Don de sang : le poids des préjugés

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Les banques de sang des formations sanitaires peinent à remplir pleinement leur rôle.  Les préjugés sont pointés du doigt comme l’une des causes.

Les cas des familles en détresse traînant un proche malade en besoin urgent d’une transfusion sanguine depuis des jours sont monnaie courante dans les centres de santé.  Les banques de sang sont de moins en moins pourvues en sang. Les donneurs bénévoles gratuits et réguliers sont aussi rares, à part quelques personnes ayant pris conscience de cette habitude à faire prélever une partie de son sang pour sauver des vies. Cet acte est d’autant plus humanisant et humanitaire qu’un don dans un orphelinat.

Dans la région de l’Adamaoua, la culture du don bénévole et régulier de sang n’est pas la chose la mieux partagée. Même au sein des familles dont un proche est dans le besoin, la réticence persiste. Ici, le poids de la tradition et des cultures est pour beaucoup. ’’Je n’ai jamais donné de mon sang pour quelle que raison que ce soit.  Ma croyance l’interdit. Lorsque j’ai un proche souffrant et qui nécessite une transfusion, on cherche comment remplacer le sang à transfusion par des comprimés riches en fer’’ avance sans ambages,  Moustapha, un habitant de Ngaoundéré.  Comme lui, les adeptes des églises de réveil sont aussi dans cette lancée.  Ils affichent leur désapprobation du don de sang.  ’’selon les saintes écritures,  il est écrit dans Deutéronome 12 versets 23 à 24, seulement, garde toi de manger le sang, car le sang, c’est l’âme ;et tu ne mangeras pas l’âme avec la chair. Je ne peux pas aller à l’encontre de ce que dit la bible’’ soutient sous anonymat un témoin de Jéhovah rencontré dans la ville de Ngaoundéré. D’autres évoquent des pratiques occultes. Ce qui justifie leur réticence.  ’’Quand tu donnes ton sang, tu ne sais pas où ça part. Les gens font les pratiques avec, donc je ne me vois pas en train de donner mon sang pour se retrouver dans les mains des sectaires’’ a déclaré Ania, habitant du quartier Joli Soir à Ngaoundéré.

La banque de sang de l’hôpital régional de Ngaoundéré est, face à ce tableau, loin de remplir ses missions. Les sollicitations sont de plus en plus importantes pour une disponibilité moindre.  Une certaine catégorie de donneurs prend généralement d’assaut l’unité.  Celle-ci donne de son sang moyennant de l’argent. ’’Nous cherchons à mettre fin à cette catégorie de donneur qui le fait pour de l’argent, mais parfois on est coincé.  Nous faisons de notre mieux pour pourvoir la banque en poches nécessaires mais il arrive de fois qu’on soit en rupture de stocks et ça nous fait mal lorsqu’on n’arrive pas à satisfaire les patients’’ explique Dang’ne,  chef d’unité de la banque de sang de l’hôpital régional de Ngaoundéré.

Pour appuyer les formations sanitaires, des associations des donneurs ont vu le jour. Celles-ci avec l’appui des banques de sang des hôpitaux,  procèdent à la sensibilisation et à la collecte des poches qui sont mises à la disposition des patients. ’’Une association dédiée au don de sang pour sensibiliser et mettre en place des actions communautaires pour sauver le maximum de vies. Les populations sont mal informées ou pas du tout informées sur le rôle qu’elles jouent pour leur propre santé en donnant le sang’’ indique Cheryl Cynthia Ngueng, de l’association SOS DON DE SANG.  Elle et ses camarades sont engagés depuis quelques temps dans la promotion de la santé par le don de sang bénévole et régulier. A ce jour, l’association compte près de 200 jeunes engagés et une base de données de plus de 400 donneurs dont les 2/3 ont donné le sang pour la première fois au cours des 3 dernières années.

Des actions comme celles-là méritent d’être vulgarisées et connues de tous. Selon le centre national de la transfusion sanguine,  le pays couvre à peine 3% des besoins annuels en poches de sang.

Jean BESANE MANGAM

Réactions

« S’il y avait au moins 270 000 de poches collectées par an, ça va commencer à suffire pour nos besoins »

 Pr Dora Ngum Shu, Directeur Général du Centre National de Transfusion Sanguine

Actuellement au niveau du territoire national, selon les données de l’OMS,  on devrait pouvoir collecter entre 1 à 3% des donneurs de sang de chaque population. Comme le Cameroun a à peu près 27 millions d’habitants, si on avait 1 à 3% des poches de sang collectés pour le pays, ça va suffire à nos besoins en sang mais pour l’instant c’est insuffisant, parce que il faut les donneurs bénévoles réguliers non rémunérés. Ceux qui peuvent 3 ou 4 fois par an et qui vivent une vie saine et compatible avec le don de sang, ils viennent ils donnent leur sang et ils font ça spontanément 3, 4 fois par an et ça permet que la population aura tout le sang dont il faut sans que les gens meurent parce qu’il manque de sang. Sur 27 millions d’habitants,  1% ça fait 270.000,  s’il y avait au moins 270.000 de poches collectées par an, ça va commencer à suffire pour nos besoins. Selon les statistiques de fin 2021, on est à 140.207 poches, à peu près 35% des poches et ça ne comble pas nos besoins.

propos receuillis par Jean BESANE MANGAM

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