Chicha : La flamme de la désobéissance qui détruit notre santé
Malgré l’interdiction formelle, la chicha continue de séduire les jeunes de la ville aux sept collines. Dans les quartiers, les snack-bars pullulent, transformés en véritables sanctuaires de la fumée aromatisée. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, le fumeur de pipe à eau et la personne exposée à la fumée encourent les mêmes maladies pulmonaires, cardiovasculaires et cancers que le fumeur de cigarette.
20 heures, quartier Émana. Isidore, un nom d’emprunt, pousse la porte d’un snack-bar. L’ambiance est feutrée, la musique lounge en sourdine. Au centre de la pièce, des tables basses, des coussins moelleux et… des chichas. Isidore, comme des milliers de jeunes Yaoundéens, est venu ici pour un moment de détente, ponctué par quelques bouffées de fumée aromatisée. « Je sais que c’est interdit, mais franchement, je m’en fiche », confie-t-il, un sourire en coin. « C’est un moment de détente, de partage avec les amis. » Et il n’est pas le seul à penser ainsi. Dans les sept arrondissements de Yaoundé, le constat est le même.
Les snack-bars, ces petits coins d’Asie en plein cœur de l’Afrique, sont devenus les nouveaux lieux de rendez-vous des jeunes. Les raisons de ce succès sont multiples les différentes saveurs proposées (fruits rouges, menthe, etc.) séduisent les palais. La fumée de la chicha est souvent associée à un moment de convivialité, de partage. Malgré les campagnes de sensibilisation et les risques pour la santé, nombreux sont ceux qui défient l’interdiction.
Selon la British Heart Foundation, une organisation caritative de recherche cardiovasculaire basée en Angleterre, la chicha est tout comme le tabac une menace pour la santé. Une heure de séance de chicha peut équivaloir à fumer plus de cent cigarettes. Ce qui montre à quel point le produit peut être nuisible pour la santé. « Traditionnellement, le tabac à chicha contient du tabac à cigarette, donc comme les cigarettes, il contient de la nicotine, du goudron, du monoxyde de carbone et les métaux lourds, comme l’arsenic et le plomb », a indiqué l’institution.
Face à ce phénomène, les autorités semblent impuissantes. Les contrôles sont rares et les sanctions peu dissuasives. « C’est un véritable fléau », déplore un responsable sanitaire. « La chicha est tout aussi dangereuse que la cigarette, voire plus. » Les substances contenues dans la fumée de chicha sont cancérigènes et irritantes pour les voies respiratoires. La nicotine contenue dans le tabac à chicha crée une dépendance. La consommation de chicha peut entraîner des problèmes financiers et des conflits familiaux.
Alors qu’en 2022, le gouvernement du Cameroun avait interdit la vente des chichas et sa consommation sur l’ensemble du territoire national, la capitale politique, tout comme d’autres villes du pays, continue de résister à cette mesure. Ce qui met en danger la santé de nombreux Camerounais. Alors qu’au Cameroun, suite à une étude menée par le ministère de la santé en 2022, à travers le comité de lutte contre la drogue, environ 46 % des jeunes consomment de la chicha. Une composition de 28 % de tabac et de 70 % de mélasse qui contient du sirop qu’on retrouve à l’intérieur du sucre, des arômes comme la pomme, la fraise ou encore la noix de coco. Son usage se fait grâce à une pipe à eau qui est un outil qui facilite la fumée de la chicha.
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, qui précise sur le rapport de l’OMS : « Le fumeur de pipe à eau et la personne exposée à la fumée passive provoquée par la pipe à eau encourent les mêmes maladies pulmonaires, cardiovasculaires et cancers que le fumeur de cigarette ». Elle précise également que dans le monde, près de 100 millions de personnes sont concernées par cette consommation, et spécifiquement les jeunes de 15 à 20 ans.
Aujourd’hui, trois ans après la prise de certaines mesures par le gouvernement, telles que la campagne de sensibilisation lors des festivités du 11 février, l’interdiction de l’importation des appareils de la chicha ou encore la création du dossier scientifique, dans le but de rendre possible l’application des certaines décisions, afin d’interdire l’importation et la consommation de la chicha grâce à l’adoption de loi par le parlement. Et maintenant, où en sommes-nous avec toutes ces mesures? Les rues camerounaises continuent de faire tête dure et la jeunesse camerounaise continue de s’enfoncer dans la pratique qui mettra leur santé en péril. Alors, le combat pour la sécurité sanitaire doit continuer, même si pour la chicha, nous paraît logique, mais elle doit demeurer.
Pour endiguer ce phénomène, il faudrait multiplier les campagnes de prévention, renforcer les contrôles et augmenter les sanctions. Mais surtout, il faudrait proposer aux jeunes des alternatives saines et attractives.
Mohaman BELLO Stg
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