Une opération d’intervention chirurgicale des malformations du visage, dirigée par l’association du Noma en collaboration avec le ministère de la Défense, l’Ordre National des Médecins du Cameroun et la fondation Foe, se tient depuis lundi 14 mars 2022 à la garnison de Douala.
Opérer une quatre vingtaine de personnes touchées par les maladies maxillo-faciaux (brûlures, fentes, angiomes), pour les pathologies pédiatrique et les séquelles de tumeurs pour les adultes est l’objectif visé par l’équipe venue de la France pour prêter main forte aux nécessiteux. Nous sommes vendredi 18 mars 2022, au sein de l’hôpital militaire de région N° 2 de Douala. Il est presque midi et l’extrême gauche de cette formation sanitaire est saturée par des personnes toutes atteintes des malformations faciales. Tous assis sous deux tentes de couleurs vertes, aménagées pour l’occasion et même hors pour ceux qui sont arrivés en retard, ces patients attendent tour à tour d’être consultés. La mission dénommée EDN Cameroun et dirigée par la Secrétaire Générale de l’association les Enfants du Noma, par ailleurs infirmière anesthésiste et logisticienne, Mary Christine Cler, a prévu d’opérer 80 personnes. À une semaine d’intervention, le bilan fait état d’au moins 50 opérations déjà réalisées, avec une vingtaine d’enfants et plus de 200 patients consultés. L’objectif est de redonner une chance et un sourire à toutes les personnes atteintes des pathologies faciales, le plus souvent démunies et victimes de rejet dans la société. Pour la prise en charge de ces derniers la mission est composée d’une équipe de sept personnes parmi lesquelles : deux chirurgiens, deux anesthésistes, deux infirmières et une infirmière anesthésiste. « Pendant la mission, nous venons avec tout notre matériel, tous ce dont nous avons besoin à savoir des médicaments, des consommables pour le bloc opératoire: gants, champs opératoires et tubulures, de matériel chirurgical et d‘appareillages anesthésiques et chirurgicaux qui sont laissés sur place et stockés. Nous opérons gratuitement », explique Mary Christine Cler.
Outre la gratuité des soins, l’hébergement et la nutrition des patients sont également assurés. « Nous essayons également de prendre en charge les patients. Il y a des enfants qui viennent de très très loin. Ils sont à deux ou trois jours de bus et j’essaie de les faire prendre en charge leur trajet puisque la plupart ne peuvent pas payer leur transport, ils n’ont pas d’argent. On les nourrit également. En plus du patient, il y a un accompagnant et les deux sont pris en charge », poursuit elle. L’hôpital militaire de région N° 2 de Douala, a mis à disposition une salle d’observation pour les patients après leurs sorties du bloc opératoire et tous les autres équipements qui manquent à la mission. Par ailleurs, à la fin de la mission prévue le 28 mars 2022, les petites chirurgies seront prises en charge par l’hôpital militaire, qui enverra des comptes rendu à la responsable de la mission. « Il y a des chirurgies très simples. Même pour les enfants qu’on a opéré lundi et sont rentrés chez eux. S’il y a des soucis l’hôpital va s’en charger et nous enverra des rapports via WhatsApp ou par mail », ajoute-t-elle. Une équipe est mise en place chaque jour pour rassurer les patients. Mais vendredi, c’est le président de l’Ordre National des Médecins du Cameroun qui est passé saluer et réconforter les malades. « vous serez tous pris en charge. Et la seule chose qui me plaît c’est votre sourire. Il faut continuer de sourire, si quelqu’un vous demande l’argent, vous ne donnez pas et répondez lui que le docteur a dit de sourire », a dit le Dr Guy SANDJON aux patients.
En effet, le nombre de personnes qu’à prévue opérer la mission EDN Cameroun a largement dépassé son quota. Toutes les personnes ne seront pas prises en charge à l’exemption des enfants, car la demande est grande et il y a un manque de matériel adéquat pour la prise de certains cas. « Les gens qui ont eu l’information rêvent tous les jours que leurs défauts ont disparus mais tous les jours, ils se réveillent avec. Le jour où on annonce une campagne pareille, c’est leur rêve qui devient réalité. Ceux qui se sont fait opérés passent l’information. Depuis lundi, les gens viennent pour le miracle de leur vie et ce qui donne la chaire de poule c’est qu’ils ont l’espoir que ça va bien se passer. Mais nous on sait que c’est juste un soulagement pour quelques-uns et il y en a pour qui on ne peut même rien », renseigne Joseph Antoine Bell, responsable de la fondation Foe. Parmi toutes personnes consultées, il y a des cas qui ne pourront pas être pris en charge du fait de leur complexité. Il y a également des cas qui ont été pris avant de s’apercevoir qu’il n’y avait pas d’appareil adapté. « On a déçu des patients. On ne pouvait pas les opérer, parce qu’ils avaient soit des grosses tumeurs, soit ça allait beaucoup saigner, des gens qui étaient très déformés. Donc il y a plusieurs qui sont répartis très tristes », affirme Mary Christine Cler.
