Dr Anicet Désiré Mintop, Coordonnateur National de la Couverture Santé Universelle phase I fait le point de la mise en œuvre de cette politique de santé au Cameroun, 11 mois après son lancement.
Monsieur le Coordonnateur, le 12 avril 2023 le Ministre de la Santé publique a procédé au lancement de la phase 1 de la mise en oeuvre de la Couverture santé universelle (CSU) au Cameroun. Quelle évaluation faites-vous 11 mois après le lancement ?
Sur le plan du renforcement de l’offre de soins et services de la CSU, nous avons un panier de soins et services qui tient compte aussi bien des besoins des populations en matière de soins mais aussi des contraintes financières, des protocoles de soins pour les interventions retenues, protocoles qui guident la pratique et permettent le contrôle et la vérification de l’effectivité des prestations.
En ce qui concerne l’organisation de la demande, une plateforme d’enrôlement est fonctionnelle et un nombre important nombre de bénéficiaires ont déjà leur carte CSU et bénéficient déjà des prestations offertes. Une méthodologie d’accréditation des FOSA est disponible et une mission d’évaluation des FOSA dans le sens de l’amélioration de la qualité de l’offre de soins et de la qualité des services a été effectuée et les résultats sont en cours.
Pour ce qui est de la gouvernance et du financement, nous sommes toujours en attente de la Loi sur la CSU mais nous continuons à mener le plaidoyer pour que les instances compétentes se penchent sur le sujet, ce qui va permettre de disposer de davantage de ressources financières pour une mise en œuvre efficace de la CSU. C’est dire dans le cadre du financement le Gouvernement est soucieux de la santé de ses populations et à cet effet ce dernier prend des dispositions malgré le contexte de récession économique actuel à assurer la disponibilité des ressources pour la CSU.
- Combien de personnes sont-elles enrôlées à ce jour ?
En date du 28/02/2024, nous avons 3 003 667 personnes pré-enrôlées dans l’application CamerHealthCoverage et plus 2 326 227 personnes enrôlées.
Pour rappel, toute personne peut se pré-enrôler et cela traduit l’adhésion mais l’enrôlement concerne uniquement les personnes cibles du panier de soins et services de la Phase I de la CSU.
- Les personnes enrôlées disposent-elles déjà de leurs cartes CSU ? Si oui, où récupère-t-on des cartes ? Sinon, qu’est ce qui bloque la délivrance des cartes ?
Toute personne enrôlée a droit systématiquement à la carte CSU. Des équipes travaillent à la production de ces cartes qui sont par la suite acheminées. Nous travaillons pour booster davantage la capacité de production journalière.
- Le paquet de l’offre de soins et des services de santé est-il opérationnel dans les formations sanitaires ?
L’ensemble des FOSA notamment les CSI, CMA, HD, et les centres d’hémodialyse implémentent effectivement la CSU Phase I. Pour rappel, nous sommes à 2 175 497 personnes enrôlées et ces personnes sont suivies dans nos formations sanitaires.
- Combien de formations sanitaires avez-vous accrédité à ce jour ? Comment se passe le mécanisme d’accréditation ?
Toutes les formations sanitaires du public sont éligibles. Toutefois, nous travaillons pour veiller à ce que ces formations sanitaires répondent en permanence aux normes vu que la qualité est l’un des principes directeurs de la CSU.
Le processus d’accréditation des FOSA évolue progressivement, à ce jour nous avons 787 FOSA accréditées pour l’achat stratégique du panier de soins Chèque Santé dans les 5 régions et dans 82 Districts de santé qui l’implémentent. Il faut dire aussi en ce qui concerne la prestation de dialyse, nous avons 12 établissements hospitaliers accrédités dans les 10 régions qui offrent avec satisfaction cette prestation.
Les FOSA accréditées font l’objet d’un achat stratégique des prestations du panier de soins définis à la CSU phase I. Nous poursuivons le travail d’accréditation et l’élaboration des plans d’amélioration de la qualité.
- Comment procédez-vous à la vérification de la qualité des actes posés dans les formations sanitaires ?
