Une seule santé : la digitalisation au cœur de la riposte sanitaire au Cameroun

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La célébration de la Journée mondiale « Une seule santé » a placé au centre des débats la digitalisation comme levier indispensable pour protéger les populations.

Face à la menace constante des maladies transmises des animaux à l’homme, le Cameroun accélère sa mue numérique. La célébration de la Journée mondiale « Une seule santé » a placé au centre des débats la digitalisation comme levier indispensable pour protéger les populations. Le thème de cette année, « la digitalisation et le partage des données de santé : une approche innovante pour améliorer la surveillance des maladies et la réponse aux événements de santé publique au Cameroun », résume cette ambition. L’objectif est clair : briser les silos entre les ministères pour une action coordonnée en matière de surveillance épidémiologique.

Une plateforme pour tous les secteurs

Pour y parvenir, le pays s’est doté d’un outil central : le Cameroon One Health Information System. Le Dr Conrad NKUO, secrétaire permanent du programme zoonose, en explique le fonctionnement.  « Nous utilisons le partage de données comme outil pour améliorer la surveillance des maladies. Nous avons amené ensemble tous les secteurs impliqués dans la santé pour développer une plateforme où toutes les données pertinentes peuvent être partagées. » Cette plateforme intègre les données sanitaires venant de la santé publique, de l’agriculture, de l’environnement et même en lien avec le climat. « Ce système aide à analyser ces données, et nous aide à visualiser les tendances qui se produisent dans les différents secteurs pour prendre des décisions rapides », précise-t-il.

Former et équiper pour l’avenir

Si l’outil existe, son succès dépend aussi des femmes et des hommes qui l’utilisent. Le Dr FOUOGUE SONNA, expert « Une seule santé », souligne les progrès et les besoins persistants. « À ce jour, nous avons des experts de la santé humaine, environnementale et animale qui ont déjà été formés à l’utilisation de cet outil. Mais, il nous en faut plus en réalité », affirme-t-il. L’investissement dans les infrastructures et la formation est donc une priorité. L’expert ajoute : « Nous comptons sur une amélioration des infrastructures de digitalisation et, pourquoi pas, dans un avenir proche, un « data space » dédié. »

Des résultats concrets pour les populations

Mais au-delà de la technique, quelle est la plus-value pour les citoyens ? Pour le Dr FOUOGUE SONNA, l’impact est direct. « Les principaux responsables de la santé peuvent visualiser les informations et les données issues des différents secteurs en temps réel. Cela améliore la vitesse et la réactivité de ces acteurs sur le terrain de façon pratique », indique-t-il. Cette dynamique inclut également les communautés, essentielles à la réussite de l’approche. « En plus de les informer, nous allons les impliquer dans le processus », assure le Dr FOUOGUE SONNA, citant la collaboration avec les organisations de la société civile.

Une collaboration élargie

Cette vision intégrée se traduit par un réseau de partenaires sans cesse élargi. Le Dr Conrad NKUO liste les collaborations en cours. « Nous travaillons avec le ministère en charge de la Santé publique, le ministère en charge de la Santé animale, le ministère en charge de l’Environnement et de l’Agriculture. Nous collaborons également avec l’ANTIC, en charge de la sécurité des données, et avec l’observatoire national en charge du changement climatique. »

En plaçant la digitalisation au centre de sa stratégie « Une seule santé », le Cameroun renforce son bouclier sanitaire. L’enjeu est de taille : construire un système de santé résilient, capable de prévenir et de répondre rapidement aux crises, pour la protection de l’homme, de l’animal et de leur environnement commun.

Elvis Serge NSAA

 

INTERVIEW

 « Après dix ans de recherche, une plateforme révolutionnaire connecte les données de santé humaine, animale et environnementale »

À l’occasion de la célébration décalée de la Journée mondiale Une seule santé,

Elisabeth DIBONGUE

, secrétaire permanente adjointe du Programme zoonoses, détaille la genèse et l’ambition du Cameroon One Health Information System (COHIS). Cette plateforme innovante permet enfin l’interopérabilité des données entre les secteurs de la santé humaine, animale et environnementale sans imposer de système de collecte unique, une solution trouvée après une décennie de réflexion.

