Evacuation sanitaire au Cameroun : la nécessité de soigner l’image de l’hôpital public

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Malgré l’amélioration des plateaux techniques et la mise en service de plusieurs hôpitaux de référence au Cameroun,  la fréquentation de l’hôpital public peine à  s’améliorer et une franche de la population préfère une évacuation sanitaire au détriment des hôpitaux camerounais.  

Face à cette situation, communiquer n’est plus une option. Promouvoir l’image de l’hôpital, est devenu un impératif. Mais alors, comment faire pour valoriser des soins, des services vers l’externe et ainsi faire venir des patients à l’hôpital, sans pour autant tomber dans la publicité ?

Découvrez-les trois axes essentiels pour redorer l’image de  l’hôpital.

Par Joseph Mbeng Boum, Journaliste spécialiste des questions de santé     

Au cours de ces dernières années, plusieurs hôpitaux de référence ont ouvert leurs portes au Cameroun. Malgré l’amélioration des plateaux techniques, de nombreux camerounais ne sont pas informés de ses prouesses. Entre 2015 et 2022,  le gouvernement a ouvert l’hôpital Gynéco-Obstétrique et pédiatrique de Douala (Hgoped), le Centre des Urgences de Yaoundé, l’hôpital de Référence de Sangmélima, le Centre Hospitalier régional d’Ebolowa, le Centre hospitalier régional de Bafoussam et la dotation de plusieurs formations hospitalières en scanners pour ne citer que ceux-ci. Malgré cette amélioration du plateau technique, les demandes d’évacuations sanitaires ne désempilent pas.  Ils sont de plus en plus nombreux à vouloir sortir du pays pour bénéficier des soins de santé de qualité. Dans ce contexte, la promotion de l’image de l’hôpital se présente comme l’ultime solution.

La communication en milieu hospitalier

La communication de l’hôpital est, en quelque sorte, son marketing, et repose d’ailleurs sur trois axes essentiels du marketing :

1 – la construction de la marque de l’hôpital, qui passe par la signalétique et le design d’intérieur mis en place, la construction du logo, des supports de communication avec une charte éditoriale et graphique appropriée, des supports de communication etc.

2 –  La conservation du personnel, qui passe le développement de l’engagement des équipes envers l’hôpital (et sa stratégie). Pour y parvenir, il s’agit de valoriser la connaissance et la reconnaissance des initiatives individuelles et collectives. L’objectif est donc de créer de la cohésion en créant des évènements et en  produisant des journaux internes.

3 – L’attraction du client/patient vers un hôpital plutôt qu’un autre hôpital va reposer sur de la communication externe. La communication externe de l’hôpital permet de créer, développer et entretenir l’image de l’hôpital afin de positionner l’hôpital dans son paysage socio-économique. Sur les supports de communication tels que brochures, site internet, réseaux sociaux, plaquettes de présentation, l’hôpital se positionne pour faire connaître ou reconnaître l’expertise de l’hôpital, son savoir-faire, ses points forts, ses atouts. Cela permet de sensibiliser le public, le fédérer autour de la marque que représente l’hôpital.

Mais les Centres Hospitaliers publics font face à des contraintes qu’ils doivent respecter. En effet, les communicants hospitaliers doivent respecter le cadre légal et la déontologie liés au contexte médical. Comme le disent les textes, ils doivent « informer et non faire de la publicité ». 

Mais alors, comment faire pour valoriser des soins, des services vers l’externe et ainsi faire venir des patients à l’hôpital, sans pour autant tomber dans la publicité ?

La communication et la publicité ont une frontière très ténue. Si la première est autorisée, la seconde est interdite dans le milieu hospitalier. Le dilemme auquel font face les hôpitaux est donc de communiquer sur leur image et leurs activités sans pour autant faire de la publicité.

Tout l’enjeu se porte donc sur le type de discours utilisé. Le message diffusé se doit d’être indicatif et factuel. Prenons un exemple.  « Notre maternité vient d’acquérir un lit chirurgical gynécologique afin de se tenir à la pointe de la technologie  » est un message qui repose sur un fait réel soit l’acquisition de la machine. Il est plus correct à utiliser, plutôt que : « notre maternité dispose désormais d’un lit chirurgical unique dans la région qui vous assurera la meilleure des prises en charge médicale », qui repose sur une comparaison, signifiant clairement que les hôpitaux alentours sont moins performants en la matière…

Pour communiquer et ne pas tomber dans l’aspect promotionnel, il s’agirait alors de rendre le discours beaucoup plus humain et factuel.