Cas concrets
Aubin Mérimée Tchoumtchoua s’est fait opéré de ses brûlures. Après écoute de l’annonce du lancement de la campagne à la radio, il s’est rendu sur les lieux puis a été pris en charge sans débourser le moindre sous. Pour cet étudiant de 25 ans en cycle BTS à l’Institut Universitaire Fotso Victor, en dehors de son prochain rendez-vous, il se sent soulagé. « Pour le moment je vais bien. Je suis très heureux parceque je ne sais pas combien m’aurait coûté une telle intervention. Dieu merci, ils nous donnent une opportunité de pouvoir revoir nos visages. Pour moi l’opération s’est bien déroulée vu que je ne ressens aucun mal », dit-il. Cet étudiant de deuxième année, compte affronter son jury le 25 mars 2022 dans le cadre de sa soutenance au BTS en génie civil, option Bâtiment, comme neuf. Tout en remerciant l’initiative et les personnes porteuses du projet, il demande à ses semblables de se rapprocher même s’ils ne sont pas pris en charge de suite, ils le seront à la prochaine mission prévue dans six mois.
La maman de la petite Danielle Lami a quant à elle, vue l’affiche du lancement de cette campagne dans les foras Whatsapp, puis a appelé le numéro inscrit sur cette dernière. L’opération s’est passée sans soucis même si le visage de cet enfant de six ans nécessite beaucoup d’autres opérations. « Ils ont fait une opération et on rend grâce à Dieu pour ça. Il en reste encore plusieurs mais pour le moment moi je suis contente », affirme-t-elle. Cette petite tombée au feu le 31 janvier 2021, a arrêté l’école depuis lors et était clouée à la maison. Selon sa maman, avant son accident, elle allait normalement à l’école, mais depuis les moqueries du quartier et avec son état actuel ce n’est plus évident. Le visage de cette gamine nécessite, d’autres opérations en plus, outre la paupière mise au bloc par la mission, il en faut une autre, une greffe de la peau, puis le nez et l’oreille. Sa maman espère qu’à la prochaine mission, elle pourra revoir son enfant comme au jour où elle lui a donné la vie.
Les enfants du Noma
Avec 20 ans d’existence, cette association française dirigée par le Dr Bellity et le Dr Costini est chargée de redonner un sourire aux personnes victimes de malformations faciales, en faisant de la chirurgie maxillo-faciale. Elle déploie principalement en Afrique 10 missions chaque année et en est à sa première au Cameroun. Chaque mission dure 15 jours et est constituée d’une équipe complète accompagnée de chirurgiens locaux qu’ils forment aux techniques spécifiques de la chirurgie du Noma et de la chirurgie orthopédique. Les pays les plus connus pour ces missions sont Madagascar, Laos, Bénin et Guinée. En effet, le Noma est une infection gangréneuse foudroyante qui s’attaque à la bouche et au visage. Elle se manifeste par une infection de la mâchoire et commence à s’étendre des tissus aux os. Il touche principalement les enfants de 2 à 6 ans.
En l’absence de traitement, 80% -90% des enfants en meurent quant aux survivants plus jamais ils ne pourront parler, se nourrir ou respirer normalement. Selon l’organisation mondiale de la santé, 500.000 personnes sont touchées par cette maladie et plus de 100.000 cas supplémentaires sont répertoriés chaque année dans le monde. C’est dans le cadre de la lutte contre les préjugés faits aux victimes de cette pathologie que l’Association Les Enfants du Noma organise des missions, réalisées par des spécialistes français de chirurgie orthopédique pédiatrique. Plusieurs d’entres elles ont déjà redonnées une dignité et une mobilité autonome à des centaines d’enfants. Ces opérations, souvent lourdes, faisant intervenir du matériel sophistiqué pour la réparation osseuse, des plâtres successifs ainsi qu’une rééducation, ont été possibles grâce à l’existence de la Maison de Fati, qui permet de garder et de soigner les enfants jusqu’à leur guérison. « Nous existons depuis plusieurs années déjà, je ne peux pas vous dire le nombre d’enfants qu’on a déjà opéré. Nous faisons dans l’humanitaire, c’est gratuit avec pour seul but de redonner courage et force aux victimes », explique Mary Christine Cler.
Divine KANANYET