Hypertension artérielle : un ennemi dans l’ombre

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L’hypertension artérielle, souvent silencieuse, provoque chaque année des milliers de décès évitables. Selon l’OMS, elle représente l’un des principaux défis sanitaires en Afrique subsaharienne, et le Cameroun n’y échappe pas.

 L’hypertension artérielle, souvent ignorée des personnes qui en souffrent, se présente pourtant comme un facteur de risque non négligeable. Elle ouvre la voie à des maladies cardiovasculaires graves telles que les accidents vasculaires cérébraux (AVC), infarctus du myocarde, insuffisances cardiaques, mais également à des complications rénales. Dans un pays comme le Cameroun, où le système de santé peine déjà à répondre aux besoins de base, cette maladie chronique met en évidence les inégalités d’accès aux soins.

Partout sur l’étendue du territoire national, l’hypertension fait des ravages. Mais la situation est encore plus critique dans les zones marquées par une précarité extrême, où l’accès aux soins de qualité reste un défi quotidien. Les régions septentrionales en offrent une illustration saisissante. Dans la ville de Garoua, par exemple, les hôpitaux de référence existent bien, mais le nombre de cardiologues demeure très limité. Résultat, une grande partie de la population vit sous la double menace de la pauvreté et de la maladie.

« Se soigner coûte cher. Beaucoup préfèrent ignorer la maladie, faute de moyens », confie un usager de la ville. Pourtant, l’hypertension exige un suivi strict, des contrôles réguliers et un traitement continu, autant d’exigences difficiles à satisfaire lorsque les revenus sont faibles et que le prix d’une simple consultation représente déjà un sacrifice financier.

La situation des zones rurales est encore plus alarmante. Les habitants, souvent éloignés des centres urbains, n’ont aucun cardiologue à proximité. Se rendre en ville pour consulter relève parfois du sacrifice en raison du manque de moyens financiers. Ainsi, des milliers de patients hypertendus vivent sans diagnostic précis ni traitement adéquat, exposés chaque jour à des complications graves.

A Pitoa, se tient  une campagne de sensibilisation salvatrice

C’est à partir de ce constat préoccupant que l’hôpital de district de Pitoa, situé dans un arrondissement proche de Garoua, a décidé d’agir. Le 1er octobre 2025, l’hôpital a lancé une campagne de santé entièrement dédiée à l’hypertension artérielle. Dès les premières heures de la matinée, les lieux ont été pris d’assaut par des habitants venus en masse. Femmes, hommes, jeunes se sont déplacés, une mobilisation qui montre une réalité crue, une population entière vit sous la menace de cette maladie silencieuse.

« Ayant fait le constat que l’hypertension n’est pas assez suivie dans la ville, nous avons décidé d’organiser cette campagne », explique le Dr Hassan, Directeur de l’hôpital de district de Pitoa. Pour lui, l’objectif est clair, remettre les patients hypertendus sous traitement, tout en sensibilisant la communauté à des mesures simples de prévention.

Les consultations ont permis de détecter de nombreux cas jusque-là ignorés. Des patients ont reçu des ordonnances, d’autres des conseils pratiques. « Le but est aussi d’éduquer la population », poursuit le Dr Hassan. Il recommande notamment la pratique d’une activité physique régulière, à un rythme modéré, la réduction de la consommation de graisses, l’éviction des excès de sel et de sucre, et un suivi médical constant.

Marcus DARE

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Interview

« ça fait presque une personne sur deux, qui est hyper tendue. c’est quand même énorme, ça c’est pour la région du Nord. »

Dr ESAME NDIVE Patrice, Cardiologue.

Dr, que doit-on comprendre par  hypertension artérielle ?

Il faut savoir que, pour que le corps humain fonctionne bien, il a besoin du carburant. Et pour le corps humain, le carburant c’est, de l’oxygène et il y a du glucose aussi. Maintenant, le sang transporte cela dans toutes les cellules du corps. Et donc, on a un réseau de vaisseaux qu’on appelle des artères et des veines qui transportent ce sang-là. Maintenant, quand on parle d’hypertension latérale, ça signifie que la pression du sang qui circule dans les artères est plus élevée que la normale. Selon la définition un peu plus scientifique, ça veut dire que quand vous mesurez la pression artérielle, si vous êtes au-dessus de 140,  au-dessus de 90 mmHg ; vous avez une hypertension artérielle.

l’hypertension artérielle est-elle considérée comme une maladie autonome ?

