Troubles bipolaires : La fin d’une relation peut déclencher la maladie

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Débutant le plus souvent à la fin de l’adolescence, ou au début de l’âge adulte, les troubles bipolaires se caractérisent par la succession de phases dépressives et d’épisodes maniaques. La personne est euphorique, ne tient pas en place, l’insomnie peut être totale plusieurs jours de suite.

Scène surréaliste le 08 mars 2023, au marché Mendong, dans le sixième arrondissement de la ville de Yaoundé. Une jeune fille d’une trentaine d’années, dénudée se balade avec une élégance déconcertante dans les rues de ce quartier populaire de la ville aux sept collines. Comme dans un film d’action ou dans un défilé de mode d’un autre genre, la scène se déroule sous le regard mitigé des usagers de la route stupéfaits. Alors que certains sont amusés, parce que intéressés par les formes généreuses, de la déesse qui exhibe sans gêne ses parties intimes,  d’autres indignés crient au scandale, soupçonnant la personne qui se donne à ce spectacle d’avoir trempé, c’est-à-dire d’avoir pactisé avec le diable et d’exécuter une clause de rituel mystique et exotérique dont elle seule connait la rétribution finale.  Quand ce n’est pas le cas, la personne est accusée de pratique de sorcellerie au sens africain du terme, l’une et l’autre raison ou cause, sont susceptibles de lui apporter un confort économique et matériel. Puisque dit-on souvent, cette dernière ont choisi de vivre heureuse, mourir jeune. Les interprétations concernent leurs styles de vie, trouvent leur fondement dans leur allure et rythme de vie particulier et exorbitant. Elles sont généralement âgées entre 18 et 40 ans et se démarquent de leurs congénères par leurs paraîtres. C’est le spécimen des jeunes femmes qui roulent carrosse, vivent dans les villas huppées, portent des vêtements et accessoires griffés et de derniers cri. Toutes présentent invraisemblablement, une mine imperturbable, une mine qui ne porte aucun soupçon de la maladie mentale. Les médecins spécialistes de ces maux, y voient les manifestations de la maladie du cerveau qu’autre chose.

Autrefois appelé le trouble maniaco dépressif, le trouble bipolaire est un trouble de l’humeur, fréquemment associé à d’autres troubles comme la toxicomanie ou les troubles anxieux entre autres. Selon les dernières statistiques, environ 46 millions de personnes souffrent de troubles bipolaires à travers le monde, et la maladie touche environ 1% des plus de 18 ans. Débutant le plus souvent à la fin de l’adolescence, ou au début de l’âge adulte, elle se caractérise par la succession de phases dépressives et d’épisodes maniaques. Pendant ces derniers, « lembrasement émotionnel est total  », comme l’explique le docteur Marc Masson dans Les Troubles bipolaires. La personne est euphorique, ne tient pas en place, l’insomnie peut être totale plusieurs jours de suite. De nombreux symptômes sont décrits : désinhibition, idées délirantes, voire hallucinations. Les causes biologiques, psychologiques, environnementales et génétiques peuvent être à l’origine des troubles bipolaires. Selon des experts, le déséquilibre de la noradrénaline, de la sérotonine et de la dopamine, qui régulent l’humeur, peut déclencher un trouble bipolaire. Le facteur héréditaire ou génétique est également l’une des causes possibles. La probabilité selon laquelle un ou plusieurs personnes de la même famille peuvent avoir un trouble bipolaire est élevée. Des événements traumatisants comme la perte d’un proche, la fin d’une relation conjugale ou amicale ou d’autres souvenirs d’enfance, peuvent également déclencher un trouble bipolaire. Des phénomènes stressants constants peuvent provoquer un trouble bipolaire.

