Depuis plus d’un an, Luc Messi Atangana, en collaboration avec le ministère de la Santé publique prend gratuitement en charge les malades du cerveau au « Village de l’amour », pavillon réservé à cette cible au sein de l’Hôpital Jamot de Yaoundé.
Il fallait un homme de poigne et au background avéré pour prendre le relais de Tsimi Evouna, à la tête de la Mairie de la ville de Yaoundé. Et c’est Luc Messi Atangana qui a raflé la mise. Depuis mars 2020, il est le Maire de la capitale politique du Cameroun. L’histoire retient que c’est Luc Messi Atangana qui a réhabilité le « Village de l’amour » à l’Hôpital Jamot de Yaoundé. Depuis plus d’un an, une équipe de jeunes gens a été formée pour stabiliser ces malades mentaux. « L’assainissement de la ville et la lutte contre le désordre urbain passent aussi par la discipline de ces personnes dont la réflexion a été chamboulée du fait de plusieurs facteurs qui peuvent être, selon les spécialistes, le stress en famille, en milieu professionnel, dans la cadre conjugal…sans oublier les causes spirituelles qui ne sont pas à négliger », explique-t-il.
Cette activité a commencé en 2021, notamment le 05 mai 2021, avec la cérémonie officielle de la campagne de sensibilisation pour leur prise en charge. En effet, pendant environ 05 mois, il a été question de descendre dans les 07 arrondissements de la ville de Yaoundé, pour sensibiliser sur la problématique de la santé mentale, d’expliquer ce que c’est que la santé mentale, le problème de la santé mentale, parler spécifiquement de la santé des personnes atteintes de maladies mentales et errantes (PAMMES), c’est-à-dire de la schizophrénie, parce que c’est la maladie dont souffre ces personnes-là.
C’est comme ça qu’à partir du 07 août 2021, nous avons commencé la prise en charge de ceux dont les familles avaient accepté leur prise en charge à domicile. On allait dans les rues, on les prenait et on les amenait à domicile pour effectuer la prise en charge de ceux qui étaient enfermés et enchainés à domicile. Actuellement, nous avons plus de 130 patients que nous suivons en communauté. Ça c’était la deuxième étape qui était la prise en charge effective en communauté après la sensibilisation. Même la dernière phase que tout le monde voit, c’est celle qui consiste à prendre ceux qui sont réellement abandonnés, dont aucune famille ne s’est signalée. Dans ce cas, nous les prenons, pour les amener ici pour une prise en charge au « village de l’amour », qui est un service entièrement réhabilité par Monsieur le Maire de la ville de Yaoundé de Yaoundé.
L’état des lieux dressé par le Dr Laure Menguene parle de 387 personnes actuellement prises en charge par la Mairie de la ville. 145 bénéficiant des soins en communauté depuis le 7 août dernier et 147 internées à l’Hôpital Jamot. Déclarés stables par les professionnels de la santé mentale, une quarantaine de patients ont d’ores et déjà regagné leurs familles.
Les familles qui hésitent à reprendre les leurs. Nombreuses sont ceux qui viennent là pour rendre visite, et à l’occasion de cette visite, on fait la sensibilisation, en faisant la psychoéducation. Parce que beaucoup de personnes pensent que les personnes qui font la maladie sont maléfiques, ont trempé les mains, sont victimes d’un sort, donc, ils ne veulent pas être en contact avec eux. Quand on a l’occasion de les avoir quand ils rendent visite, on les fait comprendre que c’est la maladie, que c’est le cerveau qui est malade, comme les reins, le foie qui peuvent être malade, et ils se font traiter.
Il est encore possible de faire quelques choses pour ces malades. Si on peut transformer cette activité en projet. Tous les programmes que nous avons dans notre pays sont attachés à la santé physique : paludisme, hépatite, tuberculose, Vih…etc, il y a aucun programme réservé à la santé mentale, sur toute la panoplie des programmes sur la santé au Cameroun.
