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Docteur Achille Nana, Chef de service gynécologie de l’Hôpital Régional de Ngaoundéré.
Vous avez acquis un appareil pour résoudre le problème du cancer lié à la femme. C’est quoi cet appareil ?
Avant de venir sur l’appareil, il faut que nous revenons un peu sur l’historique de ce qui nous a amené à acquérir cet appareil. En fait, nous savons que la lutte contre le cancer du col et le cancer de la femme en général constitue un volet très important pour le ministère de la Santé publique. Ce qui fait qu’avec la direction de l’hôpital, nous avons essayé depuis un certain temps de mettre l’accent sur la lutte contre le cancer. Il est bien vrai qu’au Cameroun, le comité national de lutte contre le cancer préconise que le mois d’octobre soit le mois d’octobre rose. C’est pendant ce temps qu’on fait les campagnes, mais ici à l’hôpital, vu l’ampleur de la situation, nous avons décidé avec la direction de l’hôpital de faire ça tout le temps, de faire ça en dehors de l’octobre rose. C’est pour ça qu’au mois de juin, nous avons organisé une autre campagne parce que nous pensons que prévenir vaut mieux que guérir. Parce que nous savons que le début des lésions précancéreuses, jusqu’à ce que ça devienne cancer, il peut s’écouler 15 ans. Donc, si nous essayons de faire la prévention chaque fois, on peut couper cette chaîne. Et c’est ainsi que, dans le traitement des lésions précancéreuses, le Comité national de lutte contre le cancer nous a donné un appareil qu’on appelle le thermoablateur, qui nous permet, après avoir fait cette prévention, parce qu’avant on ne faisait rien que les préventions comme ça. Qu’est-ce qu’on devait faire des malades après ? Aujourd’hui, nous pouvons faire les préventions et les lésions précancéreuses, nous les prenons en charge à partir de la thermo-ablation pour éviter que ça n’évolue vers le cancer.
Alors, depuis quand avez-vous acquis cet appareil ?
Nous avons eu cet appareil au mois de juin et nous avons commencé à l’utiliser au cours du même mois. Donc dès que nous avons pu acquérir cet appareil, le directeur a organisé avec nous cette campagne qui est gratuite, ça coûte beaucoup à l’hôpital, mais le directeur s’est engagé à soutenir le service de gynécologie dans ce sens. Parce que pour faire une campagne, il y a les produits qu’il faut, il y a les spéculums, beaucoup de trucs qu’il faut acheter, l’occupation, c’est gratuit. Donc dès qu’on a eu cet appareil, dès que le directeur a été informé, il a lancé, on a décidé, on a fait une période pour commencer à faire ça. Et puis au mois d’octobre, on va recommencer.
Quel bilan en faites-vous ?
Lors de la campagne qui a eu lieu du 17 au 29 juin, on a dépisté 301 personnes, 301 femmes. Parmi les 301 femmes, on a eu 65 cas suspects de cancer du col. Et parmi ces 65 cas suspects, un peu plus de 30 ont déjà bénéficié de la thermoablation. On a vu deux cas de cancer déjà confirmés, des cancers qui étaient au stade avancé. Quand c’est au stade avancé, il faut faire la radiothérapie, la chimiothérapie avec un cas pour le sein, un cas pour le col. Nous avons envoyé dans les institutions spécialisées qui prennent en charge les cas avancés du cancer.
Quel message aux populations bénéficiaires ?
Ce que nous pouvons dire aux patients, c’est que le cancer est là, le cancer existe, le cancer n’est pas une fatalité. Dans les grands pays, on a l’impression que le cancer n’existe pas, parce qu’ils ont compris que la prévention, c’est le nœud du cancer. Parce que quand on prévient, on ne va pas arriver au stade avancé et les malades vont vivre comme si ça n’existait pas. Par exemple, cet appareil, lorsque nous découvrons les lésions précancéreuses, on les traite la malade n’aura jamais le cancer. Donc on exhorte les malades à venir chaque fois à l’hôpital se faire dépister. Parce que même si nous organisons des campagnes chaque fois, c’est une activité qui est pérenne. C’est-à-dire que chaque fois qu’une femme vient pour se faire dépister, nous allons le faire.
À quelle fréquence doit-on se faire dépister ?
Dans les recommandations du Comité national de lutte contre le cancer, on demande de faire deux fois le dépistage en l’espace d’un an. Si c’est positif, on commence à partir de l’âge de 25 ans. Et si c’est positif, on demande de faire ça tous les deux ans jusqu’à l’âge de 65 ans.
Avec cet appareil, est-ce qu’il ne serait pas aussi nécessaire de soumettre les femmes qui viennent en consultation gynécologique ?
Nous le faisons. C’est comme je vous ai dit, c’est une activité qui est intégrée dans le paquet minimum du service, comme consulter les femmes enceintes, comme consulter les femmes qui ont des infections pelviennes. Sauf que de temps en temps, comme nous considérons que c’est une activité très importante, comme c’est un truc très grave parce que les malades qui ne se font pas dépister arrivent à des stades tardifs où le risque de décès est plus élevé. C’est pour ça que de temps en temps, nous augmentons, nous ajoutons encore les campagnes pour essayer d’atteindre le plus grand nombre de femmes.
Propos recueillis par Jean Besane Mangam