La santé et la sécurité des élèves sont des priorités absolues dans les établissements scolaires. Pour Dr. Marileine KEMME, médecin addictologue et cheffe du Centre La Vie à Yaoundé, l’infirmerie scolaire joue un rôle crucial dans la prise en charge immédiate des problèmes de santé des élèves et la prévention des conduites addictives. Dans cette interview, elle souligne l’importance de doter chaque lycée d’un espace dédié aux soins et de former les personnels éducatifs pour mieux répondre aux besoins de santé des élèves.
Quelle est l’importance d’un service d’infirmerie dans un lycée?
L’infirmerie scolaire joue un rôle crucial dans la prise en charge immédiate des problèmes de santé des élèves. Elle permet d’apporter des premiers soins en cas de blessures, de malaise ou d’accident, et de surveiller les élèves souffrant de maladies chroniques (asthme, épilepsie, diabète, addictions, etc.). Dans un contexte rural où l’accès aux soins médicaux est souvent limité, l’infirmerie constitue une première ligne d’intervention qui peut éviter des complications graves et rassurer les parents.
Pourquoi un établissement scolaire doit-il avoir une infirmerie?
Un établissement scolaire est un milieu de vie où les élèves passent une grande partie de leur journée. La présence d’une infirmerie est donc essentielle pour assurer leur bien-être et leur sécurité sanitaire. En plus des soins de première nécessité, elle joue un rôle préventif en sensibilisant les élèves aux comportements à risque, notamment en matière d’addictions, de maladies infectieuses et de santé sexuelle et reproductive. De plus, elle permet d’isoler temporairement un élève malade pour éviter la propagation de certaines infections.
Quel est le personnel habilité à y travailler ?
L’idéal serait d’avoir au moins un infirmier diplômé d’État, capable de gérer les urgences, d’administrer les premiers soins et de suivre l’état de santé des élèves. Un médecin scolaire, même en présence ponctuelle, serait un atout majeur pour assurer des consultations et des campagnes de prévention. Un psychologue scolaire ou un assistant social pourrait également intervenir pour les problématiques liées à la santé mentale et aux addictions, qui prennent de l’ampleur chez les jeunes.
Certains établissements scolaires n’ont pas d’infirmerie. C’est une négligence, ou alors ce n’est pas important ?
L’absence d’infirmerie dans un lycée est une faille majeure dans le système éducatif, surtout en milieu rural où l’accès aux structures de soins est difficile. Ce manque peut être attribué à des contraintes budgétaires ou à un manque de priorisation de la santé scolaire. Toutefois, négliger cet aspect compromet la sécurité des élèves et peut aggraver certaines situations médicales, avec des conséquences parfois irréversibles. Un effort doit être fait pour doter chaque lycée d’un espace dédié aux soins, même minimaliste.
Les élèves malades ou blessés sont référés dans les établissements hospitaliers du coin. Centre de santé intégré, centre médico-social, dispensaire, hôpital de district…
En l’absence d’infirmerie, les élèves doivent être référés vers les structures de santé locales en fonction de la gravité des cas. Un centre de santé intégré ou un centre médico-social peut prendre en charge des soins courants, tandis qu’un hôpital de district est plus adapté aux cas plus graves nécessitant une prise en charge spécialisée. Cependant, en milieu rural, ces structures sont parfois éloignées et mal équipées, ce qui retarde l’accès aux soins et expose les élèves à des risques accrus. D’où l’importance d’une infirmerie fonctionnelle au sein des établissements scolaires pour assurer une première prise en charge efficace.
En tant que médecin addictologue, je souligne également que l’infirmerie scolaire peut jouer un rôle clé dans l’identification et la prévention des conduites addictives (tabac, alcool, drogues) qui prennent de l’ampleur chez les jeunes. À ce titre, le Centre La Vie, que je dirige, a mené en 2021 un atelier de renforcement des capacités destiné aux personnels éducatifs de 30 établissements scolaires de la ville de Yaoundé, notamment les conseillers d’orientation et les assistants sociaux. Cet atelier avait pour objectif de leur fournir des compétences en matière de détection précoce des troubles liés à la toxicomanie et d’assurer une meilleure référence et collaboration entre les établissements scolaires et le Centre La Vie.
Ce type de formation devrait être organisé régulièrement pour permettre aux établissements scolaires d’être mieux outillés face aux problématiques liées aux addictions et à la santé mentale des élèves. Une collaboration continue entre les écoles et les structures spécialisées en addictologie est essentielle pour une prise en charge efficace et préventive.
Propos recueillis par Elvis Serge NSAA
Leave a reply
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.