Situé dans le quartier « marché central » de la ville de Garoua-Boulaï et appartenant au district de santé éponyme, cette formation de sanitaire qui se trouve dans l’aire de santé de Garoua-Boulaï Sud acquiert son titre d’hôpital de district en 2011.
Comme particularités, cette FOSA c’est qu’elle est en mi-chemin entre le chef-lieu de la région de l’Est (Bertoua) et le chef-lieu de la région de l’Adamaoua (Ngaoundéré) ; située dans une ville frontalière avec la République Centrafricaine, elle est considérée comme une formation sanitaire de référence car elle reçoit des cas qui viennent de part et d’autre (le pays voisin, et villes environnantes). Considéré comme un hôpital de district complet, cet hôpital de 14 bâtiments compte les services suivants : Accueil, Urgences, Médecine, Chirurgie, Pédiatrie, CNTI (pour la prise en charge des malnutris et des complications médicales), Maternité, Imagerie (qui a récemment acquis une radio), santé mentale, Santé de Reproduction des adolescents, Vaccination, Prise en charge des prématurés et enfants nés avec petits poids (avec comme particularité la méthode kangourou), Unité de prise en charge des cas Covid, Morgue islamique à tout ceci on rajoute le service intégré d’état civil.
Avec un taux d’occupation moyen de 75%, la capacité d’accueil est de 102 lits, avec une capité active de 62 lits avec 40 pour l’unité COVID (après Bertoua c’est le centre qui a le plus pris en charge les cas de COVID dans la région de l’Est). Cet hôpital compte 57 personnels repartis tel que suit : 04 généralistes (le Directeur y compris), des infirmiers spécialisés et santé mentale et en santé de reproduction, 04 IDE, 12 Aides-soignants, 05 laborantins, à cela s’ajoute 13 personnels recrutés par PBF et 05 personnels du partenaire AHA.
La hiérarchie a une affection particulière pour cette formation sanitaire, d’où la décision de construire un hôpital de district digne de ce nom sur un nouveau site au quartier « tyomo » avec plus de bâtiments ainsi que les maisons d’abstreintes pour les médecins et des infirmiers. Bâti sur une surface de 2 ha, le taux d’avancement des travaux est de 60%.
Murielle ESSON EBANGUE
Interview
Dr Serge Dimitri MBIDA, directeur de l’hôpital de district de Garoua-Boulaï
« À notre arrivée, l’hôpital de district de Garoua-Boulaï était essentiellement considéré comme l’hôpital des Réfugiés »
Quand avez-vous été porté à la tête de cette formation sanitaire, et quel était l’état des lieux et qu’avez-vous entrepris ?
Je tiens d’abord à vous remercier pour l’attention que vous portez à l’Hôpital de District de Garoua-Boulaï.
Nous avons été porté à la tête de cette formation sanitaire depuis Octobre 2016, sortant de l’hôpital de District d’Abong-Mbang qui était notre premier poste d’affectation comme fonctionnaire. À notre arrivée, l’hôpital de district de Garoua-Boulaï était essentiellement considéré comme l’hôpital des Réfugiés ; au lendemain de la crise centrafricaine, la ville regorgeait des réfugiés et c’est dans cet hôpital que ces derniers se faisaient suivre. Après la crise, nous avons constaté que le taux de fréquentation avait baissé et nous avons immédiatement trouver des voies et moyens pour y palier en ramenant la population autochtone vers l’hôpital de District. Au départ, dans les 18000 consultations que nous avions par an, juste 3000 étaient des locaux. Aujourd’hui, nous pouvons dire que nous avons inversé la courbe nous accueillons désormais 80% des nationaux contre 20% des réfugiés : la population adhère désormais à la prise en charge de l’hôpital de District.
À notre arrivée également tous les services que vous connaissez aujourd’hui n’existaient pas : les urgences étaient situées sous une attente avec l’appui des partenaires, nous avons pu aménager une salle pour les urgences qui prend désormais en charge toutes les pathologies d’urgence. Initialement, nous n’avions qu’un seul bâtiment, notre prédécesseur avec l’aide des différents partenaires avait pu monter un autre bâtiment dans lequel nous avons logé la Maternité avec bloc opératoire, le laboratoire, service kangourou et SRA. Nous avons trouvé les services de Chirurgie et Médecine combinés, nous les avons disloqués. Au niveau du laboratoire il n’était pas possible de faire tous les examens, nous avons renforcé le plateau technique de laboratoire et désormais les patients peuvent faire tous les examens sur place. Nous avons également renforcé la politique de la banque de sang en organisant des campagnes de dons de sang. Nous avons instauré un service d’imagerie médicale avec l’échographie, l’électrocardiogramme et nous avons renforcé le plateau technique de la radio. Initialement l’hôpital ne disposait que d’un cubiténaire de 1000l, nous avons renforcé la capacité en eau de 3000l, par la suite les partenaires sont venus en renfort et nous nous sommes assuré que tous les services soient approvisionnés en eau.
