A l’occasion de la célébration de la journée internationale de l’Epilepsie et de la semaine de l’épilepsie au Cameroun, Brain research Africa initiative (BRAIN) et l’Université de Buea (UB) dans le cadre de « UB-BRAIN Collaboration » organisent avec la Ligue internationale contre l’épilepsie (ILAE), le Bureau international pour l’épilepsie (IBE) et AMICHRIST, en association avec la Ligue camerounaise contre l’épilepsie (CLAE), une campagne de consultations neurologiques gratuites les 12-13, et les 15, 16 et 17 février prochains dans les localités respectives de Mbangassina dans la région du Centre, et de Buéa, région du Sud-ouest, parmi d’autres activités de sensibilisation et de renforcement des capacités des personnels de santé.
Les populations du Centre et du Sud-ouest sont massivement invitées à se faire consulter gratuitement pour le dépistage et prise en charge des maladies du cerveau. C’est à la faveur des activités organisées par UB-BRAIN et AMICHRIST, dans le cadre de la semaine de célébration de l’épilepsie au Cameroun. Pour la circonstance, il est prévu deux campagnes majeures. « Nous avons cette année, deux activités phares. BRAIN a un partenariat avec l’Université de Buéa et cette année, le 14 février, c’est à Buéa que nous allons organiser la célébration nationale de la Journée International de l’Epilepsie avec les ateliers de formation des jeunes médecins et élèves-médecins le matin sur la séméiologie des crises et l’EEG. Dans l’après-midi, on aura un séminaire de formation des étudiants en médecine, des médecins généralistes, des consultations neurologiques gratuites à l’Hôpital régional de Buéa les 15, 16 et 17 février de 09h à 16h », indique le Pr Alfred K. Njamnshi, Fondateur et Directeur Exécutif de BRAIN.
Et d’ajouter « dans la région du Centre, l’hôpital de district de Mbangassina avec notre partenaire religieux AMICHRIST, nous avons organisé toute une semaine d’épilepsie avec la sensibilisation, la formation et les consultations gratuites aussi. Nous invitons tous les jeunes du Centre à venir à l’hôpital de Mbangassina le dimanche 12 et le lundi 13 février pour se faire consulter gratuitement pour détecter l’épilepsie et puis l’équipe médicale va leur proposer un traitement et un suivi. Et nous sommes bien-sûr avec vous les communicateurs comme Echos Santé, pour sensibiliser les populations que l’épilepsie est une maladie traitable ».
Traumatismes du cerveau
En rappel et à en croire le professeur, l’épilepsie est une maladie du cerveau ; donc une maladie neurologique qui se manifeste par la répétition des crises épileptiques. La crise d’épilepsie est une décharge de façon anormale de l’électricité du cerveau. Les causes de cette maladie sont multiples. Mais, pour être simple, on peut résumer cela à toute agression du cerveau. Notamment des infections, des tumeurs, des maladies vasculaires comme les attaques cérébrales, les maladies dégénératives et métaboliques et inflammatoires, sans oublier les traumatismes physiques ; les gens qui se heurtent la tête (cerveau) avec perte de mémoire, etc. En l’absence de vaccin contre les maladies infectieuses qui constituent le plus grand groupe des causes de l’épilepsie dans notre contexte, la prévention c’est de se protéger contre toutes agressions du cerveau. Une fois malade, le patient bien suivi à l’hôpital avec un traitement bien adapté et des mesures adéquates peut vivre normalement, sans stigmatisation.
Rostand TCHAMI
Pr Alfred K. Njamnshi : « L’épilepsie est une maladie traitable »
Chef du département de Neurologie à l’Hôpital central de Yaoundé, par ailleurs, Professeur de Neurologie et Neuroscience à l’Université de Yaoundé I (FMSB) et Fondateur-Directeur Exécutif de l’Institut de recherche BRAIN, il passe au scanner, les causes, les symptômes et les moyens de prévention de l’épilepsie. Loin d’être une maladie mystique comme d’aucuns pourraient penser, le spécialiste précise qu’un malade bien traité et bien suivi à l’hôpital peut recouvrer soit la guérison ou une qualité de vie normale avec la maladie contrôlée.
