Ordre national des Pharmaciens du Cameroun : L’urgence de la spécialisation des professionnels

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L’appel a été lancé au cours de l’Assemblée générale de cette corporation dans la ville de Kribi du 3 au 5 février 2023.

Chaque année, le Cameroun forme 150 pharmaciens. Malheureusement, ils ont de la peine à intégrer le monde de l’emploi. Au cours de l’Assemblée Générale de l’Ordre national des Pharmaciens du Cameroun tenue du 03 au 05 février 2023 à Kribi, le problème a été au centre des différents échanges entre les professionnels du secteur de la pharmacie. Il est clair que pour résoudre cette difficulté, il est plus que jamais urgent que les jeunes pharmaciens se spécialisent pour de nouvelles opportunités. Durant trois jours, les professionnels de la pharmacie ont épilogué sur ce problème qui est une véritable gangrène. La présence de plus de 400 pharmaciens venus des différentes régions du Cameroun témoigne à suffisance que le mal est profond. Entre les problèmes liés au monopole du pharmacien, à la lutte contre la vente illicite des médicaments, à l’exercice illégal de la profession de pharmacien et une bonne formation des stagiaires étudiants et des pharmaciens, le métier de pharmacien a été scruté de fond en comble.

Dr Prosper Hiag, Vice-président de la Fédération internationale pharmaceutique, décline ses attentes. « C’est un regard extrêmement positif. Le Cameroun a réussi à former des pharmaciens. De l’autre côté, il faut qu’on trouve du travail à ces pharmaciens. Il faut que ces pharmaciens puissent vivre décemment d’un emploi. C’est cela la difficulté. Nous devons promouvoir l’emploi décent dans les métiers de la pharmacie au Cameroun. Le métier de la pharmacie c’est l’officine, la biologie, l’industrie. Ce qu’il faut aujourd’hui, au-delà de cette pharmacie est la spécialisation des pharmaciens comme des médecins », a-t-il affirmé. Et de poursuivre : « la pharmacie générale n’a plus beaucoup d’avenir. Il faut se spécialiser à la pharmaco-économie, pharmaco-ethnographique, la pharmacie nucléaire et dans tous les autres métiers. C’est cela qui créer de l’emploi. Je dis aux jeunes, vous avez fait des études. Vous devez continuer et vous spécialisez dans les différents domaines. Ils seront plus productifs. Il faut que nous ayons des pharmaciens spécialisés pour de nouvelles opportunités ».

Cependant, le thème central qui a meublé les échanges durant trois jours, est : « l’humanisme au cœur de la profession pharmaceutique ». L’Ordre national des pharmaciens du Cameroun a ainsi voulu à travers ce thème, poser une réflexion sur la solidarité des professionnels, un fonds de solidarité pour la lutte contre l’exercice illégal des produits pharmaceutiques avec la création du comité de suivi, l’unicité entre les deux générations, les actions sociales en faveur des démunis, la structuration et l’implication des structures pharmaceutiques, l’employabilité des pharmaciens dans les structures pharmaceutiques et la place du pharmacien dans la gestion de la chaîne d’approvisionnement au Cameroun, pour ne citer que cela.

Lettres de noblesse

Autant d’innovations qui vont permettre au métier de pharmacien de sortir la tête de l’eau. « Le métier de pharmacien devient complexe. Il faut qu’on arrive à rendre le médicament gratuit. Gratuit cela veut dire quoi ? Le patient va à l’officine avec son carnet d’assurance ou de mutuelle. Il va tendre son ordonnance et le pharmacien va lui donner les médicaments. Il va rentrer chez lui. Le pharmacien va se faire payer par l’organisme qui aura été créé. Tant qu’on n’y arrive pas, il n’y aura pas de marché, de travail pour les jeunes qui sortent. Il y aura du médicament de la rue », a proposé Dr Prosper Hiag, Vice-président de la Fédération internationale pharmaceutique. L’Ordre national des Pharmaciens du Cameroun veut donc faire retrouver ses lettres des noblesses au métier de pharmacien.

Catherine Aimée Biloa

 

 

Formation en pharmacie

Le déficit d’enseignants professionnels, inquiète

Le cri d’alerte a été lancé par les étudiants des différentes écoles de formation au cours de l’Assemblée générale de l’Ordre national des Pharmaciens du Cameroun. Ils ont ainsi déploré le manque d’enseignants professionnels, ainsi que leur indisponibilité à leur dispenser les cours de formations pour un meilleur cursus académique.

