Planification familiale en Afrique de l’Ouest et du Centre : Un enjeu de santé publique et de développement

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Lors du récent webinaire organisé par le Réseau des Médias Africains pour la Promotion de la Santé et de l’Environnement (REMAPSEN) sur le thème « Élargir l’accès et les choix : Renforcer la planification familiale en Afrique de l’Ouest et du Centre », des experts ont souligné l’importance cruciale de la contraception pour le développement de la région. Les échanges ont mis en lumière les progrès réalisés, les défis persistants et les stratégies à mettre en œuvre pour garantir à chaque femme le droit de choisir son avenir.

Si la prévalence contraceptive a progressé en Afrique de l’Ouest et du Centre au cours des dix dernières années, passant de 13% à 18%, de nombreux défis subsistent. La pauvreté, les crises humanitaires et les inégalités socio-économiques entravent l’accès à la contraception pour des millions de femmes. De plus, les normes sociales et culturelles peuvent constituer des barrières importantes, en particulier pour les adolescentes et les jeunes femmes.

Pour relever ces défis, les experts ont souligné l’importance de développer des partenariats multisectoriels. Le Dr Sennen Hounton, Directeur du bureau régional de l’UNFPA pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, a rappelé que « l’environnement, l’offre et la demande sont les trois piliers de toute stratégie de planification familiale ». Il a ainsi insisté sur la nécessité de garantir un environnement juridique favorable, de renforcer les systèmes d’approvisionnement en contraceptifs et de mener des campagnes de sensibilisation auprès des populations.

Les organisations de la société civile, comme l’Association Malienne pour la Protection de la Famille, jouent un rôle essentiel dans la promotion de la planification familiale. En proposant des services de conseil et de distribution de contraceptifs dans des lieux de vie quotidiens, comme les salons de coiffure, ces organisations contribuent à rendre la contraception plus accessible.

Les jeunes sont particulièrement vulnérables en matière de santé sexuelle et reproductive. C’est pourquoi FP2030, un partenariat mondial pour la planification familiale, a placé l’autonomisation des jeunes au cœur de sa stratégie. En impliquant les jeunes dans la conception et la mise en œuvre des programmes de planification familiale, les acteurs de la santé reproductive visent à créer un environnement où ils se sentent soutenus et informés.

La journée mondiale de la contraception est l’occasion de rappeler que la planification familiale est un droit fondamental qui contribue à améliorer la santé des femmes et des filles, à réduire la pauvreté et à favoriser le développement durable. En renforçant les partenariats, en investissant dans les services de santé reproductive et en sensibilisant les populations, il est possible de faire de la planification familiale une réalité pour toutes et tous en Afrique de l’Ouest et du Centre.

Mireille Siapje

 

« Si la prévalence contraceptive a progressé en Afrique de l’Ouest et du Centre au cours des dix dernières années, passant de 13% à 18%, de nombreux défis subsistent. »

 

Dr Sennen Hounton, Directeur du bureau régional de L’UNFPA pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre

Le monde vient de célébrer la Journée mondiale de la contraception. Quel est le sens même de cette journée ?

La 17e édition de la journée mondiale de la contraception est une occasion importante pour sensibiliser sur l’importance cruciale des questions de planification familiale de l’accès à la contraception dans la réalisation de la santé des droits sexuels reproductifs. C’est aussi une occasion importante de pouvoir accéder à la contraception et aussi permettre un développement socio-économique des nations. Le thème de cette année 2024 est : « un choix pour tous, la liberté de planifier, le pouvoir de choisir ». Ce thème met en lumière l’importance du droit de chaque individu à une prise de décision éclairée en ce qui concerne sa santé reproductive et son bien-être. Nous sommes justement aussi en train de célébrer le sommet du futur qui vient de se conclure à New York avec un pacte sur les prochaines générations. Donc, la santé sexuelle reproductive a été au cœur des discussions et donc voilà un peu l’importance et le sens de cette journée qui vise essentiellement à assurer une autonomie corporelle et un choix pour tout individu.

Quel bilan peut-on faire aujourd’hui des politiques de contraception en Afrique et particulièrement en Afrique de l’Ouest et du Centre ?

