Cameroun–RDC: L’exploitation artisanale du bois en quête de légalité et de durabilité grâce au projet PROFEAAC

Atelier de cloture du projet PROFEAAC: “pour une exploitation artisanale légale et durable du bois en Afrique centrale”. Photo de famille avec le Secrétaire general du ministère des forêts et de la faune.
Lancé au Cameroun et en République Démocratique du Congo, le projet PROFEAAC vise à formaliser l’exploitation artisanale du bois en Afrique centrale, réduire la dégradation des forêts, et renforcer les capacités des acteurs locaux. Un chantier ambitieux soutenu par le CIFOR, le CIRAD, l’IRD et le gouvernement français, en collaboration étroite avec les ministères en charge des forêts.
Avec une production annuelle estimée à 1,7 million de m³, l’exploitation artisanale de bois représente près de 30 % du sciage en Afrique centrale. Au Cameroun, cette activité informelle répond à une forte demande sur le marché intérieur. Pourtant, elle échappe largement à tout contrôle. « Ce sont surtout les grandes compagnies industrielles qui sont encadrées par la loi, pas les petits exploitants », rappelle Hortense Motalindja, sous-directrice de la promotion du bois au ministère des Forêts et de la Faune.
Face à cette situation, le projet PROFEAAC (Promotion et formalisation de l’exploitation artisanale du bois d’œuvre en Afrique centrale) s’est donné pour mission de structurer cette filière informelle en s’appuyant sur une approche multi-scalaire: gestion territoriale de la ressource, gouvernance de la filière, et promotion du sciage légal.
Le projet s’articule autour de quatre composantes principales: Estimation et suivi de la dégradation liée à l’exploitation artisanale, l’appui aux expériences de réhabilitation forestière, le soutien à l’exploitation artisanale légale et la régulation et valorisation de l’exploitation artisanale dans le développement local.
Les activités menées dans les zones pilotes de Mindourou et de Dzeng ont déjà permis d’obtenir des résultats concrets : des données ont été recueillies sur la taille des arbres abattus, les volumes extraits et les distances d’évacuation dans 4 villages de Mindourou et 4 villages de Dzeng, couvrant 74 chantiers d’exploitation appartenant à près de 60 scieurs artisanaux — deux manuels illustrés ont été publiés pour accompagner les producteurs dans la plantation d’arbres fruitiers et forestiers, avec formation de 30 scieurs en abattage dirigé et analyse financière — enforcement des capacités : deux coopératives de scieurs artisanaux ont été créées dans les deux communes, avec des formations en gestion d’entreprise et en administration — alorisation de la filière : une plateforme multi-acteurs a vu le jour à Mindourou et des propositions ont été faites pour intégrer le sciage artisanal dans les Plans Communaux de Développement (PCD). Une mission multipartite a également été organisée à Yaoundé pour explorer l’approvisionnement légal du marché urbain.
Selon Hortense Motalindja, sous-directeur de la promotion du bois au MINFOF, le rôle du ministère des Forêts est fondamental dans l’accompagnement de cette dynamique. « Le ministère devait faciliter la délivrance des permis d’exploitation du bois d’œuvre, notamment les PEBO, ces petits titres créés pour approvisionner le marché intérieur », explique-t-elle. Ces permis, longtemps absents de la législation, ont été introduits dans la nouvelle loi forestière signée en juin 2024. « Le texte est là, mais il faut maintenant l’accompagner de décrets et d’arrêtés pour sa mise en œuvre effective », ajoute-t-elle.
Le renforcement des capacités des exploitants artisanaux a visé à faire face aux différentes contraintes légales, tout en préservant la rentabilité de leur métier, permettant aux scieurs artisanaux de sortir progressivement de l’informel. Le projet a aussi permis de vulgariser les procédures et l’usage des documents sécurisés comme les bordereaux de livraison.
Le PROFEAAC démontre qu’une exploitation artisanale du bois peut être à la fois légale, durable et économiquement viable. En s’appuyant sur les communautés locales, en structurant les chaînes de valeur et en accompagnant les réformes institutionnelles, le projet ouvre une voie nouvelle pour le développement forestier en Afrique centrale.
« Il est question que de plus en plus d’acteurs de cette catégorie puissent exercer leur activité de manière légale », conclut Mme Motalindja, confiante quant à la suite du processus.
Rappelons que c’est le Secrétaire general du ministère des forêts et de la faune qui a ouvert le mercredi 5 juin 2025 à Yaoundé, les travaux de l’ atelier de cloture du projet PROFEAAC. Un projet coordonné par Guillaume Lescuyer, chercheur au CIFOR et au CIRAD.
Mireille Siapje