
Yaoundé accueille du 2 au 4 octobre 2025 le premier congrès de la Société Camerounaise de Médecine Interne, une spécialité encore méconnue qui propose une approche globale et humaine des soins dans un système de santé fragmenté et coûteux.
Alors que le premier congrès de la Société camerounaise de médecine interne (SOCAMI) ouvre ses portes ce 2 octobre 2025, à Yaoundé, une question essentielle se pose : comment humaniser les soins dans un système de santé confronté à des défis multiples ? La réponse pourrait bien se trouver dans cette spécialité méconnue qui place le patient au cœur de sa pratique. Le Dr Rudy NANA souligne avec conviction. « Notre approche incarne l’humanisation des soins par essence. Alors que la médecine tend vers une hyperspécialisation parfois déshumanisante, l’interniste maintient une vision holistique du patient. » Cette philosophie se concrétise through le slogan de la société : « The patient is a whole » – le patient est un tout.
En effet, dans un contexte camerounais où les ressources sont limitées, l’interniste apparaît comme une solution pragmatique. Le Dr Rudy NANA, médecin interniste, illustre cette réalité. « Prenons un patient souffrant d’hypertension, de diabète et de troubles gastriques. Dans le circuit traditionnel, il devrait consulter trois spécialistes différents, avec des coûts multiplicatifs. Alors qu’avec un interniste, il bénéficie d’une prise en charge intégrée en un seul lieu, pour un coût bien moindre. » Le thème du congrès, « Médecine interne et accès aux soins de qualité », traduit cette volonté d’apporter des réponses concrètes aux populations. « Notre objectif est double », explique l’écrivain. « D’abord, nous voulons résoudre le problème de l’éclatement des parcours de soins».
D’autre part, nous visons à réduire les dépenses de santé pour les patients souvent confrontés à des choix douloureux entre se soigner et subvenir à leurs besoins essentiels. » Cette vision trouve un écho particulier dans les régions où l’accès aux spécialistes est limité. Le Dr NANA précise : « Les 88 internistes camerounais constituent une force de frappe contre la fragmentation des soins. Nous formons des spécialistes capables de poser des diagnostics spécialisés et d’assurer une prise en charge globale, notamment grâce à l’échographie POCUS qui permet un diagnostic rapide au chevet du patient. »
L’humanisation des soins passe également par une meilleure intégration des infirmiers dans le dispositif. « Nous accordons une importance cruciale à la formation des infirmiers », insiste le chercheur. « En effet, ce sont eux qui sont au plus près des populations dans les centres de santé de première ligne. Leur capacité à orienter correctement les patients et à initier les premiers gestes est déterminante pour la qualité de la prise en charge. »
Cette approche collaborative s’inscrit dans une logique d’efficience. « Plutôt que de multiplier les références spécialisées souvent coûteuses et difficiles d’accès, nous misons sur la formation et la délégation des tâches », ajoute le Dr NANA. « Ainsi, l’infirmier devient un prolongement de notre action sur le terrain».
Un modèle inspiré des meilleures pratiques internationales
La SOCAMI s’appuie sur des modèles éprouvés à l’international. « En Allemagne, l’interniste intervient dans toutes les spécialités avec une polyvalence remarquable », note le médecin. « En France, il est le référent des maladies systémiques. Quant à l’Angleterre, il y est considéré comme le chef-d’œuvre des soins et de la recherche. Ces différentes approches nous inspirent pour développer un modèle adapté au contexte camerounais. »
Néanmoins, des défis persistent. « Notre principal obstacle réside dans les limitations du plateau technique et l’accès aux médicaments de qualité », reconnaît le Dr NANA. « Cependant, ces difficultés sont communes à l’ensemble du système de santé et ne remettent pas en cause la pertinence de notre approche. » Parmi les temps forts de ce congrès, une conversation sur l’éthique en médecine et l’intelligence artificielle promet d’éclairer les enjeux futurs. « L’IA ne doit pas remplacer la relation médecin-patient, mais au contraire la renforcer », estime le médecin. « En automatisant certaines tâches diagnostiques, elle nous permet de consacrer plus de temps à l’écoute et à l’accompagnement personnalisé. » Cette vision équilibrée entre innovation et humanisme caractérise la démarche de la SOCAMI. « Nous voulons utiliser la technologie non pas pour déshumaniser les soins, mais pour retrouver l’essence même de la médecine : une rencontre entre une personne qui souffre et une autre qui s’engage à l’aider », conclut le Dr NANA. Alors que les travaux du congrès s’ouvrent pour trois jours de réflexion intensive, un espoir se dessine : celui de voir la médecine interne camerounaise devenir le fer de lance d’un système de santé plus humain, plus accessible et plus résilient. La route est longue, mais les premiers pas sont prometteurs.
Elvis Serge NSAA
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