C’était au cours d’une descente musclée de la délégation régionale de la santé publique du Nord avec le concours des éléments des forces de l’ordre. Cette opération vise, selon le Délégué régional de la Santé publique du Nord, Dr. Yaou Alhadji Zakari, à préserver la santé des populations.
Zéro médicament de la rue, zéro médicament vendu en dehors des pharmacies et des formations sanitaires dans la région du Nord. Ainsi se décline l’objectif de l’opération coup de poing, menée le vendredi 27 janvier 2023, par la délégation régionale de la santé publique. Trois grands marchés considérés comme fief de cette activité ont été ciblés à la suite des renseignements dont disposent les services compétents du ministère de la Santé publique. Il s’agit du marché central de Garoua, marché de Yelwa et enfin le marché de Pitoa, un arrondissement situé à une dizaine de kilomètres de Garoua. « Nous avons reçu un certain nombre d’informations sur le terrain, qu’il y a dans ces marchés d’importantes quantités de médicaments illicites. Nous savons aussi que ce ne sont pas les seuls endroits, il y en a d’autres qui ne sont pas dans ces marchés ciblés. Ils doivent donc savoir que nous sommes là et prêts à les stopper dans cette activité de la vente de médicaments illicites », explique Dr. Yaou Alhadji Zakari, le Délégué régional de la Santé publique du Nord.
Cette opération de grande envergure s’est déroulée simultanément dans les trois marchés identifiés par la délégation régionale de la santé publique du Nord. Elle intervient à la suite de nombreux plaidoyers et campagnes de sensibilisation à l’endroit des vendeurs de médicaments dans la rue. Une guerre sans merci que le gouvernement à travers le ministère de la Santé publique et les pharmaciens mènent depuis des années contre la vente illicite de médicaments. Au marché central de Garoua par exemple, l’opération fait de mécontents. Difficile pour ces vendeurs de voir leurs stocks saisis. Pour certains, c’est d’énormes investissements estimés en termes de millions de FCFA qui partent en fumée. De part et d’autre des voix se lèvent. Mais rien ne stoppe l’engagement des professionnels de la santé et des forces de l’ordre à mettre le doigt là où ça fait mal, afin de préserver la santé des populations de la région du Nord. Ici, tous les magasins susceptibles de servir de cachettes à ces vendeurs clandestins sont passés au peigne fin. Marteau, planche et arrache clou à la main, ils fouillent, bêchent et retournent tous au sol afin de distinguer les simples marchandises des médicaments illicites. « C’est vraiment dommage de voir certaines personnes s’enrichir en détruisant la santé des autres. Ces produits généralement sont contrefaits, des dates de péremptions truquées, la composition truquée et très nocifs à la santé », réagit Dr. Yaou Alhadji Zakari, tout désolé.
Marché informel
Des chiffres révèlent que le marché informel du médicament, représente 25% des médicaments consommés au Cameroun. Ces produits qui sont pour la plupart conservés dans des conditions défavorables perdent toute teneur active. La grande partie de la population vivant sous le seuil de pauvreté, considère ces produits comme don du ciel. Les prix pratiqués, régulièrement bas sont à leurs bourses. Sauf que « c’est du poison. Lorsque vous faites un tour au centre régional d’hémodialyse de Garoua, vous allez vous rendre compte que 9 malades sur 10 sont ceux qui ont consommés les médicaments de la rue », ajoute le délégué régional. Au banc des accusés, le pays voisin. La région du Nord partageant une large frontière avec le Nigéria, des produits pour la plupart de qualité douteuse, y entrent avec des vendeurs trompant la vigilance des éléments des postes des douanes. Une fois sur place, ils sont dispatchés et se retrouvent dans la rue, entre les mains des personnes ne disposant d’aucune capacité ou connaissance de conservation de ces médicaments. L’on se souvient qu’en 2012 lors de l’assemblée générale du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens du Cameroun (CNOPC), les professionnels du secteur des médicaments de concert avec le gouvernement se sont lancés dans cette guerre sans merci contre la vente illicite des médicaments.
Point d’orgue, la mise sur pied d’une structure de lutte contre ce fléau afin de pérenniser cette action. Ces doléances avaient aussi été adressées aux pays frontaliers dont certains ont été représentés à ces travaux. Récemment encore plus précisément en octobre 2022, le ministre de la Santé publique, Dr. Manaouda Malachie a autorisé le Groupement mobile d’intervention (GMI), à rechercher et à saisir les médicaments vendus dans la rue à travers la ville de Yaoundé et à envoyer devant les juridictions compétentes, les auteurs et détenteurs desdits produits. Mais jusqu’ici, force est de constater que le mal perdure. Chaque jour, d’importantes cargaisons de médicaments quittent le Nigéria voisin et prennent la direction de Garoua, dans la région du Nord. Selon certaines sources, le laxisme des pouvoirs publics a fait en sorte que « ces vendeurs clandestins se sont implantés jusque dans les profondeurs du secteur et parviennent même à approvisionner certains centres hospitaliers en médicaments ».
A qui profite le crime ?
Bien que pour l’instant la quantité des stocks saisis n’ait pas été dévoilée par la délégation régionale de la santé publique du Nord, il faut tout de même souligner au regard de la forte mobilisation des équipes sur le terrain et des images prises sur place, d’une importante cargaison de médicaments de la rue trouvée dans ces trois marchés du département de la Bénoué. Pour la suite, le Dr. Sama, Inspecteur chargé des pharmaciens venu du MINSANTE pour superviser l’opération, mentionne que « ces produits saisis seront purement et simplement détruits par le Comité régional chargé de la lutte contre la vente illicite des médicaments dans le Nord ». Les médicaments vendus clandestinement à Garoua n’ont pas livré tout leur secret. Ça soigne ; ça tue mais ça fait beaucoup d’argent. Le business des médicaments de la rue a de beaux jours devant lui. Grossistes véreux ; pharmaciens sans scrupule ou consommateurs inconscients, à qui profite le crime ?
Ursule KEIMBA