Une lettre ouverte adressée au Président de la République du Cameroun, Son Excellence Paul Biya par le Dr. Albert ZE, Économiste de la santé et Chevalier de l’Ordre de la Valeur, a soulevé un débat controversé autour de l’élaboration et la mise en œuvre de la Couverture Santé Universelle.
« Duperie sur la Couverture Santé Universelle », tel est l’objet de la lettre ouverte adressée au Président de la République du Cameroun, Son Excellence Paul Biya par le Dr. Albert ZE. L’économiste de la santé et Chevalier de l’Ordre de la Valeur estime que depuis son élaboration et sa mise en œuvre, la Couverture Santé Universelle connait de nombreux manquements et des égarements constatés dans la concrétisation de cette grande vision. « Premièrement, nous avons relevé, dès le départ (entre 2016 et 2017), qu’un hors sujet se dessinait à l’horizon parce que le projet qui était en cours d’élaboration n’était pas la couverture santé universelle mais plutôt une couverture maladie universelle (CMU); deux notions bien distinctes! A cet effet nous avons proposé de reconsidérer la vision de la CSU dans son entièreté afin de ne pas buter sur des externalités négatives liées au déséquilibre du marché de la santé dans le pays. Sachant que la CSU se caractérise par deux dimensions précises à savoir l’accès physique aux soins de qualité et l’accès financier, il est très important de mettre d’abord en place une fondation solide respectant les préalables », a-t-on noté dans sa lettre ouverte.
Un hors sujet
Cependant, le Dr. Albert ZE estime que, tous ces manquements ont produit une série de glissements de date pour le lancement de la Couverture Santé Universelle. « Et pendant que le peuple attendait cette solution salutaire pour leur santé, nous avons assisté à la signature d’un contrat entre le gouvernement et une structure fictive et douteuse nommée SUCAM. Une cérémonie à travers laquelle tout le Cameroun a appris que l’effectivité de la CMU sera désormais une évidence vu qu’après nos réserves les experts du gouvernement ont indiqué qu’il fallait commencer par là et trouver des solutions pour les préalables après, ce qui est déjà une incongruité !!! », a-t-il mentionné. Et de poursuivre : « Enfin, c’est dans ce climat de désordre absolu que l’équipe dirigeante actuelle de la santé publique nationale nous annonce le lancement d’une phase pilote nommée phase I. Tellement impatient de voir le déploiement, nous nous sommes rapprochés pour prendre connaissance du contenu et là, la déception était très grande !!! Nous sommes face a un hors sujet dans le hors sujet ».
La non fonctionnalité de la CSU
Toutefois, le Dr Albert ZE déplore le non fonctionnalité de la CSU. « Jusque là nous pensions qu’une phase pilote était un déploiement d’un projet à une échelle réduite, c’est à dire tester la mise en place du projet élaboré par le groupe technique, mais le responsable que vous avez mis à la santé, nous a fait comprendre qu’il suffit de récupérer quelques programmes existants et les déguiser en CSU pour arriver à votre vision. Ce qui n’a aucun sens et est en déphasage avec vos discours et vos recommandations. Le comble est que certains de ces projets réchauffés présentaient déjà beaucoup de défaillances dans leurs fonctionnements et rien n’a été revu ni amélioré, ce qui n’est rien d’autre que la généralisation des problèmes déjà existants. La preuve, la vérité qu’ils ne peuvent pas avouer est que rien n’est vraiment fonctionnel dans leur propre CSU d’où le marketing agressif qu’on constate à travers de multiples sms mensongers », a-t-il dénoncé. Avant de poursuivre : « Monsieur le Président, le véritable problème actuel est donc qu’on présente aux camerounais des projets existants comme étant cette vision novatrice que vous avez promise. Une tromperie qui continue de laisser la santé des camerounais se détruire. Toutefois, malgré ce gros marketing derrière cette duperie, des milliers de camerounais continuent de perdre leurs vies dans nos formations sanitaires pour des factures de moins de 10 mille FCFA. On se demande si vos collaborateurs sont encore vraiment humains! Par ailleurs, plusieurs patients chanceux d’avoir échappé à la mort se retrouvent encore coincés comme « prisonniers » dans les hôpitaux pour cause d’insolvabilité, un autre problème dont nous avons apporté des pistes de solution. Il est donc clair que nous sommes en face d’une duperie de plus, à la veille des élections! ». Au regard de ce qui précède, il propose la possibilité de rectifier le tir et d’apporter une véritable solution aux camerounais concernant leur santé, mais cela doit commencer maintenant pour qu’on évite de perdre encore plus de citoyens.