Vous savez, si nous regardons les 10 dernières années nous pouvons dire que nous avons fait beaucoup de progrès. Nous avons fait des progrès parce que, en moyenne dans notre sous-région nous avons évolué un peu en ce qui concerne la prévalence contraceptive : d’une moyenne de 13% il y a 10 ans environ à 18% en 2024. Mais quand nous regardons les pays, certains ont fait des bonds extraordinaires, d’autres n’ont pas eu beaucoup de progrès. Si nous prenons les besoins en planification familiale, les besoins non satisfaits par les femmes en âge de procréer, c’est-à-dire de 15-49 ans, il y a une diminution sur les 10 dernières années de 24 % à 17 %. Mais nous sommes toujours confrontés à des défis qui doivent encore être relevés et ces défis vous le savez, nous vivons dans un monde où nous avons beaucoup de crise humanitaire.

Nous avons par exemple près de 36 millions de personnes qui ont un besoin d’assistance de protection, nous avons des déplacements forcés dans notre sous-région, nous avons une pauvreté qui s’est accrue dans notre sous-région, nous avons des pays dont les dettes qui ont atteint des points critiques comme nous les avions eu dans les années 2000 ; où nous avions même une initiative PPTE pour essayer d’aider les pays. Donc en un mot, nous sommes dans des contextes de poly crise qui font que les États n’arrivent pas à combler vraiment leurs engagements. Nous savons aussi que nous sommes dans une région où le taux de fécondité est le plus élevé au monde, c’est-à-dire une moyenne de 4,8 par rapport à un taux global de 2,3 et donc dans tout cet environnement nous avons certes des efforts déployés par le gouvernement, mais nous avons encore du chemin à faire.

Vous avez mentionné tout à l’heure au début, que nous, en tant que UNFPA, nous comblons les besoins de 20 million de femmes ; c’est vrai mais je dois dire aussi que ce nombre va augmenter à cause du poids démographique qui vient chaque année.

Il faut mentionner par exemple que 20 pays sur les 23 de notre sous-région mettent de plus en plus de l’argent de leur budget pour acheter des produits contraceptifs. Donc c’est à pas à sous-estimer ces efforts, parce qu’il y a quelques années ce n’était pas le cas, on comptait essentiellement sur des dons des partenaires au développement. Nous avons par exemple plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest et du Centre qui ont mis aussi des politiques pour promouvoir ou fournir des services de planification familiale gratuit, c’est-à-dire qu’ils ont par exemple des mécanismes où il y a la gratuité pour pouvoir accéder aux produits de planification familiale comme le Burkina, le Ghana, le Mali, le Niger, la République centrafricaine, et je peux en citer d’autres. Donc en un mot, nous pouvons dire qu’il y a des progrès mais il y a encore des défis majeurs à relever.

Quel sont selon vous, les stratégies qui permettraient d’atteindre vos objectifs, car l’accès au contraceptive permet aux femmes et aux filles de choisir leur avenir au lieu de subir les hasards de l’existence ?

Il y a essentiellement trois choses : l’environnement, l’offre et la demande. L’environnement c’est quoi ? c’est qu’il faut garantir un environnement de droit, donc nous avons par exemple des pays où des investissements ne se font pas, nous avons des pays comme je viens de citer qui ont fait de la gratuité par exemple pour faciliter l’accès ; il y a des pays où vraiment on fait la promotion du choix de l’individu, c’est l’environnement, il y a des lois, il y a l’offre. Vous savez, vous pouvez avoir un environnement très favorable mais vous n’avez pas les produits et donc nos sœurs, nos filles, les femmes qui sont en zones rurales ou sont dans des zones périphériques très éloignées n’ont pas accès. Il y a tout le système d’approvisionnement qui a des problèmes, c’est l’offre. Mais il y a la demande aussi et c’est là où je disais tantôt qu’on ne peut pas atteindre le résultat sans vous, la communication, le changement de comportement, la mobilisation des partenaires sociaux, les leaders traditionnels, les leaders de la société civile, donc c’est sincèrement autour de ces trois volets que sont bâties nos stratégies au niveau de notre organisation : l’environnement, les lois, les stratégies, l’offre, pour pouvoir avoir en quantité, et la demande qui est justement de susciter au niveau de la population, que les gens aient les formations et aussi la liberté d’accéder à ces produits.

