Maladies Tropicales Négligées : L’OMS tire la sonnette d’alarme au Forum des Médias du REMAPSEN

Dr Maria Rebollo Polo, experte mondiale de l’OMS sur les maladies tropicales négligées
Lors de la cérémonie d’ouverture tenue par webinaire le mardi 25 novembre 2025, la Dr Maria Rebollo Polo, experte mondiale de l’OMS, a livré un état des lieux sans concession sur les maladies tropicales négligées (MTN), alertant sur la fragilité des progrès face à l’effondrement des financements internationaux.
L’exposé présenté lors de la cérémonie d’ouverture du Forum des Médias du REMAPSEN par la Dr Maria Rebollo Polo, experte mondiale de l’OMS sur les maladies tropicales négligées (MTN), offre une lecture précise et alarmante de la situation actuelle des MTN dans le monde et en Afrique. Selon elle, malgré des avancées significatives, les progrès restent fragiles et menacés par une baisse historique du financement international. Les MTN, qui touchent encore directement ou indirectement plus d’un milliard de personnes, continuent d’imposer un lourd tribut humain et économique, en particulier sur le continent africain où se concentre la grande majorité de la charge de morbidité.
Des données chiffrées…
Depuis 2010, le nombre de personnes nécessitant une intervention contre les MTN a diminué de 695 millions, dont 239 millions rien que sur la période 2020–2023. Cette évolution, soutenue en grande partie par les campagnes de chimioprévention de masse, traduit une dynamique encourageante. Entre 2022 et 2023, la réduction supplémentaire a concerné 122 millions de personnes. Par ailleurs, l’OMS a reconnu à ce jour 58 pays ayant éliminé au moins une MTN, un progrès notable vers l’objectif de 100 pays fixés pour 2030. L’année 2025 est particulièrement marquante avec neuf nouveaux pays ayant obtenu la validation d’élimination, dont le Niger pour l’onchocercose, la Guinée pour la trypanosomiase, la Mauritanie et le Burundi pour le trachome, ainsi que le Sénégal, le Kenya, l’Égypte et la Papouasie-Nouvelle-Guinée pour d’autres pathologies.
Cependant, la charge mondiale demeure élevée avec 119 000 décès imputés aux MTN en 2021 et plus d’un milliard de personnes vivant avec au moins une de ces maladies. Les années de vie ajustées sur l’incapacité (DALYs) restent elles aussi préoccupantes, atteignant 14,14 millions en 2021. En 2024, 1,437 milliard de traitements préventifs ont été administrés à travers le monde, couvrant 864,6 millions de personnes pour au moins une MTN. Le taux de couverture pour la chimioprévention s’élève à 62,7 %. Au-delà de la chimioprévention, environ 7,5 millions de patients ont bénéficié d’une prise en charge individuelle, soulignant l’importance des deux approches complémentaires recommandées par l’OMS.
La Dr Rebollo a également attiré l’attention sur la chute dramatique des financements mondiaux. Entre 2018 et 2023, le soutien financier destiné spécifiquement aux MTN est passé de 531 millions à seulement 260 millions USD, soit un recul de 41 %. Cette contraction budgétaire frappe durement les programmes nationaux, particulièrement en Afrique. La réduction ou l’arrêt des programmes tels que USAID Act to End NTDs entraîne un ralentissement des campagnes de distribution de masse et fragilise les capacités nationales, surtout dans des pays où les MTN pèsent déjà lourdement sur les systèmes de santé.
Pour faire face à ces difficultés, plusieurs pays développent des modèles d’intégration innovants permettant de mieux utiliser les plateformes existantes de santé. L’Éthiopie, le Kenya et l’Ouganda ont ainsi commencé à intégrer les interventions MTN dans leurs systèmes de soins primaires. D’autres pays, comme le Bénin ou le Niger, utilisent les plateformes scolaires ou communautaires pour livrer les campagnes. Madagascar a combiné la réponse MTN avec les campagnes de vaccination, tandis que la Tanzanie l’a intégrée à ses programmes de nutrition. Le Rwanda et le Togo, quant à eux, développent des approches multisectorielles reliant santé, éducation, eau et assainissement. Pour la Dr Rebollo, la clé réside dans un leadership national fort, une meilleure coordination et une implication centrale des communautés.

Une victime de la lèpre
Les défis structurels persistent néanmoins…
La faible visibilité politique des MTN, la dépendance aux bailleurs, l’insuffisance de personnel qualifié, la faible intégration aux systèmes de santé et la fragilité des services WASH ralentissent la dynamique d’élimination. La durabilité à long terme exige des pays qu’ils intègrent pleinement les MTN dans leurs politiques nationales, prévoient des lignes budgétaires dédiées, renforcent les chaînes logistiques, développent la digitalisation des rapports et adoptent des plans de transition pour réduire progressivement la dépendance aux dons internationaux. Chaque pays devra aussi renforcer sa surveillance, adapter ses stratégies aux réalités locales et mobiliser les communautés pour garantir un changement durable.
À travers son exposé, la Dr Rebollo appelle à une mobilisation urgente et collective. Selon elle, l’avenir de la lutte contre les MTN repose désormais sur trois piliers : un leadership national affirmé, un ancrage dans les systèmes de santé primaires et une diversification des financements. Sans cela, les gains durement acquis risquent d’être perdus et les populations les plus vulnérables de nouveau exposées à ces maladies évitables. Elle rappelle que la lutte contre les MTN est un investissement transversal en faveur de l’équité, de l’éducation, de la productivité et de la souveraineté sanitaire. L’Afrique dispose des atouts pour réussir, mais la responsabilité collective doit être amplifiée.
Mireille Siapje
Leave a reply
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.








