Saison pluvieuse à Maroua : Dix victimes déjà emportées par le Mayo

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Les fortes pluies qui s’abattent sur Maroua transforment le Mayo en un véritable piège. Dix personnes ont déjà perdu la vie, et l’inachevement du pont Palar–Pitoaré sur la nationale numéro 1 amplifie les risques pour les habitants.

Le Mayo, qui traverse la ville de Maroua, est devenu ces dernières semaines le théâtre d’un drame récurrent. Dix corps sans vie ont été repêchés par les sapeurs-pompiers, victimes des fortes pluies qui inondent la capitale régionale de l’Extrême-Nord. Chaque averse, lourde et soudaine, gonfle le lit de la rivière et surprend habitants et passants.

À Doursoungo, l’inquiétude est visible. Abdoulaye, commerçant, raconte avoir vu « un jeune emporté par le courant en tentant de traverser avec sa moto ». Le corps sera retrouvé deux jours plus tard. « On vit avec la peur chaque fois que la pluie tombe. Les enfants ne peuvent plus aller jouer au bord de l’eau comme avant », confie-t-il.

Du côté de Kongola, quartier également sinistré, les habitants dénoncent l’absence d’aménagements. Fadimatou, ménagère, a perdu une nièce. « Elle revenait de l’école quand la pluie a surpris tout le monde. Le chemin était inondé, elle a glissé et le courant l’a emportée. Quand on a retrouvé son corps, il était coincé dans les herbes du Mayo. C’est insupportable », dit-elle.

Le radier du pont Palar–Pitoaré est particulièrement redouté. Chaque pluie y provoque des torrents qui arrachent tout sur leur passage : motos, véhicules, marchandises et même des passants. « C’est un vrai piège. On y perd des vies et des biens chaque année », déplore Antoine Guedjeou, habitant de Pitoaré.

Ce pont, dont la construction devait sécuriser la traversée, est resté un chantier inachevé depuis 2021. Le ministère des Travaux publics a récemment annoncé le retrait du marché à l’entreprise Armada, qui peinait à avancer. « Nous demandons que ce projet soit enfin achevé. Tant qu’il n’y aura pas un pont digne de ce nom, nous continuerons d’enterrer nos proches », alerte cet habitant.

Les sapeurs-pompiers, qui multiplient les interventions, décrivent une situation critique. Selon un officier rencontré sur le terrain, la montée soudaine des eaux rend les opérations périlleuses : « Nous faisons face à des appels incessants. Les victimes sont souvent des personnes qui tentent de traverser malgré les interdictions. Nos équipes font de leur mieux, mais il faut plus de prévention. »

La saison des grandes pluies, qui s’étend de juillet à septembre, est chaque année marquée par des crues destructrices dans la ville de Maroua. Routes impraticables, maisons inondées, pertes de bétail et désormais de vies humaines : les dégâts sont immenses. Pourtant, les mesures de prévention restent limitées. Les caniveaux, souvent bouchés par des déchets, aggravent la montée des eaux.

Des campagnes de sensibilisation à la prudence en saison pluvieuse sont réclamées, mais surtout la reprise et l’achèvement des travaux du pont Palar–Pitoaré pour sécuriser définitivement les traversées.

En attendant, le Mayo, qui serpente au cœur de Maroua, continue de rappeler sa force destructrice. À chaque pluie, c’est une vie qui peut basculer.

Samuel ADJEWA

 

RÉACTION

“Nous déconseillons fortement aux populations de s’aventurer au niveau des berges du Mayo”.

Ninga Gustave Robinson, Commandant la 401e compagnie d’incendie de Maroua.

De façon générale, nous pouvons dire que nous menons les opérations de secourisme, notamment la protection des personnes, l’assistance aux personnes et le secours à victimes.

Nous avons aussi les incendies que nous menons au quotidien. Nous avons la protection des biens , nous participons aux études préventives, notamment en la privation et la sécurisation des points répertoriés de la ville, notamment en apportant notre expertise en matière de sécurité incendie.

En cette période des grandes pluies , le risque que nous avons le plus, ce sont les risques liés à la montée des eaux :  les noyades.  Nous rencontrons beaucoup de cas de noyades, de pertes, de biens liés à la montée des eaux.

Jusqu’ici, on peut dire que nous avons eu 11 cas liés à des personnes dans les eaux environnantes de la ville de Maroua.

Notamment, 10 corps que nous avons repêchés, malheureusement, et une personne que nous avons, Dieu merci, pu extraire des eaux vivantes. En effet, cette personne était coincée au niveau des eaux du quartier Midima, sur l’axe du Mindif. On nous a sollicité, nous avons pu arriver à temps, et on l’a extrait des eaux, sains et saufs.

Maintenant, pour les autres victimes, comme je l’ai dit, les 10 autres cas, on n’a pas pu les sauver. On nous a signalé des cas de noyades et quand nous sommes arrivés, nous avons juste pu extraire des dépouilles.

Notamment, la première difficulté, c’est la population qui ne respecte pas les consignes de sécurité que nous donnons à chaque fois que l’occasion nous est proposée de donner des solutions pour éviter les risques de noyades ou de pertes de biens liés à la montée des eaux.

Nous avons une population qui continue de jouer dans les berges du Mayo, ce qui est toujours fortement interdit. Nous déconseillons fortement aux populations de s’aventurer au niveau des belges du Mayo, même de faire la lessive et autres sessions d’activité assez dangereuses, d’autant plus que nous avons eu beaucoup de cas de noyades liés à ces personnes qui menaient ce genre d’activité.

Propos recueillis par Samuel Adjewa

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