« En Afrique de l’Ouest, environ 60% des jeunes rencontrent des obstacles pour accéder à la contraception »

Dr Martin Migombano, Directeur Général du Hub Régional pour l’Afrique du Nord, de l’Ouest et du Centre

Dr, pouvez-vous nous présenter le Hub Régional pour l’Afrique du Nord, de l’Ouest et du Centre ? Quelles sont ses missions dans le cadre de la planification familiale ?

 Merci au REMAPSEN pour l’invitation, et d’avoir associé la FP2030 à cet important webinaire. Je pense que ces échanges interviennent à un très bon moment pour pouvoir réaffirmer notre engagement par rapport à la planification familiale de façon spécifique et à la SR de façon générale. Donc, des fois on a du mal à le prononcer en français c’est FP 2030, c’est un partenariat exclusivement sur la planification familiale créer depuis 2012 à la suite de la conférence à Londres et dont la première appellation était FP20, puis en 2018 elle est devenue FP 20 30 avec cinq raf régionaux, dont celui de l’Afrique de l’ouest, du centre et le monde arabe que je couvre, et dont le bureau est basé à Abuja au Nigéria. Notre effort comme vous l’avez si bien dit est de nous assurer que les différents partenaires convergent leurs efforts afin de permettre un accès libre à la contraception pour toutes les femmes en âge de procréation, en couple ou pas du tout.

Ce travail commence par les Gouvernements et leur engagement en collaboration avec tous les partenaires, la soumission pour le suivi des cadres opérationnels de la mise en œuvre de ces engagements, et ce travail se fait à travers ce que nous appelons des points focaux au niveau de chaque pays qui sont composés essentiellement des représentants du gouvernement, de la société civile, des mouvements des jeunes, de bailleurs de fond comme l’UNFPA et l’USAID, parfois l’UDO les Britanniques et parfois dans certains pays il y a même la Banque mondiale. Voilà un peu en résumé ce que fait FP 20 30.

Quelle est la procédure à suivre par les associations qui souhaiteraient adhérer au Hub ?

Il y a ce que nous appelons des engagements gouvernementaux, et des engagements non gouvernementaux. Pour les engagements gouvernementaux, ça c’est sous le lead du gouvernement et là nous avons presque tous les pays qui dépendent de cette région, que ce soit en Afrique de l’Ouest ou en Afrique Centrale. Presque tous les pays francophones ont soumis leur engagement et certains pays sont en train de le faire ; les pays anglophones aussi l’ont déjà fait en tant que gouvernement. Maintenant il y a ce que nous appelons aussi des engagements non gouvernementaux, et là il y a tout un processus à promouvoir, c’est d’un : entrer en contact avec nous et nous dire qui vous êtes, si vous voulez faire un engagement et nos équipes vont vous aider à développer ces engagements-là. Et ces engagements d’habitude c’est pour vous aligner aussi avec ce que le gouvernement veut atteindre, parce que le contenu des engagements c’est surtout un engagement politique de la part du gouvernement pour atteindre certains objectifs y compris les objectifs de développement durables, mais aussi des objectifs en matière de prévalence contraceptive ou d’engagement avec certains partenaires, ou des objectifs comme l’a dit docteur Dr Sennen Hounton de pouvoir contribuer suffisamment au panier d’achat de la contraception et ainsi de suite. Donc il y a plusieurs objectifs, et les associations, leur rôle c’est de pouvoir s’assurer que le gouvernement est en train de faire un suivi et en train de fournir des réponses à ces engagements qu’ils ont suivi. Voilà un peu comment ça se passe.

Docteur, dites-nous quel est l’importance d’étendre la planification familiale en développant des partenariats intersectoriels ?