Soutien familial

Pour traiter le mal, le médecin diagnostique les premiers symptômes et agit rapidement en modifiant de manière appropriée le traitement médicamenteux tout au long des différentes phases. Parmi les médicaments les plus utilisés dans le traitement du trouble bipolaire, on trouve les anticonvulsivants, les antidépresseurs et parfois les neuroleptiques. La psychoéducation est aussi l’un des traitements les plus utilisés. Elle favorise une meilleure prise en charge du trouble et une augmentation de la qualité de vie. Le trouble bipolaire est un trouble chronique, le patient doit être conscient de sa situation pour pouvoir surveiller les symptômes et améliorer son état. La psychoéducation peut être réalisée lors d’entretiens individuels ou en groupe. Attention, la psychoéducation ne peut pas remplacer la pharmacothérapie, qui reste essentielle pour le traitement de la maladie. D’autres thérapies cognitivo-comportementales se concentrent sur l’identification des comportements négatifs pour isoler les facteurs déclenchant et trouver des solutions. Le soutien familial a également fait ses preuves pour prévenir les rechutes. La famille peut, dans certains cas, identifier les signes avant-coureurs des changements d’humeur. Sachons toutes proportions gardées interpréter ces comportements, parce que la prochaine victime pourrait être nous-même.

 Elvis Serge NSAA           

médecin psychiatre, Sous-directeur de la santé mentale, au ministère de la Santé publique

« La majorité des personnes que moi j’ai vu se balader dans  la rue, étaient des patients »

Médecin psychiatre, Sous-directeur de la santé mentale, au ministère de la Santé publique, souligne que le fait de passer du temps à véhiculer le mal-être, nous aurons de plus en plus des personnes avec des problèmes santé mentale.

Vous êtes sur le terrain avec les malades, vous êtes Sous-directeur de la santé mentale, au ministère de la Santé publique, quelle est votre lecture sur les scènes que nous observons dans nos grandes villes, les jeunes filles qui se dénudent dans la rue, sous le regard de la population, et font le tour de la ville et repartent tranquillement dans leur véhicule après presque avoir exécuté un rituel ? 

En tant que spécialiste de la santé mentale, c’est toujours avec un pincement au cœur que je vois ces images de ces personnes qui marchent nues dans la rue et ces populations qui rient, qui filment parfois, qui jettent des objets sur cette personne. Ça me désole et surtout les commentaires qui sont toujours associés à ce type de comportement.

 Comment comprendre un tel comportement dans la rue ?

 La question se pose tout de même, parmi ceux qu’on a souvent médiatisés, femmes-hommes. J’ai reconnu mes patients. C’était un homme au marché Mokolo, dans le deuxième arrondissement de Yaoundé, il y a quelques années déjà, qui marchait nu dans la rue également. On l’a vu, et on a dit qu’il est sorti de la voiture : pratique mystique et autres, alors que le monsieur était un chômeur.

Ce n’était pas du tout ça voiture, c’était la clé du portail. Donc entre les commentaires des réseaux sociaux et ma réalité, il y a souvent un très grand fossé. Faisons souvent très attention à ce qu’on lit dans les réseaux sociaux, à ce qu’on voit dans les réseaux sociaux, parce que parfois, c’est loin de la réalité.

Mais docteur, nous parlons de ce que nous vivons dans les rues. Il s’agit de quoi ?

Je vais parler en tant que spécialiste. Ce sont les patients qui présentent une maladie qu’on appelle les troubles bipolaires. Et sont en crise, ici c’est le versant maniaque qu’ils présentent et dans le cas de cet aspect maniaque, l’un des symptômes est le relâchement de la  censure morale, de l’éthique, avec la dénudation et l’exhibitionnisme.

 Il y a le cerveau, qui secrète en trop les substances comme la sérotonine et la dopamine qui peuvent donner ce type de manifestation. Donc il ne s’agit nullement en premier lieu de la sorcellerie.

