Féminicides : Environ 30 femmes tuées au Cameroun depuis janvier 2023

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Ce chiffre a été dévoilé le 15 mai 2023 à l’occasion de la célébration de la  journée internationale de la famille et le lancement du plaidoyer pour l’adoption d’une loi-cadre au Cameroun face à l’ampleur du phénomène.

Le thème retenu pour cette 29e édition est : «Urbanisation et famille». L’augmentation préoccupante des cas de féminicides enregistrés au Cameroun depuis janvier 2023, a conduit le ministère de la promotion de la femme et de la famille, en collaboration avec  UNFPA à lancer pour l’occasion une session de plaidoyer pour mettre fin à l’impunité des auteurs des violences basées sur le genre- conjugales, domestiques et familiales. « Depuis le mois de janvier 2023, nous dénombrons environ 30 femmes et jeunes filles décédées du fait des violences perpétrées sur elles par des hommes, dans la plupart des cas un conjoint ou un parent», s’inquiète la ministre de la Promotion de la femme et de la famille (Minproff), Marie Thérèse Abena Ondoa. En espace de 05 mois, les chiffres sont alarmants et selon les associations de défense des droits des femmes,  les données liées au féminicide sont probablement probablement beaucoup plus élevées parce que plusieurs victimes ne sont toujours pas recensées. Ceci faute d’informations suffisantes pour identifier les cas.

Afin de mettre fin à ces actes qualifiés de barbares, le Minproff, et ces associations militent pour l’adoption d’une loi-cadre pour la  protection des victimes et l’amélioration de la réponse pénale de ces violences.  « Il faut qu’il y ait une loi spécifique contre les violences faites aux femmes au Cameroun. C’est une promesse qui nous a été faite par le chef de l’État depuis 1997 et je crois qu’il avait perçu la nécessité de cette Loi.  Beaucoup de choses ont été faites, beaucoup de mécanismes ont certes été mis en place mais nous constatons que ce n’est pas suffisant. Il faut dissuader les auteurs de ces féminicides, surtout quand il s’agit des partenaires intimes ou des membres de la famille », a indiqué Élise Pierrette Mpoung Meno, présidente nationale de l’Association de lutte contre les violences faites aux femmes (ALVF).

Violences basées sur le genre

Pour les partenaires, il est temps de briser le silence, sauver des vies et punir les coupables. Selon le Minproff, il ne se passe plus une semaine, au Cameroun sans qu’on évoque un féminicide, un crime rituel,  un viol ou toute autre forme de violence ayant entrainé la mort d’une femme ou d’une jeune fille. « La situation est macabre, au regard de l’actualité de ces derniers mois », atteste Marie Thérèse Abena Ondoa, ministre de la promotion de la femme et de la famille. Pour l’heure, il est selon la Minproff impératif «d’agir sans délai»  afin de développer de nouvelles stratégies, trouver des mesures innovantes et concrètes susceptibles de mettre fin aux violences basées sur le genre en impliquant surtout les communautés.

Divine KANANYET

Réactions

Marie Thérèse Abena Ondoa, ministre de la Promotion de la femme et de la famille

«C’est  un cri de détresse que nous lançons à l’endroit de tout citoyen pour dénoncer les responsables»

« La commémoration de la 29e édition de la journée internationale de la famille dont le thème porte sur «urbanisation et familles» et parallèlement à celà notre pays vit un phénomène grandissant d’élimination de femmes depuis le mois de janvier et nous en dénombrant une trentaine à ce jour. Il était donc d’un bon ton que dans le cadre de cette commémoration nous dénonçions ces féminicides qui pour la plupart des cas proviennent des proches membres des familles. C’est donc un cri de détresse que nous lançons à l’endroit de tout citoyen pour dénoncer les coupables et nous condamnons avec la dernière énergie ces actes barbares. Les bourreaux doivent être sanctionnés et il faut qu’ils soient punis. Nous interpellons aussi les familles à jouer leur rôle, les communautés aussi ou la famille est soudée. C’est cette désorganisation de notre tissu culturel que nous vivons tous ces phénomènes ».