C’est vrai que l’hypertension artérielle, déjà est une maladie qu’on dit chronique pour la plupart. Ça veut dire qu’une fois qu’on l’a souvent, sauf si c’est une cause secondaire, on ne guérit pas de l’hypertension artérielle. Maintenant, elle ouvre la voie à d’autres maladies cardiovasculaires. Elle rentre dans ce qu’on appelle un facteur de risque cardiovasculaire. Donc, on ne peut pas la détacher des autres maladies. Souvent, l’hypertension artérielle est même la base de plusieurs autres maladies cardiovasculaires.

Quels sont les facteurs de risque qui peuvent exposer une personne à l’hypertension artérielle ?

En ce qui concerne les facteurs de risque, on peut les situer dans deux grandes catégories. On a des facteurs de risque qui sont dits modifiables et d’autres facteurs de risque qui sont dits non modifiables. Les facteurs de risque dits modifiables, ce sont des facteurs de risque sur lesquels on peut agir, donc on peut modifier. Et si on les modifie , ça veut dire que ça va faire en sorte qu’on soit plus exposé à l’hypertension artérielle. Maintenant, les facteurs de risque modifiables, il faut savoir que, c’est déjà tout ce qui touche un peu à notre alimentation, c’est-à-dire que si vous prenez beaucoup de sel, vous êtes à risque de développer une hypertension artérielle.  si vous consommez beaucoup de sucre , si vous mangez gras également, tous ces facteurs favorisent l’hypertension artérielle. Si vous êtes sédentaire, c’est-à-dire que quelqu’un qui ne fait pas d’activité physique régulière, vous êtes aussi exposé. Si vous êtes en surpoids, si vous êtes obèse, Si vous prenez de la cigarette, par exemple, si vous prenez de l’alcool aussi, de manière excessive ; tout ça expose à l’hypertension artérielle. Maintenant, il y a d’autres maladies aussi. Par exemple, quelqu’un qui est diabétique peut, par la suite, faire une hypertension artérielle, ou alors ceux qui ont des maladies rénales chroniques. Plus on prend de l’âge, plus on a un risque justement de développer une hypertension artérielle. Et puis, il y a les antécédents familiaux aussi, dont tout ce qui est héréditaire, c’est-à-dire qu’on connaît des familles d’hypertendus, par exemple,  si vous avez des parents qui sont hypertendus, c’est probable ou alors vous avez plus de risque de développer aussi une hypertension artérielle.

Dr, qu’en est-il du taux de prévalence dans la région ?

De manière générale, il faut dire qu’en Afrique, on a un taux de prévalence qui varie entre 20 et 40 %. C’est vrai qu’au Cameroun, des études sous plan national, déjà, qui ont été faites par un maître, ça c’était en 2015 par le Pr  KINGUE Samuel. On avait un taux de prévalence d’un peu plus de 30 %. Et à cette époque-là, quand on extrapolait, on se disait qu’en 2025, on va probablement atteindre les taux de 40 %, ça c’est sous plan national au Cameroun. Maintenant, on a l’année dernière, ça c’est en 2024, lorsqu’on a fait une campagne de dépistage massif  parfois à l’occasion de la journée mondiale d’hypertension artérielle, on a retrouvé un taux qui était aux alentours de 48 %.  ça fait presque une personne sur deux, qui est hyper tendue. c’est quand même énorme, ça c’est pour la région du Nord.