La vérification des prestations offertes par les FOSA se fait suivant deux mécanismes :
– Les ¾ des prestations vérifiées sont de la compétence des Fonds Régionaux pour la Promotion de la Sante(FRPS) par le biais des Vérificateurs recrutés ;
– Le 1/4 par le niveau stratégique incluant des acteurs de tous les niveaux de la pyramide sanitaire, c’est le cas des prestations de dialyse et les Contrôleurs Médicaux en ce qui concerne le chèque santé.
- Qu’en est-il du paiement des primes et factures aux formations sanitaires accréditées ?
Les primes et factures se payent progressivement en fonction des virements effectués par le Trésor dans le compte bancaire des FRPS considérés comme tiers payant au niveau opérationnel.
Les fonds mobilisés sont envoyés aux régions pour le paiement des factures des prestations du panier de soins et pour le fonctionnement des antennes chèques santé et Users Fees.
- La Communication autour de la CSU n’est pas assez vulgarisée. Qu’est ce qui fait problème ?
Pour rappel environ 3 millions de personnes sont pré-enrôlées ce qui traduit l’adhésion donc on ne saurait dire que la communication n’est pas vulgarisée.
Le ministère de la Santé Publique a pu financer certaines activités toutefois le gap demeure notamment l’insuffisance des ressources financières pour implémenter toutes les activités du plan de communication. Nous continuons à faire des requêtes à l’attention des Partenaires Techniques et Financiers.
Nous sommes entrain de prendre le feedback des bénéficiaires via les capsules vidéos que nous allons diffuser massivement. Si nous mobilisons davantage les ressources financières nous pourrons diffuser davantage les spots audios/vidéaos, le branding dans les panneaux digitaux, crawl, sms, etc.
- Disposez-vous des ressources nécessaires pour mettre en oeuvre le Plan stratégique de la CSU ?
Pour le moment, la CTN CSU est mise en œuvre sur la base de ressources internes ordinaires. Ainsi une priorisation des ressources financières est effectuée à l’effet de permettre à la CTN CSU de mettre en œuvre les activités majeures. Cependant avec la crise mondiale qui sévit et la rareté des ressources sur le plan national la CTN CSU a du mal à mettre en œuvre de façon exhaustive son plan d’action. D’où le plaidoyer permanent auprès des PTFs afin de soutenir cette nouvelle politique qui aura à moyen voir long terme un impact significatif sur les dépenses des ménages pour leurs soins de santé.
- Que vous faut-il pour la CSU phase I puisse impacter réellement des communautés ?
La CSU Phase I, impacte déjà les communautés dans le sens où les chiffres montrent une assez bonne adhésion aux différentes interventions qui sont pour certaines très demandées à l’instar de la pris en charge de femme enceinte et de son nouveau-né jusqu’à 42 jours post partum. C’est même l’une des raisons qui a poussé la hiérarchie à travailler sur l’extension de cette intervention aux Régions du Nord-ouest et du Sud-ouest pour 2024. Si l’on prend le cas de la dialyse, l’ensemble des patients souffrants d’insuffisance rénale sont tous enrôlés à la CSU et la cohorte de nouveaux patients adhère. Toutefois, la CSU étant une nouvelle politique qui appelle à un changement de comportement, nous continuons à travailler sur les différents pans notamment une communication plus accentuée, la disponibilité des intrants, la mobilisation des ressources financières pour le remboursement des prestations et encore plus de renforcement du plateau technique en quantité et en qualité pour répondre aux besoins de la CSU et des populations.
- Quels sont des goulots d’étranglements que vous rencontrez dans la mise en œuvre de la CSU ?
– L’insuffisance des ressources financières pour mettre en œuvre toutes les activités du plan d’action ;
– Le retard du remboursement des prestations ;
– L’absence de la promulgation de loi sur la CSU ;
– La réticence de certains Partenaires Techniques et Financiers à accompagner la CTN-CSU compte tenu de l’absence de la Loi sur la CSU.
Entretien réalisé par Joseph Mbeng Boum