Lutte contre le paludisme : les hôtels camerounais en première ligne

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Pulvérisation, moustiquaires homologuées, sensibilisation des clients… Sous l’impulsion des pouvoirs publics, les hôteliers du Mfoundi se forment aux armes de la lutte antivectorielle.  

L’incident en question, survenu lors du tirage au sort de la CAN 2022, est révélateur des défis auxquels le secteur hôtelier est confronté. Une journaliste nigériane, piquée par un moustique dans sa chambre d’hôtel, a partagé son expérience sur Twitter. Loin d’être un simple fait anodin, sa publication a déclenché une vague de réactions virulentes, soulignant une sensibilité exacerbée à l’égard de l’image du Cameroun. Pour Nkomo Arsène, expert en gestion et management des entreprises touristiques, « le tourisme comme levier de développement durable ne peut être effectif si on ne prend pas en compte la santé du touriste. L’expérience client ne se limite pas au confort de la literie, mais inclut aussi sa sécurité sanitaire ». Une réalité qui met en évidence l’écart entre le discours officiel et la réalité du terrain.

La problématique va bien au-delà des cas isolés. La présence de moustiques et le risque de paludisme sont des plaintes récurrentes chez les visiteurs étrangers, sapant les efforts de promotion d’un tourisme de qualité. L’honorable Njume Peter AMBANG, président du Caucus et de la Coalition des parlementaires pour l’élimination du paludisme en Afrique (Copema), a souligné l’importance d’une approche multisectorielle. « J’invite les ministres de l’Éducation, de l’Agriculture, de l’Hôtellerie, et d’autres ministres, à suivre l’exemple du ministre du Tourisme et à mettre juste 1 % de leur budget pour porter des initiatives et des mesures pour lutter contre la maladie ». Un appel à l’action qui résonne avec la volonté de transformer la lutte contre le paludisme en une responsabilité partagée.

C’est dans ce contexte que la délégation départementale du Tourisme et des Loisirs du Mfoundi a organisé une session de renforcement des capacités pour les responsables hôteliers. L’objectif est de leur fournir les outils et les connaissances nécessaires pour mettre en place des mesures concrètes de lutte anti-vectorielle. Zintzem Philomène, en charge de l’information, de l’éducation et de la communication au Programme national de lutte contre le paludisme, a détaillé les actions à entreprendre. « La première chose, c’est l’hygiène et l’assainissement de l’environnement. Nos hôtels doivent être propres, les alentours doivent être propres. » Elle a également insisté sur l’installation de moustiquaires homologuées, la pulvérisation régulière des lieux par des experts, et la sensibilisation des clients sur les risques et la chimioprophylaxie.

Même si la plupart des hôteliers semblent être conscients du problème, la mise en œuvre de ces mesures n’est pas toujours aisée. Mengue Olame Isabelle Flore, chef du service de l’action sociale au ministère du Tourisme, a évoqué les réticences de certains clients. « Les clients, apparemment, dans les structures hôtelières […] trouvent cela assez osé de leur proposer, dans leur intimité, ce genre de méthode de prévention ». Elle a néanmoins souligné l’importance de continuer le plaidoyer et de « créer une plateforme de mise à disposition à des coûts très préférentiels pour le secteur hôtelier ».

Malgré ces défis, l’initiative est accueillie avec beaucoup d’enthousiasme par les professionnels du secteur. Pour Jean Njandi, promoteur d’une hôtellerie, cette formation est une bouffée d’oxygène. « Je suis très flatté par l’initiative, parce que ça va nous permettre, nous hôteliers, de mettre en pratique et puis d’essayer au maximum que nos clients évitent de séjourner au Cameroun et de rentrer étant affectés par le paludisme. » Il a également mis en lumière une réalité quotidienne. « Lorsque le client dans la nuit est piqué, il n’est pas habitué à cette maladie, il rentre et il a une très mauvaise impression du Cameroun. »

Finalement, cette journée de sensibilisation s’inscrit dans une approche multisectorielle plus large. Comme l’a précisé Eric Tchinda Meli, conseiller technique chez Impact Santé Afrique, cette activité « s’inscrit dans cette action multisectorielle. Parce qu’après le développement de ce cadre national multisectoriel, il était question de développer des plans d’action pour chaque ministère. »

En conclusion, si la 46ᵉ Journée mondiale du tourisme a pour ambition de promouvoir un « tourisme et une transformation durable », elle doit impérativement s’attaquer aux problèmes fondamentaux de l’hygiène et de la santé. La conférence qui s’est tenue à Yaoundé est une occasion unique de passer des paroles aux actes et de garantir que la santé des touristes ne soit plus l’angle mort du développement touristique. « Nous voulons que tout le monde s’implique, » a déclaré l’honorable Njume Peter AMBANG. L’objectif est clair : « avant 2028, le Cameroun sera libre de la maladie ». Une ambition qui, si elle est menée à bien, pourrait transformer le Cameroun en une destination touristique sûre et durable, où les visiteurs peuvent profiter de leurs vacances sans craindre la piqûre d’un moustique.

Elvis Serge NSAA

 

« Les hôtels doivent veiller à la propreté de leurs espaces et de leurs alentours pour éliminer les gîtes larvaires de moustiques »

ZINTZEM Philomène, en charge de l’information, de l’éducation et de la communication au Programme national de lutte contre le paludisme.

L’objectif est de réduire les chiffres de morbidité du paludisme en ciblant une population souvent exposée. « Imaginez que, dans l’intérêt des hôtels, on ait 100 personnes qui contractent le paludisme par mois : nos chiffres augmentent. En maîtrisant la transmission dans ces lieux d’accueil, le pays peut espérer une baisse significative des cas. D’autre part, cette initiative a un impact direct sur la réputation touristique du Cameroun. Un visiteur qui rentre sain et sauf est un ambassadeur de choix. Quand ils rentrent en bonne santé, en dehors de faire la promotion de notre cuisine, de nos sites touristiques, ils vont aussi assurer à leurs familles qu’ils ont été en sécurité, qu’ils ont été protégés contre les maladies. Cette sécurité sanitaire devient ainsi un argument de vente majeur pour attirer de nouveaux touristes.

« Le secteur hôtelier, vitrine de la lutte contre le paludisme au Cameroun »

Eric Tchinda Meli, conseiller technique, Impact Santé Afrique.

Impact Santé Afrique a apporté un appui technique pour la préparation de cet atelier, pour son animation, pour qu’enfin l’action que porteront les hôteliers puisse être suffisamment efficace et contribuer à l’élimination du paludisme au Cameroun. Nos attentes : nous sommes allés vers les hôteliers parce que ce sont eux, ils sont en quelque sorte la vitrine du Cameroun. Et les personnes qui viennent visiter notre pays veulent rentrer saines et sauves. Donc, ce que nous attendons des hôteliers, c’est que tout ce qu’ils ont appris ici en termes de méthodes préventives contre le paludisme puisse être effectivement appliqué dans les hôtels ; qu’on puisse trouver dans les hôtels des moustiquaires, qu’on puisse trouver dans les hôtels des grillages de protection, qu’on puisse avoir dans les hôtels des répulsifs et des personnels qui soient suffisamment formés pour sensibiliser ceux qui leur rendent visite pour éviter cette maladie.

Propos recueillis par Elvis Serge NSAA

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