On comprend que dans notre environnement, le foie peut être malade, que le rein puisse être malade, mais, aujourd’hui, le ministère de la Santé publique, sensibilise les populations, en disant que, le cerveau peut-être malade, soit dans l’organe lui-même, qui est défectueux parce qu’on a eu une facture ou ce cerveau peut être défectueux parce qu’il secrète en trop ou en moins des substances et donner ce type de comportement.

De grâce, nous ne disons pas que le mystique n’existe pas.  Mais nous disons que dans notre contexte, on verse trop facilement dans ça. Mon expérience me fait comprendre que la majorité des personnes que moi j’ai vu se balader dans  la rue, étaient des patients. L’homme est soumis à une pression au quotidien.

Sur le plan financier, les individus sont dans un état de mal être, sur le plan professionnel, sur le plan familia, conjugal et sur le plan social. Il y a tellement des facteurs de mal-être que, si rien n’est fait, on aura de plus en plus de cas. Nous sensibilisons sur cette problématique, en disant que, si on ne met pas l’amour au centre de notre existence, si nous passons le temps à véhiculer le mal-être, nous aurons de plus en plus des personnes avec des problèmes santé mentale.

Docteur, sortons un tant soit peu de votre carapace de psychiatre, est-ce que vous pensez quand même que cette façon de faire peut relever  d’autres choses que de la maladie mentale ? Est-ce qu’il vous arrive de penser comme les autres ?

C’est un peu difficile, parce qu’on sait que la partie spirituelle de l’individu existe. Mais nous savons aussi que l’individu a des capacités et des compétences qu’il ignore. Et que très facilement il verse d’entrée dans le on a, on a, alors que lui-même, il a déjà ces compétences, ces capacités pour juste sanctionner.

C’est que dans ma pratique, on a l’habitude de nous ramener les gens qui viennent de chez les prêtres exorcises et tradi-praticiens, mais personnellement, je n’ai jamais fait le retour. Sinon j’avoue que les problèmes spirituels existent et surtout la spécificité, c’est que les individus dans ce contexte souffrent également.

Alors expliquez-nous. A quel moment cette maladie commence ?

 La maladie peut commencer progressivement ou brutalement. On peut avoir les symptômes comme des insomnies, l’incapacité de se concentrer, délires et hallucinations. Des manifestations insidieuses comme ça et puis à un moment, ouf. On peut se dire que c’est par rapport à une situation,  que ça va passer, et pourtant, ce sont les choses qui doivent attirer l’attention.

Comment est-ce qu’il faut se comporter. Qu’est-ce qu’il faut faire pour éviter cette maladie ?

C’est important de savoir que, la difficulté fait partie de la vie. Dans notre société actuelle, on veut tous ce qui est beau, tous ce qui est bien, tout ce qui est parfait. Et tous ce qui est source de douleur, de négativité on n’en veut pas.

C’est important de prioriser et de relativiser. Tous les problèmes n’ont pas le même ordre. On passe très peu de temps à voir le côté positif de notre existence. La base de toutes ces problématiques se trouve sur le plan familial, professionnel, conjugal et social ?

Si je comprends bien,  il faut se satisfaire de ce qu’on est et de ce qu’on a ?

C’est ça. Et quand on n’est pas dans ce registre-là, on est dans une situation de mal-être et on rentre dans un mode de fonctionnement normal.

Quelle est l’attitude à adopter quand on a quelqu’un qui se dénude et qui marche dans la rue. Qu’est-ce qu’il faut faire ? 

Il faut s’approcher de la personne et la première des choses, c’est d’adopter un comportement humain, c’est-à-dire préserver la dignité de la personne et de recouvrir la personne. Il faut faire un effort pour la maintenir et l’amener dans une formation spécialisée en santé mentale. De grâce au lieu qu’on soit toujours dans les considérations mystiques, il y a des services compétents qui peuvent nous aider à poser clairement un diagnostic. On se rend compte que beaucoup de chose sont dites sur ces individus qui sont totalement fausses.

Décrypter par Elvis Serge NSAA

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