C’est quoi l’épilepsie ?
L’épilepsie c’est une maladie du cerveau très bien connu par le personnel de santé ; donc une maladie neurologique qui se manifeste par la répétition de crises épileptiques. Une crise d’épilepsie est une décharge anormale, désordonnée et exagérée de l’électricité du cerveau. Il faut savoir que le cerveau fonctionne en produisant l’électricité ; les cellules nerveuses se communiquent entre-elles en déchargeant du courant électrique. C’est activité électrique normale, bien ordonnée et régulée qui nous permet d’être ce que nous sommes, c’est-à-dire, avec nos capacités de voir, d’entendre, de parler, de jouer, d’étudier, d’entreprendre les projets, etc. Mais il arrive que de temps en temps à cause des agressions qui peuvent être de multiples causes, cette électricité n’est pas contrôlée, elle devient donc exagérée et désordonnée, soit dans une zone du cerveau ou tout le cerveau et c’est alors la crise d’épilepsie. Et la répétition de telles crises fait l’épilepsie maladie comme on l’appelle, qui nécessite un diagnostic et une bonne prise en charge par les équipes bien formées.
Quand vous parlez de l’électricité, vous parlez de quoi concrètement ?
Il s’agit bien de l’électricité comme le courant électrique que nous avons dans les maisons et bureau mais à une intensité beaucoup plus faible. Le cerveau est un organe qui produit du courant et ce courant est transmis dans les autres organes par des fibres qu’on peut même appeler des câbles électriques qui sont les nerfs. Les muscles (et les autres organes du corps) fonctionnent bien parce que le courant électrique quitte le cerveau et passe par les nerfs pour les faire contracter produire l’effet de qui est le rôle de l’organe en question. Certaines glandes de notre corps par exemple, secrètent des substances chimiques dont le corps a besoin pour fonctionner normalement, justement parce qu’ils sont stimulés par le courant électrique qui vient du cerveau et passe par les nerfs. Donc le cerveau travaille normalement pour nous maintenir en vie en produisant de l’électricité. Et l’épilepsie est une production exagérée de cette électricité par une zone du cerveau ou bien par tout le cerveau (crise généralisée). Si c’est une zone spécifique implique dans cette situation anormale, on assiste à des crises épileptiques focales, si c’est tout le cerveau qui produit de l’électricité de façon anormale et anarchique, on a des crises généralisées.
Quelles sont les causes de l’Epilepsie ?
Les causes sont multiples. Mais on peut résumer cela à toute agression du cerveau. Notamment des infections, des tumeurs, des maladies vasculaires comme les attaques cérébrales, les maladies dégénératives, métaboliques et inflammatoires. Les traumatismes physiques aussi ; les gens qui se heurtent la tête avec perte de mémoire peuvent présenter de l’épilepsie.
Est-ce qu’il y a des cas d’épilepsie dès la naissance ?
L’épilepsie touche tous les âges. Les jeunes enfants, les adolescents, les adultes âgées. Quand on fait la courbe de la prévalence de cette maladie, on voit que les extrêmes des âges font plus de l’épilepsie. Ceci se comprend bien, car, pour les plus jeunes, le cerveau est en plein développement donc plus susceptible aux agressions. Et comme nous célébrons aussi au Cameroun actuellement la semaine de la jeunesse, il faut bien insister parce que les jeunes sont concernés par le problème de l’épilepsie. Le troisième âge est aussi concerné par l’épilepsie, parce que à cet âges plus avancé, le cerveau est déjà fragilise par les maladies du cerveau qui le prédisposent donc et faire les erreurs dans la gestion de son électricité, mettant les malades au risque de l’épilepsie.
Quel est le taux de prévalence de la maladie au Cameroun ?
