Insecticides : Une solution toxique face au paludisme

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Si ces produits semblent efficaces contre les moustiques, leur usage abusif et parfois inapproprié expose les utilisateurs à de graves risques sanitaires. Entre protection contre les piqûres et exposition aux toxines, un dangereux dilemme se dessine.

Le recours massif des insecticides, dicté par la peur des piqûres des moustiques, masque une réalité préoccupante. Il s’agit des effets néfastes de ces produits chimiques sur la santé des populations. Le choix de l’insecticide varie grandement selon le niveau socio-économique. Les familles aisées privilégient généralement les insecticides en spray, à pulvérisation, jugés plus efficaces et plus pratiques.  En revanche, les populations les plus démunies, notamment dans les zones rurales, optent massivement pour les insecticides bon marché.  Cette appellation générique à la composition parfois inconnue, et dont l’efficacité est loin d’être garantie.  Leur prix abordable en fait un choix incontournable pour beaucoup.

« J’utilise les insecticides à flamme depuis des années. C’est moins cher », confie Djibrilla, un habitant de la périphérie de la Garoua. Son témoignage est partagé par Hinoussa, pour qui l’habitude et le prix sont les principaux critères de choix.  Cette préférence pour les insecticides à flamme n’est pas donc limitée aux zones rurales ; elle se retrouve également en ville, soulignant la précarité de nombreuses familles. En ville, les insecticides en spray sont également très utilisés. André, habitant de Yelwa, explique qu’il pulvérise sa chambre deux heures avant de se coucher, une pratique courante, même si certains utilisent l’insecticide à quelques minutes seulement avant de s’installer dans la pièce.  « Parfois, je l’oubli et je pulvérise même en étant déjà dans la chambre », avoue Idrissou, reflétant une utilisation parfois précipitée et dangereuse.  Aminatou, une mère de famille, témoigne des effets secondaires de ces pratiques : « C’est étouffant, on tousse, on a souvent la grippe » Elle indique sa préoccupation devient grande quand les pluies arrivent, notamment cette saison.

L’utilisation des insecticides fumigènes, qui dégagent de la fumée toute la nuit, pose également un problème de santé publique.  « La fumée et l’odeur sont insupportables », déplore Oumaté, un étudiant.  Nasser, qui souffre déjà de problèmes respiratoires, témoigne du calvaire que représente l’utilisation de ces produits : « C’est très dur pour moi. »

Une menace silencieuse pour la santé

Ces pratiques à risques ont des conséquences directes sur la santé. La fumée et les odeurs dégagées par ces insecticides sont extrêmement nocives. Elles provoquent des maladies respiratoires qui peuvent évoluer vers des complications sérieuses. L’exposition prolongée à ces produits chimiques peut entraîner des irritations des voies respiratoires, des toux persistantes, des difficultés respiratoires, voire des affections plus graves à long terme.  Les enfants, particulièrement vulnérables, sont les premières victimes de ces intoxications.

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Les moustiquaires, une solution insuffisante

Les moustiquaires imprégnées, pourtant largement distribuées lors des campagnes de lutte contre le paludisme, ne constituent pas une solution suffisante.  Dans de nombreux ménages, le nombre de moustiquaires est insuffisant, voire inexistant.  Certaines familles témoignent de difficultés d’accès régulier à ces dispositifs de protection, d’autres utilisent des moustiquaires vieilles, déchirées et ayant perdu leur efficacité.  Dans certaines zones rurales, elles sont même détournées de leur usage initial, utilisées pour la pêche ou d’autres activités.  Cette situation laisse les populations, notamment les enfants, exposées à la menace du paludisme.

Entre la peur du paludisme et les risques liés aux insecticides, le dilemme subsiste 

Le dilemme est clair, face à la menace constante du paludisme, notamment chez les enfants, les populations recourent massivement aux insecticides, même si cela signifie compromettre leur santé.  Cette situation souligne l’urgence d’une action globale et multiforme. Il faut renforcer la distribution des moustiquaires, garantir leur qualité et leur accessibilité, promouvoir des méthodes de lutte anti vectorielle plus sûres et moins nocives, et surtout, intensifier les campagnes de sensibilisation aux risques liés à l’usage excessif et inapproprié des insecticides.  L’éducation de la population sur les alternatives plus saines, comme l’utilisation appropriée des moustiquaires, la gestion des eaux stagnantes, et l’hygiène domestique, est essentielle pour casser ce cycle dangereux et préserver la santé des populations.

Marcus DARE 

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