A Maroua, de plus en plus les consommateurs du tramadol se recrutent. Un spécifiant qu’on retrouve chez les vendeurs ambulants et les lieux de vente se prolifèrent.
Aux abords des rues de Maroua, aux alentours des marchés et habitations, les vendeurs de « tramols» poussent comme des champignons. Sous des hangars ou dans des maisons parfois insalubres, en plein air, des jeunes gens, parfois encore mineurs, avalent le « tramol ». Le « tramol » est produit à base de « Nakla Tobacco », contenu dans un emballage semblable à un paracétamol contenant des plaquettes et vendu entre 800 et 1200 francs CFA. Il est composé de dépuratif, de fromage, de nicotine. On le donne généralement au cheval lorsqu’il veut assister à une course hypique. « Le « tramol » est originaire des pays arabes, notamment de la Turquie, de l’Egypte ou du Soudan. Il a été introduit chez nous depuis une dizaine d’années », déclare un vendeur de médicaments infirmier de formation, détenteur d’un point de vente aux alentours du marché centrale de Maroua. Selon Kabi un habitué, le « tramol» a plusieurs vertus: il est à la fois un apéritif et un digestif. « J’en consomme depuis un an et je dépense tout mon argent de poche, en moyenne 100 francs CFA par jour. Le « tramol » me donne tellement de l’appétit et du plaisir ; il m’arrive même de travailler », affirme un autre habitué.
Pour une autre catégorie de consommateurs, le « tramol» est un antidote au souci. « Nous le préférons à la cigarette manufacturée, parce qu’il permet d’oublier les soucis à longueur de la journée », soutient Laou en avalant avec une gorgée d’eau. « Le « tramol » rend ivre en un temps record », renchérit un de ses compagnons. « Certains consommateurs mettent du whisky frelaté appelé tombeau dans l’eau, d’autres des comprimés tel le « tramol », explique-t-il. Le « tramol » est un produit pharmaceutique interdit qui rend ivre en un temps record et qui est à la base de beaucoup d’accidents de la circulation dans lesquels sont impliqués les conducteurs de mototaxis.
A Maroua, des espaces sont aménagés pour accueillir les consommateurs riverains. Points de vente des vendeurs de médicaments de la rue, cafeteria, garage, « Ngassa est un endroit très réputé en ce qui concerne les agressions, toute personne qui se retrouve dans ce secteur par hasard à une heure tardive est aux abois des agresseurs drogués avec du tramol». Certains y passent tout leur temps, avec leurs uniformes de travail, déplore madame Hélène Dobou qui habite à une vingtaine de mètres de là. Dans cette partie reculée de la ville, « l’ouverture et l’exploitation d’un point de vente du tramol et la consommation sous toutes les formes sont interdites par les autorités en place. Quiconque encourage les vendeurs de cette drogue de manière ostensible à consommer ce produit ou à violer l’interdiction est puni d’un emprisonnement ferme » rapporte Tchinabi Tchinale, juriste.
Les forces de l’ordre ne restent pas passives face à la prolifération des vendeurs de « tramol ». Les autorités fustigent ce phénomène qui revient toujours au galop. Les vendeurs se réjouissent de la commercialisation. « Le tramol » est un business qui permet de réaliser des profits au même titre que les autres affaires. « Dans mon panier, le « tramol » se vend à merveille. Il y a des jours où j’accueille une dizaine de consommateurs pour le paquet qui varie entre 800F et 1200F, ce qui me permet de tenir face à la chereté de vie imposé par le Covid 19», confie un vendeur qui a requis l’anonymat.
Cette consommation effrénée du « tramol » n’est pas sans conséquence sur la santé de ces jeunes conducteurs de motos taxis et délinquants. « L’usage d’un même aspirateur qui passe d’une bouche à une autre, peut être à la base de contamination de certaines maladies du genre tuberculose ou hépatite », explique Dr Boubakary. « Nous avons recensés 100 cas de tuberculose en fin 2018 et plus de la moitié des cas sont liés à la consommation de tabac et du tramol », ajoute- t-il. A force de consommer presque quotidiennement du « tramol » depuis six mois, le jeune Ali Ibrahim affirme ressentir des douleurs au niveau du thorax. Mais il n’est pas prêt d’abandonner, « même si ça pourrait le tuer ».
Martin Kalaina