En matière d’emménagement, nous avons donné un autre aspect à l’hôpital en intégrant les espaces verts, en créant les allées, en mettant les plaques de signalisation pour faciliter l’orientation des usagers, nous avons instauré un comité d’hygiène au sein de la formation sanitaire. En ce qui concerne les relations humaines nous avons mis en place une association des personnels de l’hôpital de District de Garoua-Boulaï pour coordonner toutes les activités du personnel pour permettre à chacun d’avoir la même vision et de parler d’une même voix. Nous avons mis en place un secrétariat et instauré un service d’archivage pour mieux gérer nos dossiers et pour plus d’efficacité et nous y avons affecté des coordonnateurs. Voilà en quelques mots le résumé de quelques-unes de nos actions.
Quelles sont les stratégies que vous avez déployées pour ramener les nationaux vers votre FOSA ?
Les stratégies ont été mises en place à plusieurs niveaux : tout d’abord, nous avons fait des descentes communautaires tous les dimanches pendant lesquelles nous faisions des consultations tout en les sensibilisant sur le fait de revenir vers l’hôpital. L’autre stratégie c’était l’organisation des campagnes d’opération des hernies au cours desquels nous avons ramené des cardiologues, ophtalmologues et nous avons eu recours à des organisations pour l’opération des becs de lièvre. Le troisième aspect c’est l’utilisation de la radio communautaire, des autorités administratives et religieuses pour le relais de notre plaidoyer.
Quelles sont les pathologies les plus courantes dans votre formation sanitaire ?
Nous avons le paludisme qui est toujours en tête, nous avons les infections respiratoires, les accidents de la voie publique, les maladies cardiovasculaires (notamment des pneumonies beaucoup plus récurrentes au sein de la population réfugiée), les maladies de la peau, les gastro-entérites (faute de Camwater, la potabilité de l’eau est un réel problème dans la ville). Nous tenons à noter que cette classification varie en fonction des années.
Quelles sont les difficultés rencontrées au quotidien ?
Au départ nous avions beaucoup de difficultés en ce qui concerne la référence des malades dans les villes de Yaoundé ou Bertoua ; et nous passons par le biais de votre journal pour remercier la hiérarchie notamment Monsieur le ministre de la santé Dr. Manaouda Malachie qui a répondu en nous envoyant pas une mais deux ambulances. Pour revenir aux problèmes proprement dit, nous rencontrons encore d’énormes difficultés au niveau de la banque de sang, la population est réticente à toutes nos campagnes de dons de sang néanmoins, nous continuons la sensibilisation pour une adhésion massive. L’autre difficulté majeure se situe au niveau des ressources humaines, notre personnel est insuffisant ; nous n’avons par exemple pas assez de sage-femmes pourtant nous avons en moyenne 75-80 accouchements par mois ; nous plaidons pour un personnel de qualité et en quantité.
Comment qualifierez-vous les rapports que vous entretenez avec votre hiérarchie ?
Nous entretenons de très bons rapports avec notre hiérarchie. Le Délégué Régional de la santé publique a séjourné ici il y’a quelques semaines pour toucher du doigt les différentes réalités en ce qui concerne la promotion de la santé, la prévention de la maladie et la prise en charge ; à la fin de sa tournée il était très satisfait et il nous a d’ailleurs remis une lettre de félicitations ; vous comprenez donc que nous répondons aux attentes de notre hiérarchie.
En ce qui concerne la Mairie, nous entretenons de très bonne relation avec le Président du comité de gestion, le Maire, il participe à toutes les réunions et fait de très bonnes propositions. En pleine pandémie nous avons reçu un très grand appui pour le lavage des mains et assurer le suivi pour l’observation des gestes barrières. Avec l’autorité administrative également nous entretenons de très bonne relation, d’ailleurs tous reçoivent leurs soins à l’hôpital de District.
Avez-vous des doléances à adresser à votre hiérarchie ?
Pour le moment, avec la construction de l’hôpital qui est en cours, nous ne voulons pas submerger notre hiérarchie. Nous espérons juste qu’à terme, nous aurons l’affectation du personnel en quantité et en qualité.
Un mot de fin ?
Nous voulons louer le dynamisme du personnel de l’hôpital, la volonté de bien faire n’est plus à prouver et je tien vraiment à féliciter cela ; en tant que Manager, nous ne sommes pas seul, et nous n’y serons pas arrivé sans leur aide. Nous travaillons tous ensemble sans équivoque.
Pour finir, nous tenons à remercier le Quotidien Echos Santé pour l’attention portée sur l’hôpital de District de Garoua-Boulaï et nous vous souhaitons beaucoup de succès dans vos entreprises. Votre activité est louable car vous donnez la voix au personnel de santé.
Propos recueillis par M.E.E