Les étudiants des différentes écoles de formation en pharmacie au Cameroun déplorent le manque et l’indisponibilité des enseignants professionnels au cours de leur formation académique. Ils n’ont pas caché leur mécontentement au cours de l’Assemblée générale de l’Ordre national des Pharmaciens du Cameroun à Kribi les 03 et 05 février 2023. L’occasion leur a été offerte pour interpeller leurs aînés, ainsi que les responsables des différentes facultés de médecine et des sciences pharmaceutiques. Nkiendem N. Stayelle, étudiant en Faculté de médecine et des sciences pharmaceutiques de l’Université de Douala, dévoile le mal. « Par rapport à notre formation, elle est bonne. Mais, il y a un manque d’enseignant dans les facultés. Le métier de pharmacien est pourtant noble. C’est une profession de rêve. Tout le monde doit désirer cette profession. De façon personnelle, en tant qu’étudiant en pharmacie, ce métier me passionne. Il est comme le centre de la santé. Si on enlève le médicament, il n’y a pas de système sanitaire », a-t-il déploré.

Avant de poursuivre : « il y a plusieurs problèmes qui ont été évoqués parmi lesquels, le problème du faux médicament. Pour que nous les jeunes soyons à l’aise dans la profession, il faut vraiment que nous puissions combattre les faux médicaments et que tout le monde soit au courant des problèmes que cela apporte. Nous ne sommes valorisés en tant pharmaciens lorsque les faux médicaments continuent de circuler. Quand dans la rue quelqu’un qui vent ces faux médicaments, t’appelle confrère, c’est très insultant ». Un avis que partage la plupart de ses camarades venus d’autres universités. « Comme toute formation, il y a toujours des failles. Nous avons un problème de la disponibilité des pharmaciens enseignants pour enseigner à l’université de Dschang. Le regard que j’ai de la pharmacie actuellement est un métier en perpétuelle évolution. Tous les professionnels de la pharmacie au Cameroun essayent de mettre les étudiants dans tous les évènements afin de préparer les étudiants à relever les défis de la profession de pharmacie au Cameroun. Le problème principal qui a été posé est celui des médicaments falsifiés ou alors la contrefaçon des médicaments. C’est un problème qui mine l’industrie du médicament au Cameroun », a souligné Kamaha Tchachui Rucel Ghislain, président du club des étudiants en pharmacie à l’Université de Dschang.

Meilleure profession

La même analyse a été faite par Tchamdjou Tchansi Blanche Vidaline, étudiante en pharmacie à l’Université de Dschang. « Nous avons un problème d’enseignants professionnels au cours de notre formation académique. Le regard sur le métier de pharmacien reste à améliorer. Je reste sur cette pensée que c’est la meilleure de profession au Cameroun. Pour ce qui est des problèmes, je dirais que tout un chacun à son niveau, a un rôle à mener pour pouvoir régler ce problème », a-t-elle déclaré. Au regard de ce qui précède, la question de formation reste ainsi plombée par le manque criard d’enseignants professionnels dans les différentes écoles de formations.

Catherine Aimée Biloa

Interview- Dr Nana Sambou Franck

« Nous sommes en train de rajeunir la profession »

Président du Conseil de l’Ordre national des Pharmaciens du Cameroun, il dresse l’état des lieux des pharmacies au Cameroun et passe au scanner les différents problèmes qui minent le secteur.

Une Assemblée générale de l’Ordre national des Pharmaciens du Cameroun à Kribi durant trois jours. Quel en est l’intérêt ?

Je remercie le Quotidien Echos Santé pour cette interview. Nous sommes à Kribi pour une Assemblée générale ordinaire qui se déroule durant trois jours. Ce qui est inédit. Cela fait plus de 16 ans que nous ne nous sommes pas déplacés à Kribi pour une assemblée. Et cela fait peut-être plus de 11 ans que les pharmaciens ne se sont pas réunis durant trois jours pour une Assemblée générale. Nous remercions tous les pharmaciens qui se sont mobilisés pour la réussite de cette Assemblée générale. Nous avons eu plus de 400 pharmaciens qui sont venus de toutes les régions du Cameroun. Nous n’avons pas seulement Douala et Yaoundé. Nous avons une quinzaine de pharmaciens qui viennent de l’Extrême-Nord et 25 de Bamenda.

 

 

Vous avez choisi le thème « l’humanisme au cœur de la profession pharmaceutique ». Comment comprendre ce choix ?

