Cameroun : 20 mille femmes souffrent de fistules obstétricales

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Malgré les progrès de la science et les efforts des pouvoirs publics, les filles et les femmes atteintes de cette maladie évitable et en grande partie traitable, souffrent d’incontinence chronique sous le regard de leur famille.

« J’ai enduré 5 jours de contractions douloureuses. Lorsque l’on m’a enfin transportée à l’hôpital, le fœtus était mort. Au bout de 3 semaines, j’ai commencé à sentir des écoulements vaginaux constants et malodorants. Cela fait 10 ans que je suis dans cet état », Une jeune femme de 26 ans. Le travail prolongé et le travail obstrué sont deux causes principales de mortalité et de morbidité maternelles, telle que la fistule obstétricale. Ils surviennent dans environ 5 % des naissances et sont responsables de 8 % des décès maternels. Souvent, le travail est prolongé lorsque le pelvis de la mère est trop étroit ou que le nouveau-né est trop gros pour permettre un accouchement par voie vaginale. Les adolescentes sont particulièrement susceptibles de souffrir d’un travail obstrué car leur pelvis n’est pas complètement développé. Lorsque les adolescentes et les femmes endurent un travail prolongé de 24 heures ou plus et qu’elles ne peuvent pas se rendre dans un centre de santé pour recevoir une césarienne, la compression des tissus entre la tête du nouveau-né et le pelvis de la mère coupe la circulation sanguine vers la vessie et le rectum. Les tissus dépérissent dans les 3 à 10 jours, créant une ouverture, ou fistule, entre le vagin et la vessie ou le rectum, et provoquant une incontinence chronique chez la femme. De plus, de graves lésions nerveuses empêchent souvent la femme de marcher. Dans 90 % des cas, l’enfant est mort-né ou décède au bout de quelques semaines.

Environ 6 000 femmes meurent chaque année au Cameroun pendant leur grossesse ou en donnant la vie. Ce chiffre est un des plus élevés et selon l’Organisation Mondiale de Santé (OMS) le Cameroun est classé 15ème pays avec le ratio de mortalité maternelle les plus élevés au monde. Ces décès maternels sont pour la plus part évitables. Pour chaque femme qui meurt, au moins 20 autres survivent, avec des complications, dont une des plus graves et humiliantes est la fistule obstétricale. Il s’agit d’un passage anormal entre le vagin et la vessie d’une part, ou le vagin et l’anus d’autre part, qui résulte en l’écoulement continu et non contrôlé des urines et/ou des matières fécales. Le facteur principal qui favorise la survenue d’une fistule obstétricale est le manque d’accès aux soins de qualité lors de l’accouchement.

« La honte, l’isolement et la ségrégation font partie des indignités auxquelles sont confrontées des centaines de milliers de femmes et de filles qui souffrent de fistule obstétricale dans le monde. La fistule est une blessure qui intervient au niveau du canal de naissance au cours d’un accouchement et après un travail prolongé et entravé. Les filles et les femmes atteintes de cette maladie évitable et en grande partie traitable, souffrent souvent d’incontinence chronique. Elles font finalement face à une stigmatisation sociale dévastatrice », relève Dr. Natalia Kanem, Directrice Exécutive de l’Unfpa dans sa déclaration à l’occasion de la journée internationale pour l’élimination de la Fistule Obstétricale, le 23 Mai 2019. Pour le Dr Kanem, « la plupart de ces femmes et filles sont issues de familles pauvres et n’ont pas la capacité à accéder à un traitement médical rapide. Cela les prive non seulement de leur santé et de leur dignité, mais constitue également une violation de leurs droits fondamentaux ».

Vers une nouvelle vie

La grande majorité des femmes affectées par la fistule obstétricale est très jeune et issue des familles pauvres. Outre le manque des ressources pour payer les frais de prise en charge, elles sont aussi victimes de stigmatisation qui les contraignent parfois à l’exclusion sociale. Pour la plupart de ces femmes affectées, la fistule obstétricale est une vie complètement détruite, physiquement, économiquement, socialement.

Face à cette situation, le gouvernement camerounais s’est engagé depuis plusieurs années à travers le ministère de la Santé publique (Minsante), à améliorer l’accès aux soins de santé maternelle. En ce qui concerne la fistule obstétricale de façon spécifique, une stratégie nationale de lutte est en cours de mise en œuvre. Les initiatives prometteuses sont entreprises avec l’appui des partenaires techniques et financiers, des humanitaires y compris le secteur privé. Elles visent à mobiliser la communauté nationale, à renforcer les capacités techniques et opérationnelles des formations sanitaires, à réaliser les campagnes gratuites de réparation et à accompagner la réintégration socio-économique des femmes réparées.

Un engagement international

Il est temps que le monde entier tienne compte de l’appel lancé par les États membres des Nations Unies à travers la résolution de l’Assemblée Générale de 2018 sur l’élimination de la fistule, dans laquelle ils s’engageaient à éradiquer cette affection en une décennie. Toutefois, il convient de préciser que l’atteinte de cet objectif nécessite des investissements, des innovations et des partenariats accrus. Si nous ne prenons aucune mesure, nous ne pourrons pas réaliser les Objectifs de Développement Durable, respecter les engagements de la Conférence Internationale sur la Population et le Développement et veiller à ce que nul ne soit laissé pour compte.  Aucune femme ou fille ne devrait être privée de sa dignité, de ses espoirs et de ses rêves. La fistule est une violation des droits humains – en finissons avec maintenant!

Durant cette campagne toutes les femmes ou personnes connaissant une femme qui souffre d’un écoulement continu et non contrôlé des urines et/ou des matières fécales sont attendus à l’hôpital Central de Yaoundé.

Joseph MBENG BOUM

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