L’épilepsie est partout au Cameroun, a des taux qui varient d’une zone à une autre. On n’a pas encore fait une étude de population nationale pour montrer exactement le taux de prévalence, mais d’après nous études récentes, la prévalence standardisée pour l’âge est estimée à 40 personnes/1,000. Le taux des nouveaux cas (incidence) par an, toujours standardisée pour l’âge est estime a 171 personnes/100,000. Il faut noter que nos études montrent que certaines zones au Cameroun, par exemple dans la vallée des fleuves Mbam et Sanaga par exemple, on a parfois des familles entières qui souffrent d’épilepsie. Donc certains taux de prévalences l’épilepsie au Cameroun, sont les plus élevés au monde, ceci à cause de certaines maladies comme l’onchocercose qu’il y a dans ces zones (parmi d’autres causes que nous étudions actuellement).
Est-ce que l’épilepsie est héréditaire ?
Il y a bien sûr des facteurs héréditaires à certaines formes spécifiques d’épilepsie et il y a certainement une prédisposition génétique à faire de l’épilepsie. Mais ce qui est intéressant, c’est surtout les facteurs environnementaux. Ces derniers, agissant sur le cerveau des individus prédisposés, peuvent alors facilement fait apparaitre l’épilepsie. Les facteurs génétiques sont mal connus et donc peu accessibles aux interventions mais nous pouvons agir sur les facteurs environnementaux qui font que l’épilepsie s’introduise chez un individu ou une population. Dans le Mbam par exemple où on voit plusieurs situations de toute une famille qui souffre d’épilepsie, ce n’est pas la génétique qui l’explique. C’est le fait que cette famille vit à côté des cours d’eau où on a les « moutes-moutes » ou les mouches noires qui transmettent l’onchocercose et c’est ce facteur environnemental qui explique que toute la famille puisse avoir la maladie. Mais il y a des formes génétiques de l’épilepsie qui sont plus rares.
Donc faut-il comprendre que l’épilepsie n’est pas une maladie de la sorcellerie comme le pensent certaines personnes ?
Nous avons étudié ce phénomène un peu partout au Cameroun, les gens pensaient que l’épilepsie est une maladie spirituelle ou mystique qu’on peut ‘‘lancer’’. Mais avec beaucoup d’études et de sensibilisation et éducation des populations au fils des années, cette manière de penser et en train de diminué. Parce que dans les villages, quand on travaille avec les malades, les villageois voient que pour les malades qui sont soignés à l’hôpital, leur diagnostic de type d’épilepsie est fait, le bon médicament est prescrit et quand ils prennent régulièrement ces médicaments en plus d’autres formes de prise en charge, ils sont très soulagés, les crises sont diminuées pour leur permettre de travailler, de vivre normalement et d’avoir une vie scolaire, professionnelle et même de couple, normale. Et certaines forment d’épilepsie peuvent même disparaître chez l’enfant. Tous ces avances dans notre pays ont contribué à réduire les méconnaissances sur la maladie mais nous devons continuer a travailler pour réduire d’avantage, la stigmatisation.
Quels sont les symptômes de l’épilepsie ?
Les symptômes de l’épilepsie dépendent de la zone du cerveau qui est touchée par le phénomène électrique anormale. La plupart des gens connaissent bien la grande crise qui est la crise d’épilepsie tonico-clonique généralisée, où quelqu’un peut faire un cri, perdre connaissance, tombe, il y a des secousses (mouvements toniques et cloniques) des membres, la personne se réveille quelques minutes après, et peut avoir l’air confus, peut même dormir, ensuite se réveiller et revenir en lui-même sans autre intervention. Mais d’autres crises généralisées sont les absences ; où l’enfant, pendant quelques secondes est perdue, après il revient en lui mais il ne tombe pas. S’il est à l’école, pendant qu’il prend les notes, il cesse d’écrire pendant quelques secondes avant de continuer sans s’en rendre compte. D’autres formes peuvent se manifester par des mouvements, de manifestations psychiatriques, d’autres par des sensations anormales, ou bien toutes les fonctions du cerveau en fonctionne de la zone qui décharge de l’électricité de façon anormale, on va voir la manifestation de cette zone du cerveau.
Y a-t-il un moyen de se prémunir contre l’épilepsie ?