 

Quels sont les objectifs principaux de la rencontre de ce jour et comment le Cameroon One Health Information System transforme-t-il la gestion des données de santé au Cameroun ?

La rencontre de ce matin a été planifiée dans le cadre de la célébration de la Journée mondiale Une seule santé, qui se commémore sur le plan international chaque année le 3 novembre. Nous avons dû décaler la célébration pour ce jour au Cameroun, et donc nous sommes rassemblés ici, aujourd’hui, pour discuter autour de la thématique de la digitalisation en matière de santé.

Comment est-ce que les solutions digitales peuvent améliorer nos capacités de préparation et de réponse aux événements de santé publique, aux maladies globalement. Donc nous avons rassemblé ici des experts des changements climatiques, des maladies zoonotiques, du secteur de la santé humaine, animale et environnementale, des informaticiens, des experts en modélisation, pour discuter de comment utiliser l’outil informatique avec les données de santé ; de comment  faciliter le processus de prise de décision, à travers l’analyse des données et informations qui viennent des différents secteurs, l’importance du partage de ces informations et surtout la présentation de ces informations pour éclairer la décision.

C’est donc une activité très importante pour la plateforme Une Seule Santé du Cameroun. Avec l’appui de la GIZ, nous avons pu mettre en place le Cameroun One Health Information System. Alors cette journée est également une opportunité de présenter ce système qui est un interopérable, se nourrissant des données qui viennent des différents secteurs, il les positionne sur une plateforme numérique accessible aux décideurs. Alors, l’objectif globalement de cette journée, c’est de faire la promotion de ce COHIS, de discuter autour des enjeux d’avoir ce type de système au Cameroun, d’envisager des pistes de financement durables afin que ce système soit pérenne et utile pour notre pays.

Pourquoi maintenant la digitalisation ? Pourquoi pas avant ? Pourquoi pas à l’ouverture de la digitalisation ?

En réalité, le projet de digitalisation ou d’interopérabilité des données dont nous parlons aujourd’hui n’est pas récent, il n’a pas commencé cette année avec la GIZ. Depuis que le programme Zoonose/Plateforme Une Seule Santé a été mis en fonction en 2016, nous avons commencé à réfléchir à comment mettre ensemble les données des différents secteurs. Il n’est pas concevable de travailler sur le plan des maladies zoonotiques ou de toutes les problématiques multisectorielles comme la résistance aux antimicrobiens, sans envisager d’avoir une plateforme qui permet d’avoir les données intégrées des différents systèmes qui les collectent en silos.

C’est donc un vieux projet, mais nous avons eu beaucoup de difficultés à trouver la solution digitale à proposer, qui convienne aux différents secteurs. Nous avons essayé de proposer un système de collecte unique pour les secteurs, cette une proposition n’a pas prospéré. COHIS vient résoudre ce problème en favorisant un partage de données sans que les secteurs ne soient obligés d’utiliser un système unique de collecte de leurs données.

Avec COHIS, on maintient la souveraineté interne des données au sein des secteurs, mais on utilise les différents systèmes ou bases de données, ou logiciels de collecte de données qui existent, et COHIS permet de capter les informations dont on a besoin en fonction de résultats qu’on souhaite voir affiché en termes d’information ou d’intelligence. Plus précisément et c’est un point fondamental avec COHIS , le système est bâti de sorte qu’on n’est pas obligé d’utiliser, un système de collecte unique, mais on définit ce qu’on appelle les cas d’utilisation, et sur la base de ces cas d’utilisation, on définit l’information dont on a besoin, et à partir de cette information dont on a besoin, on identifie les sources de données dans les différents secteurs, on les connecte, on analyse ces données et on projette les résultats sur un tableau de bord.

Propos recueillis par Elvis Serge NSAA

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