A l’inverse, dans la société outre Atlantique, la notion de publicité est couramment utilisée et ne dérange pas les structures de soin d’y avoir recours. Les campagnes de communication à visée promotionnelle sont fortement utilisées dans le sens où elles sur-vendent leurs hôpitaux à plusieurs niveaux : leur statut (meilleur hôpital), leur personnel (meilleurs pédiatres) et leurs services : qualité des soins, et services annexes (ordinateur, réseau wifi, téléphonie) disponibles dans les chambres.

Et du marketing hospitalier

Malgré un scepticisme souvent affiché, on s’aperçoit qu’un grand nombre de structures, tout comme M. Jourdain, font du marketing sans le savoir. Or, « ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, disait Boileau, et les mots pour le dire arrivent aisément ». Il semble donc impératif de conceptualiser au plus vite ce que pourrait être le marketing hospitalier et, comme le soulignent Laurent Tardif et Michel Louazel, « une prise de conscience et une mise en cohérence au sein de l’organisation de cette approche permettraient vraisemblablement de gagner en efficacité dans la phase de mise en œuvre ».

Le sujet est de taille, les implications managériales conséquentes, nous n’en abordons qu’une toute petite partie. Même si être bien soigné reste un fondamental de la satisfaction du patient, cela ne suffit plus : le patient-client souhaite être bien accueilli, bien reçu, être consulté, informé, suivi, guidé, avoir un accès facilité aux services…, autant de facteurs qui deviennent des éléments incontournables dans la formation de sa satisfaction.

Au Cameroun, le champ du marketing hospitalier reste encore relativement inexploré, les pratiques assez confidentielles. Souvent, quand ils le sont, les moyens et pratiques utilisés par les différents acteurs du domaine restent ancrés dans une approche traditionnelle du marketing-management des produits, des services, des campagnes médias alors que d’autres outils plus actuels ou d’autres perspectives existent ; par exemple la perspective relationnelle ou celle, très féconde, de la création de valeur qui se développent hors du champ sanitaire. Les pays du nord de l’Europe, l’Amérique du Nord ou l’Australie sont comparativement plus avancés ; il existe par exemple dans la plupart des établissements de santé sanitaires et médico-sociaux de ces pays des directeurs ou responsables marketing.

Le pourquoi et le comment du marketing à l’hôpital

Pour Dominique Crié, le marketing à l’hôpital répond à une évolution sociale et sociétale inéluctable et irréversible, et il constate que le marketing digital a déjà « forcé » la porte de l’hôpital… Le patient mute, s’émancipe et devient hyper-informé, empowered ou en capacitance, c’est-à-dire de plus en plus autonome, en recherche d’écoute et d’attention. Du côté institution, le marketing souffre d’un triple problème de perception, d’application et de définition.

De nombreux éléments opérationnels utilisés à l’hôpital sont proches de la communication, or le marketing hospitalier lui est souvent assimilé ou confondu, ce qui en dénature sa pratique. L’objectif de cet article est d’envisager un marketing compatible avec les valeurs fondamentales inhérentes au secteur de la santé et répondant aux contraintes réglementaires de l’hôpital. Dans cette optique, deux grands champs théoriques peuvent éclairer une conceptualisation de ce que serait le marketing hospitalier : l’orientation marché et le Service Dominant-Logic. L’orientation marché est avant tout une source de performance de l’organisation. C’est également un indicateur de l’ouverture de l’organisation sur son environnement.

Le second concept constate la primauté du service dans la relation au client, ainsi que l’importance de son rôle dans la (co)création de valeur. Le cadre théorique fait ensuite référence à la doctrine marketing et à un certain nombre de ses paradigmes que l’on peut aborder de différentes manières mais sans exclusive : marketing stratégique, marketing des services, marketing relationnel, marketing interne ou paradigme du comportement du consommateur… Autant de lieux à investir à l’aune du contexte particulier qu’est le service de soin. Le plus difficile restera sans doute de faire évoluer les mentalités des différents acteurs…

Sources : 

  1. Dominique CRIE, Daphné SALERNO et Amandine VINCENT, « Vers un marketing hospitalier, attitudes, pratiques et représentations des managers français », revue ? 2004 numéro ? pages ?

  2. Pierre LASCOUMES, « L’usager dans le système de santé : réformateur social ou fiction utile ? », Politiques et management public, vol. 25, 2007, n° 2, pp. 129-144 

  3. Dominique CRIE, « Pourquoi et comment le marketing à l’hôpital ? », Gestions Hospitalières, 2015, n°547, pp. 361-364 
  4. TRIBAULT Géraldine, 23 janvier 2008, « Le marketing en établissements de santé – L’hôpital, une entreprise comme les autres », Hospimedia
  5. ROBILLARD Laetitia, Juillet/Août 2007, « Marketing hospitalier : Un oxymore qui prend sens », Revue hospitalière de France

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