Le thème « l’humanisme au cœur de la profession pharmaceutique ». Nous sommes dans une profession où nous sommes en train de rajeunir la profession. Plusieurs jeunes de plus en plus, intègrent la profession. Nous avons voulu marquer un temps pour prouver une solidarité entre deux générations. Avant, les pharmaciens étaient plus formés à l’étranger. Maintenant, nous avons 150 pharmaciens qui sont formés au Cameroun. Ils constituent le gros lot. Il est temps aujourd’hui, avec cette force qui est la jeunesse, que nous puissions la coupler à l’expérience des aînés dont nous avons hérités de la pharmacie. Ils sont là aujourd’hui, plus d’une cinquantaine. Le thème de l’humanisme c’est comment trouver ensemble entre nous pharmaciens pour s’occuper par exemple de la requête des pharmaciens, des décès de nos pharmaciens et de leur vie personnelle à eux. Au-delà de ce que nous donnons aux populations, nous devons marquer un temps d’arrêt pour dire : regardons en avant et de voir où nous voulons aller nous-mêmes. Nous ne sommes plus ces personnes qui devrons vivre individuellement dans un petit coin. Nous sommes une force. Nous devons trouver des voies et moyens pour cheminer ensemble et pour créer une vraie solidarité. Il y a un humanisme au cœur de notre profession. Voilà le but.

Vous avez évoqué un deuxième volet au cours de vos différents échanges…

Dans le deuxième volet de cet humanisme, nous devons voir d’ici deux à trois années comment les pharmaciens peuvent créer une fondation au profit des démunis, des patients, des nécessiteux, des prisonniers et de tous ceux-là qui sont en souffrance dans le pays et qui n’ont pas de moyens. Nous devons donc impacter dans leur vie sociale en parrainant les enfants malvoyants, malentendants et sourds muets. Nous voulons une fondation dans un village pour les puits d’eau. Nous venons à l’assemblée pour demander l’accord de lancer au cours des deux années qui suivent des vrais débats avec les experts afin de leur sortir ce que nous pouvons faire. Nous voyons bien que le patient est au-dessus du médicament.

Quels sont les problèmes qui minent la profession de pharmaciens au Cameroun ?

Le véritable problème que nous avons, c’est celui de l’absence de monopole du médicament aux pharmaciens, la vente de la rue et l’exercice illégale de la pharmacie. Que ce soit les hôpitaux publics ou cliniques privées, ils n’ont pas le droit de vendre les médicaments sans l’autorisation d’un pharmacien.

Qu’est-ce que nous retenons au terme de cette Assemblée générale des pharmaciens ?

Il faut retenir que les pharmaciens ont décidé de mutualiser leurs efforts pour être solidaire. Ils ont également réfléchis sur une solidarité maladie. Ils veulent également se doter d’un siège propre à eux-mêmes. Au niveau de l’approvisionnement et de rupture des médicaments, de travailler au maximum pour réduire tous ces problèmes. Il faut travailler avec l’administration afin que les populations aient une satisfaction dans les ordonnances des médecins. L’Assemblée générale a donné le quitus au Conseil de l’Ordre national des Pharmaciens pour l’activité menée au cours de l’année 2022. Elle a validé notre projet pour l’année 2023 de numérisation de tous les dossiers d’archivage et de pharma expo en septembre. Ce sera une foire pharmaceutique où tout tourne autour de la pharmacie.

Le Cameroun compte combien de pharmacies ?

Au Cameroun, nous avons autour de 660 pharmacies. En deux ans, nous avons installés cinquante pharmacies. Nous sommes avec le ministère pour accentuer l’installation d’une centaine qui va sortir avant la fin d’année 2023 signée par le ministre, et l’Ordre va se charger d’affecter les pharmacies. Nous apportons de l’offre aux populations. Nous sommes conscients des soucis qu’il y a en matière d’installations des pharmacies. Nous y travaillons depuis deux ans. Nous travaillons d’arrache-pied pour que nous ayons des pharmacies un peu partout dans le Cameroun. Nous avons présentés au moins une vingtaine de pharmacies. Nous avons des jeunes qui acceptent d’aller en région malgré la qualité de vies. Pour eux, la population est plus importante que la qualité de vie.

Quel est l’état des lieux des pharmacies au Cameroun ?

Le regard que nous avons des pharmacies n’est pas reluisant à cause essentiellement du médicament de la rue. Nous avons 150 pharmaciens formés par an au Cameroun. C’est l’Etat du Cameroun qui les forme. Il faut donc leur trouver un emploi. Lorsqu’on continue de laisser les médicaments de la rue se vendre. Que vont faire ces pharmaciens ? Et ceux qui ouvrent dans les contrées lointaines même parfois dans les grandes villes de Yaoundé et Douala ont la concurrence en face d’eux des vendeurs de la rue et de la mort comme j’aime les appelés. C’est vrai, il faut saluer le Ministre de la Santé Publique qui a mené une bataille. Il connait notre engagement. Nous le remercions pour tout ce qu’il fait. Nous voyons l’administration territoriale et la Direction de la Douane à fond. Maintenant, il faut une symphonie, une action, forte et une coordination sur le territoire. Nous savons les freins de certains secteurs administratifs, juridiques, politiques qui n’en veulent pas. Nous disons les camerounais qui sont formés comme pharmaciens sont nos enfants et ceux de la population camerounaise.

