la lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose.

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