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Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le manque de couveuses, les sous-effectifs dans les hôpitaux publics et les négligences aggravent la mortalité infantile au Cameroun.
Les photos de la mère et son bébé défilent sur les réseaux sociaux. Emilie Djouffo a trouvé la mort en donnant la vie. Son époux assis sur un banc dans le service de néonatalogie de cette formation sanitaire est encore en état de choc. « Le lundi 13 juin 2022, cette jeune maman de 26 ans met au monde une fille », raconte son époux, les yeux lavés par les larmes.
Pourtant, la perspective de donner le jour à leur premier enfant les avait ravis, elle et son mari. « Une bénédiction », se souvient-il. Pour éviter tout risque, Emilie est allée à l’Hôpital central de Yaoundé, l’un des hôpitaux de référence de la ville de Yaoundé, où, après trente semaines de grossesse, elle donne naissance à une fille, « toute petite, mais en bonne santé », jure le père, qui ne comprend toujours pas pourquoi, quelques heures avant l’accouchement, de son premier bébé, son épouse décède avec le bébé au bloc opératoire.
Tout comme lui, bon nombre de camerounaises vivent cette situation chaque jour dans les hôpitaux publics du Cameroun. Le 10 août dernier, une jeune maman met au monde des quintuplés, dont « quatre décèdent tour à tour à l’hôpital de Bafoussam, le meilleur de la région. Quelques jours plus tard, la santé d’un deuxième se dégrade et nécessite une transfusion sanguine. Mais le nourrisson décède à son tour, saignant du nez et de la bouche. Apeurés, les parents demandent leur transfert à Yaoundé, la capitale, dans une formation hospitalière plus compétente. Mais l’hôpital refuse, arguant qu’il « n’est pas dépassé ». Pourtant, deux autres bébés décèdent en moins de deux semaines.
« Le jour du décès du quatrième, si j’avais eu une arme, j’aurais tué au moins trois infirmières. J’étais tellement en colère ! », raconte Félix, qui s’est endetté de 2 millions de francs CFA pour sauver ses petits. De peur de perdre sa dernière fille, il alerte les médias. L’affaire fait scandale au point que le ministre de la santé annonce l’ouverture d’une enquête et dépêche une équipe sur place. Mais, jusqu’aujourd’hui, le mystère de ces morts n’est pas éclairci. Le père accuse : « C’est la négligence des infirmières et la défaillance des couveuses qui ne chauffaient pas qui ont tué mes quatre enfants. » Au service de néonatalogie, le personnel médical est en effet insuffisant, et c’est à la famille qu’il revient de nourrir les grands prématurés. « Tout le monde s’est mobilisé et les nouveau-nés ont reçu tous les traitements possibles », confie une infirmière qui a requis l’anonymat. Assurant qu’il n’y a pas eu de défaillance », les bébés auraient, selon elle, succombé à une infection.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la moitié des grands prématurés meurt en raison d’un manque de soins adaptés. Une faille dans le maintien de la température, l’allaitement ou les soins de base pour traiter infections et problèmes respiratoires peuvent être fatals. Un médecin de l’hôpital, « fatigué des critiques de ceux qui ne vivent pas notre calvaire », rappelle, sous couvert d’anonymat, que « tous les hôpitaux publics du Cameroun manquent de matériel. Ce qui donne l’impression que les prématurés sont dans l’attente d’une mort programmée ». Il précise que, sur la cinquantaine de couveuses disponibles dans les hôpitaux de Yaoundé, seule 30 sont fonctionnelles. Dans la région de l’Ouest sur 25 couveuses, seules sept sont fonctionnelles. Dans les trois régions du Nord, il n’y a que huit couveuses pour plus de 7 millions d’habitants.
Face à cette pénurie, de nombreux experts conseillent la méthode « Kangourou », qui veut que la mère garde son bébé sur elle et lui transmette sa chaleur. Serge Armel Njidjou, de l’Agence universitaire pour l’innovation technologique, a quant à lui mis sur pied une couveuse néonatale interactive, connectée au smartphone du médecin pour un suivi à distance. Après une phase d’expérimentation, il devrait passer bientôt à la fabrication en série. Mais déjà, « dans la panique, des gens m’appellent pour acheter la couveuse à titre privé afin de sauver leur bébé ». L’inventeur reste démuni face à cette souffrance, mais travaille d’arrache-pied pour équiper rapidement les hôpitaux.
Elvis Serge NSAA