La prévention de l’épilepsie c’est de prévenir les agressions du cerveau : Eviter d’être infecté, avoir des femmes qui accouche sans traumatisme et dans les bonnes conditions, protéger sa tête quand on est conducteur d’un taxi ou d’un vélo, bien dormir, avoir une bonne hygiène de vie, éviter de l’alcool et les autres drogues ainsi que tous les autres facteurs de risques pour les attaques cérébrales et autres.
N’existe-t-il pas un vaccin ou un médicament qu’on peut prendre en prévention ?
Non. Puisqu’il y a plusieurs causes de l’épilepsie et que toutes les causes ne sont pas infectieuses, on ne peut pas avoir de vaccin. Mais pour les maladies infectieuses comme la méningite, qui peuvent donner une épilepsie plus tard, certaines ont des vaccins. On n’a pas encore des vaccins pour les maladies parasitaires que constituent le plus grand groupe des causes de l’épilepsie dans notre contexte.
On est en train de célébrer la semaine de lutte contre l’épilepsie. Quelles sont les activités prévues pour la circonstance ?
Nous avons cette année, deux activités phares. BRAIN a un partenariat avec l’Université de Buéa et cette année, le 14 février, c’est à Buéa que nous allons organiser la célébration nationale de la Journée Internationale de l’Epilepsie. On aura un séminaire de formation des étudiants en médecine, des médecins généralistes sur l’EEG et la séméiologie des crises d’épilepsie, et un symposium de renforcement des capacités dans l’après-midi. Ensuite, des consultations neurologiques gratuites à l’hôpital régional de Buéa les 15, 16 et 17 février de 09h à 16h. Et dans la région du Centre, l’hôpital de district de Mbangassina avec notre partenaire AMICHRIST, nous avons organisé toute une semaine d’épilepsie avec la sensibilisation, la formation et les consultations gratuites aussi. Nous invitons tous les jeunes du Centre à venir à l’hôpital de Mbangassina le dimanche 12 et le lundi 13 février pour se faire consulter gratuitement pour détecter l’épilepsie et puis l’équipe médicale va proposer un traitement et un suivi. Et nous sommes bien-sûr avec vous les communicateurs comme Echos Santé, pour sensibiliser les populations que l’épilepsie est une maladie traitable.
A travers l’institut de recherche BRAIN, vous avez mené des études sur la maladie d’épilepsie au Cameroun pendant environ 25 ans. Quels sont les principaux goulots d’étranglement à l’éradication de la maladie ?
BRAIN est une organisation de recherche et de développement internationale basée à Genève en Suisse et le siège continental est basé à Yaoundé. Nous travaillons depuis presque 25 ans sur l’épilepsie (et d’autres maladies du cerveau) au Cameroun. Le problème principal dans la prise en charge et la prévention de l’épilepsie, c’est la stigmatisation. Les personnes qui vivent avec l’épilepsie sont stigmatisées ce qui fait qu’elles ne viennent pas vers les hôpitaux pour se faire traiter. Environ 80% de ces personnes malades ne suivent pas leur traitement jusqu’au bout quand ils sont traités, à cause de la stigmatisation. Le thème de la Journée Internationale de l’Epilepsie cette année concerne justement la réduction de la stigmatisation. L’autre problème c’est l’approvisionnement en médicaments anti épileptiques. Et pour ça, le gouvernement fait un grand effort avec le programme national de lutte contre l’épilepsie, et nous aussi au niveau de BRAIN avec nos partenariats, nous appuyons le gouvernement. Mais nous continuons de faire la recherche pour trouver des nouvelles molécules dans notre pharmacopée traditionnelle, dans le cadre des médicaments traditionnels améliorés.
Quels sont vos principaux espoirs pour le futur ?
En travaillant ensemble, nous aimerons que, surtout avec le thème de cette année, que la maladie d’épilepsie ne soit plus une maladie stigmatisant et que les camerounais et les camerounaises, surtout que la jeunesse qui souffrent d’épilepsie au Cameroun puissent sortir de l’ombre de la stigmatisation, et de pouvoir être au contrôle de leur maladie afin de mener leur vie convenablement, pour apporter leur contribution au développement de notre pays.
Interview menée par Rostand TCHAMI