Vous évoquez le problème du médicament de la rue. Comment combattre cela ?

Ce n’est pas parce qu’un ou deux pharmaciens seront véreux que les gens vont dire que toute l’activité n’est pas bonne. Il faut qu’on arrête ce discours. C’est pour nous faire ne pas avancer sur la question. Le petit gars qui vend au kiosque en face de nous, n’est pas le pharmacien. A un moment, nous ne voulons plus de ce discours. Nous sommes fatigués d’entendre ça. Nous devons aller au-delà. Il faut interdire ces vendeurs de médicaments de la rue pour qu’ils puissent payer les impôts. Les maires ne doivent plus accepter cela. En passant, je salue le Gouverneur de la Région de l’Ouest et de l’Est qui travaillent quotidiennement sur la question. Je salue le Directeur Général de la Douane qui fait un travail formidable avec certains de ces éléments. Nous travaillons avec pleines d’autorités en l’occurrence le Préfet du Département de l’Océan. Nous pensons que d’ici quelques années, nous pouvons éradiquer ce phénomène qui gangrène notre activité de pharmaciens au quotidien.

Nous ne pouvons pas ne pas évoquer les problèmes de rupture de certains médicaments. Comment comprendre ce phénomène ?

Il y a d’abord un phénomène mondial et il y a également des petits soucis avec les laboratoires qui ne déposent pas les autorisations. Les dépôts et certains éléments qui trainent au niveau de l’administration. D’ici la semaine prochaine le Directeur de la Pharmacie a lancé une commission du médicament par exemple. Nous allons travailler sur cette question.

Quelles sont les actions menées par l’Ordre national des Pharmaciens du Cameroun ?

L’ordre des pharmaciens fait un plaidoyer. J’ai été un moment au marché Mokolo à Yaoundé. Depuis deux ans, je bataille pour qu’on puisse multiplier des actions sur le terrain contre ces médicaments de la rue. Il faut donc que les pharmaciens puissent y adhérer massivement. Le ministre de la Santé publique nous attend sur cette question. Il faut qu’on prenne notre part de responsabilités. Je suis convaincue que nous pouvons faire bouger les lignes. Mais, si les pharmaciens veulent quelque chose et en même temps ne veulent pas, ce n’est pas qu’ils sont coupables. Tout le monde sera sanctionné au sein de la profession. Nous sommes en train de faire des enquêtes. Certains passent déjà au conseil de discipline. Nous demandons aux autorités de nous aider et aux pharmaciens de s’impliquer entièrement et physiquement. C’est en ce moment qu’on va dire apparemment, ils ne sont pas dans le ce circuit. S’ils ne veulent pas y aller, on se dire qu’ils favorisent cette vente illicite des médicaments.

Vous avez évoqué à chaque fois la précarité dans le métier de pharmacien au Cameroun. Comment cela s’explique ?

Nous parlons de précarité dans l’activité de pharmacien par rapport aux pays avoisinants et la marge du médicament. Depuis la dévaluation, cette marge a baissé. En Côte-d’Ivoire et au Sénégal, elle a été augmentée. Vous savez, le pharmacien paye les impôts et s’il faut créer la richesse, investisse dans l’industrie et la recherche, s’il n’a pas d’argent, il ne peut pas investir à l’intérieur. La lutte contre la vente illicite des médicaments est un pilier de notre mandat. Nous bataillons pour que les pharmaciens puissent s’installer et aient une vie assez digne pour réinvestir dans le secteur recherche et l’industrie au Cameroun.

Comment voyez-vous la formation des jeunes pharmaciens au Cameroun ?

En matière de formation tout peut être améliorable. Nous sommes satisfaits de la formation des pharmaciens dans les différentes écoles de formation au Cameroun. Mais, nous demandons encore plus. Nous avons demandé au Ministre de l’Enseignement Supérieur qui a validé la spécialisation des pharmaciens. Nous sommes en train de parler de la formation continue des pharmaciens. Nous sommes en train de parler de ces jeunes qui sortent, comment faire pour les encadrer professionnellement et leur former encore sur le plan pratique du terrain pendant trois ou six mois ? Nous n’allons jamais faire l’économie d’une formation. Pour être pharmacien au Cameroun, il faut au maximum six ans.

Quel est votre plaidoyer ?

Le plaidoyer auprès des autorités est d’abord le monopole du pharmacien, la lutte contre la vente illicite des médicaments, l’exercice illégal de notre profession, une bonne formation de nos stagiaires étudiants et pharmaciens en continue. Je m’en voudrais si je ne parle pas de l’industrie pharmaceutique.

Interview réalisée par Catherine Aimée Biloa

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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