Noemi Dalmonte, Représentante adjointe du Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA)

«L’UNFPA avec d’autres partenaires a pu assister au moins 10 000 survivantes de toutes formes de violences faites aux femmes »

« Aujourd’hui nous sommes ici pour faire un plaidoyer sur un phénomène spécifique qui est  forme la plus grave des violences perpétrées par les partenaires intimes. Quand notre compagnon devient notre ennemi et il y a cette montée de violence à plusieurs formes. La forme la plus grande est celle qui arrive à tuer la femme et on appelle cela féminicide. On est dans un sens de plaidoyer avec l’accompagnement du Minproff, et la société civile qui a commencé à faire  des activités au niveau du reporting continue de cette problématique depuis le début de l’année parce qu’ils ont  constaté une montée de cas de meurtres sur la femme. Nous ne connaissons pas les données réelles qui se cachent derrière mais pour pouvoir réduire l’impact des violences domestiques et surtout pour pouvoir les diminuer et donner le courage aux femmes on a plusieurs activités. C’est vraiment beaucoup de travail pour le changement de comportement,  de prévention et de dénonciation. On a aussi besoin de regarder le cadre juridique qui est déjà solide au Cameroun mais peut-être mieux le coordonner avec une Loi cadre  par exemple. Au niveau de l’assistance il faut des “Gender Desk”  de plus en plus disponibles et il faut que la police écoute quand il y a ce genre de rapportage.  Ce n’est pas une affaire privée mais une question criminelle, une question de violence très aggravée. Quand il y a des épisodes de violence à côté on doit se poser des questions même en tant que citoyen, surtout entre femmes un peu de solidarité pour demander ce qui se passe et encourager cette question de briser le silence. Il faut que l’assistance soit capable d’accepter ces personnes, c’est vraiment compliqué de pouvoir sortir du silence et parler des problèmes qu’on a dans notre foyer ou notre conjoint qui dégénèrent et aller avec courage demander de l’aide.  L’UNFPA avec d’autres partenaires a pu assister avec des services spécialisés et de qualité au moins 10 000 survivantes de toutes formes de violences faites aux femmes. Les plus fréquentes au Cameroun sont effectivement les questions de violences domestiques qui peuvent prendre aussi les formes de violences psychologiques mais c’est pas toujours des feminicides. La féminicide c’est la forme la plus grave, on est choqué, on veut faire un plaidoyer spécifique. Ce que nous faisons c’est d’offrir cette assistance, au niveau opérationnel avec nos partenaires, mais aussi au niveau technique sous la qualité et les meilleures pratiques pour la gestion de cas. Nous faisons beaucoup de travail de prévention avec la réduction des risques, l’identification des problèmes, la collecte de données et l’identification des mesures de réduction des risques et la coordination de l’action humaine avec l’accompagnement de l’État et la société civile. Ce rôle de coordination nous permet d’être plus proche et plus réactif des zones plus fragiles comme dans l’extrême Nord et dans le NOSO ».

Maître Bertile Wouami Mbatang, Présidente de l’Association pour la défense des Droits de l’Homme

«Il est question de revoir la santé mentale du citoyen camerounais aujourd’hui»

« Nous menons des actions de promotion et de protection. Sur la promotion, beaucoup d’actions ont été posées notamment la sensibilisation, la vulgarisation des instruments juridiques réprimant les violences. Les questions d’ignorance de la Loi et même des complicités passives. Celui qui filme une violence sans dénoncer est passible d’omission de porter secours à personne en danger. Les violences cybernétiques, les meurtres qu’on dénonce dans les réseaux sociaux, sont des actions réprimées par la Loi. Du coup dans un cadre ramassé nous faisons des sensibilisations,  même dans les zones reculées. L’accompagnement juridique dans le cadre de la protection. Nous travaillons en amont pour que les féminicides n’arrivent pas, les questions que les femmes dénoncent auprès de nous. C’est d’abord la plainte qu’il faut déposer et les actions auprès du juge pour des engagements préventifs des auteurs. On assiste à un silence de victimes qui à la longue entraîne toutes les féminicides que nous voyons. Aujourd’hui nous martelons les sensibilisations, nous passons des messages, des causeries éducatives dans les écoles, auprès des enfants. Même dans le cadre du travail, parce que ce sont des familles qui occupent des postes de responsabilité. Et nous voulons mettre  une approche de masculinité positive dans cette lutte pour ailier les hommes qui doivent y être des véritables acteurs. Il faut punir le bourreau certes mais il faudrait aussi les récupérer. Nous travaillons avec l’Etat pour leur réinsertion socio-économique. Si je fais une évaluation mi-parcours à ce jour, pour les violences sexuelles  nous sommes à 38 d’enfants  de moins de 16 ans depuis janvier 2022. Violences conjugales incomptables, c’est chaque jour même maintenant je sors d’une intervention d’un cas de violence perpétrée par des intellectuels, des fonctionnaires, on ne comprend plus. On croyait que la violence était perpétrée par des personnes illettrées, je crois que là, il est question de revoir la santé mentale du citoyen camerounais aujourd’hui ».

Propos recueillis par Divine KANANYET

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