E.S.N
Interview
“La schizophrénie n’est pas une malédiction. C’est une maladie au même titre que le diabète et l’hypertension”
Dr Laure Menguene, chef de service de psychiatrie B à l’hôpital Jamot et sous-directeur de la santé mentale au ministère de la Santé publique
Est-ce-que les personnes que l’on traite de fous ou folles dans la rue, ne seraient pas plutôt atteintes de schizophrénie ?
Effectivement ces personnes sont atteintes d’une maladie appelée schizophrénie. C’est-à-dire que c’est un trouble psychotique.
L’individu est déconnecté de la réalité et il est dans son monde à lui. Lorsqu’on dit que quelqu’un est astique sur le plan mental fonctionne normalement, à une pensée correspond une émotion qui correspond à un comportement. C’est-à-dire que si vous êtes par exemple content, sur le plan émotionnel on doit voir l’expression de la joie et sur le plan comportemental. Mais dans le cas de la schizophrénie, ces trois constances là, c’est-à-dire l’intellect, la pensée l’émotion et le comportement ne sont plus liées. C’est pour ça que vous allez les voir rire alors qu’il n’y a aucun élément perceptible qui les met dans cet état.
Pourquoi tant de mystères autour de la schizophrénie ? Pour certains ce serait de la sorcellerie et des pratiques mystiques, pourtant ce n’est qu’une maladie. A-t-elle un caractère héréditaire ?
En Afrique quand quelqu’un présente un trouble du comportement, sur le plan de la culture ça s’explique par quelque chose de mystique, de surnaturel. Ça c’est la perception culturelle de la maladie mentale. Maintenant il y a une différence entre cette perception et celle qui est réelle. Dans la perception réelle, c’est donc une maladie comme toutes les autres, c’est une maladie du cerveau qui fonctionne mal, qui secrète en trop ou en moins certaines substances et qui donne ce type de manifestations.
Etant donné que c’est une maladie normale comme le diabète, l’hypertension, elle a également une cause génétique. Comme il y a des familles des personnes diabétiques, des personnes hypertendues, il y a également des familles des personnes atteintes de schizophrénie. Mais dans notre contexte, une fois que dans une famille, il y a deux ou trois personnes atteintes de schizophrénie, on pense à la sorcellerie, à la possession et autres.
Quel est le traitement proposé pour cette maladie ?
On a environs 25% des patients qui vont guérir mais comme généralement c’est une problématique qui donne lieu à beaucoup de représentations socio-culturelles, on va d’abord chez les prêtres exorcistes, les tradi-praticiens, pendant des années. C’est lorsque la maladie a déjà pris une certaine ampleur et qu’on est dépassé de ce côté-là qu’on vient à l’hôpital. Malheureusement dans ce type de situation donc, on se retrouve à avoir une prise en charge à vie.
Ce qui ne veut pas dire que la personne aura cette manifestation de façon permanente. Ça veut simplement dire que comme le diabète, on donne le médicament pour le stabiliser, il mène sa vie normalement, il est productif, mais il devra s’habituer à la prise régulière et quotidienne de médicaments.
Ces personnes qui sont par exemple dans la rue, peuvent être productives si elles sont accompagnées. C’est pour ça qu’on parle de l’accompagnement des familles et de la société toute entière. Quand on a un malade qui fait sa crise de paludisme ou bien de fièvre typhoïde et qu’on l’amène à l’hôpital, on ne va pas l’abandonner là-bas.
On est là pour l’aider à prendre ses médicaments, pour le soutenir et l’accompagner parce qu’effectivement la prise en charge, c’est le médicament et c’est ce soutien. Ce qui se passe dont c’est cette catégorie de personnes atteintes de la schizophrénie, qui n’ont ni médicaments, ni soutien de la famille et des médicaments, c’est la mort sociale. Tous les malades ont droit à la santé, à être soutenus et aimés.
Propos recueillis par Divine KANANYET