Ngaoundéré : Handicapés, les oubliés de l’aménagement urbain
A Ngaoundéré, l’inaccessibilité des bâtiments publics reste une violation flagrante des droits des personnes handicapées. Plus de 50 % des bâtiments publics de cette ville située dans la région de l’Adamaoua, ne disposent pas de rampes d’accès pour les personnes handicapées motrices, selon un rapport accablant de l’antenne régionale de la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH).
Cette situation, loin d’être isolée, est révélatrice d’un problème systémique qui prive les personnes handicapées de leurs droits fondamentaux et les exclut de la vie sociale, économique et culturelle.
L’enquête de la CNDH, menée en 2022, a visité 486 bâtiments publics et privés dans les trois arrondissements de Ngaoundéré, chef-lieu de la région de l’Adamaoua. Les résultats sont alarmants. 51,4 % des bâtiments publics ne disposent pas de rampes d’accès pour les personnes à mobilité réduite, 55,7 % des bâtiments privés sont également inaccessibles. Selon ce rapport, la situation est particulièrement grave dans les bâtiments à étages, où l’absence d’ascenseurs et de monte-escaliers rend l’accès impossible pour les personnes en fauteuil roulant. Le manque de signalisation adaptée pour les personnes malvoyantes est également un problème récurrent.
Ces chiffres ne font que confirmer les témoignages poignants des personnes handicapées qui vivent au quotidien les conséquences de cette exclusion flagrante. Dominique Kalwé, agent social en service au Centre Social de Ngaoundéré 3ème, confie : « Je me sens mal, très mal d’ailleurs quand je fais l’objet d’un regard de pitié dans un lieu public, alors que j’aurais pu éviter de me déplacer avec peine si les commodités liées à l’approche handicap étaient mises en œuvre. »
L’accès aux services publics et privés est un défi majeur pour les personnes à mobilité réduite dans la ville de Ngaoundéré. Elles se heurtent à des bâtiments inaccessibles, les privant de leurs droits fondamentaux à l’éducation, à la santé, au travail et aux loisirs. Un étudiant de l’Université de Ngaoundéré témoigne : « L’accès aux salles de cours est très difficile pour moi, surtout si le cours a lieu au bloc 200 de la Faculté des Arts, Lettres et Sciences Humaines. »
L’absence de rampes d’accès, d’ascenseurs, de signalisation adaptée et de sanitaires accessibles ne sont que quelques exemples des obstacles qui entravent l’inclusion des personnes handicapées. Cette situation est en contradiction flagrante avec la loi n°2010/002 du 13 avril 2010 portant protection et promotion des personnes handicapées, ainsi qu’avec la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées ratifiée par le Cameroun en 2007. Ces différentes violations des droits des personnes vivant avec un handicap dans la ville de Ngaoundéré participent à la non-atteinte des objectifs de développement durable (ODD), notamment les ODD 3 et 10.
Conséquences
Le manque d’accessibilité a des conséquences néfastes sur le plan physique et psychologique. En plus des difficultés de déplacement, les personnes handicapées se sentent exclues et isolées. Ce qui affecte leur estime de soi et leur sentiment d’appartenance à la société. Elles sont souvent victimes de discrimination et de stigmatisation. Ce qui les prive d’opportunités d’éducation, d’emploi et de participation à la vie publique.
Face à ce constat alarmant, des voix s’élèvent pour exiger un changement. Des associations de personnes handicapées et des défenseurs des droits humains mènent des campagnes de sensibilisation et de plaidoyer pour une meilleure prise en compte de l’approche handicap dans la construction des bâtiments. Ils appellent à l’application effective des lois et conventions en vigueur et à la mise en place de mesures concrètes pour garantir l’inclusion des personnes handicapées dans tous les aspects de la vie sociale.
Pistes de solutions
Des solutions existent, et leur mise en œuvre est urgente. Il est nécessaire de mettre en place des sanctions pour les bâtiments non conformes aux normes d’accessibilité, d’intensifier les campagnes de sensibilisation et d’éducation à l’inclusion des personnes handicapées. Il est aussi important de former les architectes et les constructeurs aux normes d’accessibilité et de promouvoir l’inclusion des personnes handicapées dans les politiques publiques et les programmes de développement.
La construction d’une société inclusive et accessible à tous passe nécessairement par la prise en compte effective des besoins des personnes handicapées. Il est essentiel de mobiliser tous les acteurs, y compris les pouvoirs publics, la société civile, les entreprises et les citoyens, pour faire tomber les barrières et construire un avenir plus juste et plus inclusif pour tous.
Par Jean Besane Mangam
LIRE AUSSI : Hépatite E : Une riposte rapide à l’Est du Tchad