Tel est le bilan de la période de souscription au chèque santé de juin 2015 au 31 Août 2021, selon le chef d’antenne régionale de gestion du chèque santé pour l’Extrême-Nord.
Si on remonte le temps, la région de l’Extreme-Nord enregistre depuis plusieurs années le taux le plus faible de consultation prénatales et d’accouchement dans les formations sanitaires au Cameroun. Si certains évoquent des pesanteurs socioculturelles pour expliquer la situation. Le nœud du problème demeure l’extrême pauvreté de la population. Ce qui va justifier la présence du chèque santé à l’Extrême-Nord depuis 2015, année de sa mise en œuvre dans cette partie du Cameroun. Actuellement à l’Extrême-Nord, le chèque santé couvre 10 districts de santé sur 31 dans l’Extrême-Nord avec 80 formations sanitaires déjà enrôlés. Ce sont les districts de santé de Maroua 1, Maroua 2, Maroua 3, Bogo, Moutourwa, Tokombere, Yagoua, Mokolo, Kar-Hay et Meri. Tous ces districts ont une population d’environ 1340057 soit 27% de la population de la région. << Jusqu’en fin 2019, on était à 44 formations sanitaires accrédités. Nous avons enrôlé par la suite 23 FOSA en 2020 et 13 en 2021. Cela fait un total de 80 formations sanitaires (FOSA) qui mettent en œuvre le mécanisme du chèque santé dans la région de l’Extrême-Nord. >> souligne Dr Dama Mana, chef d’antenne régionale de gestion du chèque santé pour l’Extrême-Nord.
À l’Extrême-Nord, le niveau de perception du chèque santé change petit à petit avec la prise de conscience. En effet, la population apprécie le chèque santé. Ainsi, 90% des femmes interrogées et qui ont utilisés le chèque santé sont satisfaites. La population des districts de santé non enrôlés sollicitent la mise en œuvre du chèque santé dans leur zone. << Nous voulons le chèque santé à Mindif. Ma copine vivant à Moutourwa bénéficie chaque fois des services de ce chèque malgré qu’elle est pauvre à chaque grossesse. Son mari l’achète à chaque fois le chèque santé à 6000F. Il faut qu’on pense aussi à nous les femmes ici à Mindif. Beaucoup de femmes accouchent à domicile à cause du manque des moyens. >> témoigne Kyossi Élisabeth, résidante à Mindif.
Concernant la mise en œuvre du cheque santé à l’Extrême-Nord, les chiffres en parlent. De juin 2015 au 31 Août 2021, la région enregistre 113.931 femmes ayant souscrit au chèque santé. Soit 95380 l’ont utilisé au moins une fois pour la consultation prénatale, 75191 l’ont utilisé pour une échographie obstétricale, 86555 ont effectué leur accouchement avec le chèque santé et enfin 2925 ont bénéficié d’une césarienne avec leur chèque santé. Pour booster l’adhésion de la population au chèque santé plusieurs stratégies sont mises en exergue et continuent à être développé. << Les responsables des FOSA s’engagent dans la promotion du chèque santé. Les responsables de chefs de districts doivent continuer à superviser les activités du chèque santé dans leur zone de compétence. L’implication des associations à base communautaire, les médias locaux, les autorités traditionnelles, religieuses, municipales, administratives et politiques dans la mobilisation sociale en faveur du chèque santé. >> explique Dr Dama Mana.
Nikodemus Hinsia
Interview
« Nous constatons le faible engagement et l’implication du personnel des FOSA et des chefs de districts»
Dr DAMA Mana, chef d’antenne régionale de gestion du chèque santé pour l’Extrême-Nord
La crise sanitaire du Covid-19 à t’elle impacter les activités du chèque santé à l’Extrême-Nord ?
Par rapport à l’impact de la crise sanitaire du Covid-19 sur les activités du chèque santé à l’Extrême-Nord, la réponse est oui ou non. En effet, en 2020, 29130 femmes ont acheté le chèque santé contre 18084 en 2019. Et déjà à la fin d’août 2021, nous sommes à 22078 femmes enrôlés au chèque santé. Au rythme observé ces derniers mois, nous serons à plus de 33000-34000 chèque vendus pour l’année 2021. Concernant l’utilisation du chèque santé, 26.230 femmes ont fait au moins une fois leur consultation prénatale avec le chèque santé en 2020 contre 17179 en 2019. Le taux d’adhésion à connu une légère baisse entre 2019 et 2020 pour remonter en 2021(8 premiers mois). Par rapport aux prestations avec chèque santé, 88% CPN1 ont été effectuées avec chèque santé en 2019 contre 83% en 2020 et 79% en 2021. Concernant les accouchements, 82% ont été effectués avec chèque santé en 2019 contre 79% en 2020 et 82% en 2021. Concernant les césariennes, on n’a connu plutôt une évolution positive passant de 74% avec chèque santé en 2019 à 76%. Mais il convient de noter que certaines petites baisses observées s’expliquent beaucoup plus par l’enrôlement des nouvelles FOSA d’année en année. Car la performance des anciennes FOSA ne peut pas être comparée à celle de nouvelles formations sanitaires accréditées.
Y a-t-il des difficultés rencontrées dans la mise en œuvre du chèque santé?
Nous avions plusieurs difficultés. D’abord l’insuffisance en personnel soignant tant en quantité qu’en qualité qui ne nous à pas permis d’accréditer toutes les formations sanitaires dans les districts de santé où le chèque santé est mis en œuvre. Dans les districts enrôlés, nous constatons le faible engagement et l’implication des personnels de santé. Pire, on note la faible implication des responsables de district de santé dans la supervision et la mise en œuvre du chèque santé. Par rapport aux femmes qui adhèrent au chèque santé au niveau des FOSA, nous déplorons le fait qu’elles achètent tardivement leur chèque santé au niveau des FOSA. Il faut noter également, la négligence des détentrices du chèque santé par certains personnels soignants. Il est vrai que les plaintes des bénéficiaires sont de plus en plus rares. Au niveau de l’antenne de gestion du chèque santé, nous avons une insuffisance en personnel pour pouvoir traiter dans un délai court les factures en provenance des FOSA car avec l’augmentation du nombre des FOSA accréditées, le nombre des factures des prestations des FOSA à augmenté. Par ailleurs, nous déplorons une insuffisance en moyen logistique (un seul véhicule) pour le déploiement des équipes sur le terrain. La descente est afin d’apporter l’appui-conseil aux FOSA, les appuyer dans la mobilisation sociale et vérifier l’effectivité et la traçabilité des prestations. Comme difficulté également, nous avions depuis 2020 les retards dans le déblocage des fonds (fonds d’appui budgétaire sectoriel) pour le remboursement des prestations délivrées aux femmes par les FOSA accréditées et même pour le fonctionnement de l’antenne.
Un mot de fin
Le chèque santé est une <<manne>> offerte gracieusement aux femmes des trois régions septentrionales par le gouvernement afin de réduire la barrière d’accès aux soins obstétricaux et néonataux. Le but final visé est de réduire la mortalité maternelle et néonatale. Avec 6000 F, la femme à droit à 4 consultations prénatales, à une échographie pendant la grossesse, un accouchement simple ou compliqué y compris la césarienne, à la prise en charge des maladies liées à la grossesse ou pouvant compliquer son évolution, la prise en charge de certaines maladies du nouveau né et tout ceci jusqu’à 42 jours après l’accouchement. Par ailleurs en cas d’urgence le chèque santé assure le transport de la patiente du village vers le centre de santé ou du centre vers l’hôpital de district ou régional.
Propos recueillis par Nikodemus Hinsia