La réaction des acteurs de la société civile
Dimitri MBELE est le Coordonnateur National du Salon International de la Maternité et de la Petite Enfance (SIMAPE) et acteur de la Société civile. Dans sa réponse à la lettre ouverte du Dr Albert ZE au Président de la République du Cameroun, Son Excellence Paul Biya, il émet ainsi beaucoup de réserves quant aux données avancées. En tant que, Coordonnateur National du Projet d’Accompagnement du Gouvernement pour l’Accès à la Santé de Reproduction (PROJASAR-NUT) et membre de la société civile, il atteste humblement les effets tangibles de la CSU Phase I. ceci, ayant consulté les résultats préliminaires pendant le Forum Scientifique du SIMAPE, qui s’est tenu du 26 mai au 03 juin 2023 au Palais des Sports de Yaoundé. A cette occasion, il a pu constater l’effectivité de la mise en œuvre d’une protection financière de 90% pour les accouchements, 95% pour les césariennes. « Au cours du SIMAPE, nous avons été édifiés sur l’opérationnalisation de la CSU Phase I, qui a permis aux femmes enceintes enrôlées dans 5 régions (Extrême-Nord, Nord, Adamaoua, Est et Sud) de bénéficier d’un bon suivi de la grossesse jusqu’à l’accouchement, en déboursant seulement la somme de 6 000 Fcfa et ce, même en cas de césarienne. Lors des réunions de coordination des activités du SIMAPE, les Experts de la Couverture Santé Universelle (CSU) nous ont fait état de ce qu’une extension de la CSU est imminente dans les régions du Nord-Ouest et Sud-Ouest, portant ainsi à 70% le taux de régions couvertes», a-t-il expliqué.
Des chiffres qui offrent une meilleure vue sur les prestations :
✅Plus de 528 822 enfants consultés gratuitement sur 1.434.616 soit 36,9%
✅Plus de 364 324 enfants de 0-5ans traités gratuitement du paludisme simple et grave sur 978.148 attendus, soit 37.2%
✅Plus de 346 395 femmes enceintes font leurs consultations prénatales jusqu’à l’accouchement en déboursant uniquement 6 000 Fcfa sur 860.488, soit 40,3%
✅Plus de 140 416 accouchements déjà réalisés sur 215.122, soit 65,3%
✅Plus de 7 066 césariennes réalisées sur 8 605 planifiées, soit 82,1%
✅Plus de 1 246 personnes sous dialyse font leurs deux séances de dialyse par semaine en déboursant uniquement 15 000 Fcfa l’année (au lieu de 520 000 Fcfa) sur 1089 attendus , soit 114,4%. Ceci s’explique du fait que les personnes qui étaient sortie de la file active des personnes sous dialyse ont recommencé à suivre leur séance car une économie de 505 000 Fcfa leur est permise grâce à la CSU Phase I
✅Plus de 57 384 séances de dialyse déjà réalisées sur 60.984 , soit 94,1%
✅449 008 personnes ayant le VIH reçoivent gratuitement leur traitement soit 100%
✅27 229 personnes ayant la tuberculose reçoivent gratuitement leur traitement soit 100%
✅90% protection financière en ce qui concerne les accouchements
✅95% protection financière en ce qui concerne les césariennes
✅94% protection financière en ce qui concerne les séances de dialyse
Catherine Aimée Biloa