Dr, la région du Nord connait certainement des avancées dans la prise en charge de l’hypertension artérielle surtout avec non seulement la création des grands hôpitaux mais aussi avec l’arrivée des spécialistes

Il faut dire que de manière générale, en ce qui concerne si vous voulez des médicaments, le matériel de diagnostic de hypertension artérielle c’est plus ou moins standard. C’est vrai qu’il y a des nouvelles molécules aussi qui sont mises sur le marché, on les a déjà. On est quand même déjà doté d’un arsenal vraiment thérapeutique assez étoffé, même pour le diagnostic aussi. Donc ça déjà, ça c’était déjà acquis. Maintenant, c’est vrai qu’aussi on a un peu plus de cardiologues qu’avant, c’est-à-dire que dans la ville de Garoua, dans les trois grands hôpitaux, par exemple, il y a un cardiologue et même à  l’hôpital militaire, il y a un cardiologue. Donc nous sommes en principe quatre dans la ville région du Nord. C’est pas mal. Maintenant, l’avancée réelle, si vous voulez de comment utiliser ces molécules-là. Il y a plusieurs réunions scientifiques qui se sont qui sont justement tenues réunissant, que ce soit des médecins généralistes aussi, que ce soit même des spécialistes que nous sommes, avec l’accompagnement des firmes pharmaceutiques, comment combiner ces différentes molécules pour avoir une prise en charge optimale par rapport aux patients que l’on a. les avancées les plus sûres c’est sur les protocoles. Les protocoles de prises en charge adaptées aux différents types de patients que l’on rencontre.

A quel taux de contrôle pouvez-vous évaluez aujourd’hui la prise en charge ?

Il faut dire que le taux de contrôle, parce qu’on dit, quand vous êtes hyper tendu et que vous prenez les médicaments et que la tension est redevenue au niveau des valeurs normales, on dit que l’hypertension artérielle, est sous contrôle. Donc, il faut dire quand même que le contrôle de l’hypertension artérielle n’est pas encore optimal. On a plein de patients qui sont hyper tendus, qui sont sous traitement, mais qui ne sont pas vraiment contrôlés. Bon, la faute, c’est un peu multifactoriel. C’est-à-dire que souvent, le patient, c’est un peu compliqué parce que, dans la prise en charge, il faut suivre les mesures hygiéno-diététiques. Il faut dire que le sel, il y a un certain régime à suivre. Donc, souvent, c’est un peu difficile pour les patients. Et puis, il y a les médicaments aussi. Souvent, le patient va commencer les médicaments, après, il lâche, il n’achète plus peut-être en raison des difficultés financières. Nous, on rencontre ça. Et puis, c’est pour ça, justement, qu’on fait des réunions scientifiques pour continuer à insister dessus. Il y a aussi, voyez-vous que les soignants, souvent, on se dit, ah, il a 140, ce n’est pas trop élevé. Donc, il y a, si vous voulez, une inertie thérapeutique derrière, c’est-à-dire qu’une inertie dans la prise en charge. Donc, vous avez quelqu’un qui a 140, 190, on se dit, bon, ce n’est pas très élevé, on peut laisser comme ça. Quand vous arrivez à l’hôpital, c’est de manière systématique qu’on vous prend la tension. Parce que c’est facile à diagnostiquer et on a des éléments de prise en charge.

Des conseils pratiques pour prévenir le développement de  l’hypertension artérielle?

Il faut être assez discipliné dans notre alimentation. Le problème maintenant, on a adopté un régime alimentaire occidental. Donc, du coup, on mange beaucoup salé, que ce soit des boîtes de conserve, que ce soit même dans l’eau. Il faut diminuer la quantité de sel que l’on consomme. Il faut diminuer la quantité de sucre aussi. Parce que si vous consommez beaucoup de sucre et que vous ne faites pas d’activités physiques, ça va se stocker en graisse. Et quand on a un taux élevé de sucre dans le sang, ça abîme les vaisseaux. Il faut consommer beaucoup de fruits, beaucoup de légumes. Les fruits contiennent des antioxydants. Les légumes aussi aident à protéger le cœur et les vaisseaux. Et puis, une activité physique régulière en moyenne peut-être 150 minutes par semaine. Donc, on peut faire 30 minutes cinq fois par semaine, par exemple. Si vous pouvez faire toute la semaine, 30 minutes, c’est bon. Et puis, c’est essentiellement de perdre du poids. Diminuer la consommation d’alcool. Et absolument arrêter de fumer.

Propos recueillis par Marcus DARE

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