L’intersectorialité est essentielle pour garantir le succès de la planification familiale. En permettant aux femmes de mieux espacer leurs grossesses, la planification familiale favorise leur autonomisation économique, leur permettant de contribuer davantage au développement de leur communauté. Cela se traduit par une meilleure éducation des enfants, une réduction de l’absentéisme scolaire, et une participation accrue des femmes au marché du travail.

Dans de nombreux pays, notamment en Afrique, l’inégalité entre les sexes et le manque d’accès aux services de santé reproductive limitent l’autonomisation des femmes. Une approche multisectorielle, impliquant l’éducation, l’économie, la santé et d’autres secteurs clés, est donc indispensable pour surmonter ces obstacles.

En tant qu’acteur majeur de la planification familiale, FP 2030 travaille en étroite collaboration avec des partenaires de divers horizons pour placer la planification familiale au cœur des politiques de développement. En mobilisant des points focaux issus de différents secteurs, nous favorisons une approche intégrée qui permet à chaque femme d’accéder aux services de contraception dont elle a besoin.

 

 

Quels sont les actions concrètes mises en place pour soutenir les jeunes, en particulier les plus vulnérables, dans le cadre de votre politique régionale ?

En Afrique de l’Ouest, environ 60% des jeunes rencontrent des obstacles pour accéder à la contraception, notamment en raison de normes sociales restrictives, de systèmes de santé inadéquats et de politiques nationales contraignantes. C’est pourquoi FP2030 a fait de l’accès à la planification familiale pour les jeunes un pilier central de sa stratégie.

Notre objectif est de garantir que les adolescents et les jeunes, y compris les groupes marginalisés, soient considérés comme des partenaires à part entière dans la prise de décision concernant leur santé sexuelle et reproductive. Pour y parvenir, nous avons mis en place un réseau de points focaux dans toute la région, chargés de s’assurer que les besoins spécifiques des jeunes sont pris en compte dans l’élaboration des politiques et la prestation des services.

Notre centre d’excellence régional, dédié à la réduction des grossesses chez les adolescentes, jouera un rôle clé dans la diffusion de bonnes pratiques et le renforcement des capacités des acteurs locaux.

 

« En proposant des services de conseil et de distribution de contraceptifs dans les salons de coiffure, nous contribuons à rendre la contraception plus accessible »

Alima Cissé est sage-femme et travaille pour le compte de l’Association Malienne pour la Protection de la Famille. Elle est prestataire de service de planification familiale.

Alima Cissé est sage-femme et travaille pour le compte de l’Association Malienne pour la Protection de la Famille. Elle est prestataire de service de planification familiale.

Quelles sont les raisons qui ont motivé votre projet de distribution des contraceptifs dans les salons de coiffure au Mali ?

Nous avons constaté que nos clientes, souvent des femmes maliennes avec de jeunes enfants, sont un public idéal pour promouvoir la planification familiale. En profitant de ces moments privilégiés, nous engageons des conversations informelles sur l’espacement des naissances. Grâce à un climat de confiance et à la qualité des produits que nous proposons, de plus en plus de femmes se tournent vers nous pour obtenir des conseils et des moyens de contraception.

 

Quels sont les résultats concrets de ce projet en termes d’amélioration de l’accès à la contraception pour les populations ciblées ?

Grâce aux formations dispensées par l’ANPE, nous avons pu acquérir les connaissances nécessaires pour conseiller nos clientes sur les différentes méthodes contraceptives disponibles, telles que Sayanapress, la pilule et le préservatif. Ces formations nous ont motivés à promouvoir une offre diversifiée afin que chaque femme puisse choisir la méthode qui lui convient le mieux. Nous invitons toutes les femmes à venir bénéficier de nos conseils et à découvrir les avantages de la planification familiale.

Nous avons constaté une nette amélioration grâce à ce projet. En effet, de nombreuses femmes se sentaient auparavant mal à l’aise à l’idée de se rendre dans un centre de santé pour discuter de contraception. Grâce à nos échanges informels, nous avons pu les conseiller de manière plus détendue sur les différents moyens de contraception disponibles. Cela a permis de toucher un public plus large, notamment celles qui hésitaient à se déplacer.

Propos recueillis par Mireille Siapje et retranscrits par Charone Ndogmo stg

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