Santé : 5 milliards de personnes risquent d’être privées de soins en 2030
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a exhorté le 22 Septembre dernier les pays à investir au moins 1% supplémentaire de leur produit intérieur brut (Pib) dans les soins de santé primaires pour éliminer les lacunes existantes dans ce domaine.
Selon un nouveau rapport établi par l’OMS et ses partenaires à la veille de la réunion de haut niveau de l’Assemblée générale des Nations unies sur la couverture sanitaire universelle, les pays doivent consacrer au moins 1% supplémentaire de leur Pib aux soins de santé primaires pour que les lacunes flagrantes de la couverture soient comblées et que les cibles fixées en 2015 dans le domaine de la santé soient atteintes, au niveau mondial. Les pays doivent également redoubler d’efforts pour étendre les services à l’échelle nationale.
Le rapport sur le suivi de la couverture sanitaire universelle (CSU) indique que la couverture sanitaire devra doubler au niveau mondial d’ici à 2030. Et signale que si la tendance actuelle se poursuit, jusqu’à cinq milliards de personnes n’auront toujours pas accès aux soins de santé en 2030 année limite de réalisation des objectifs du développement durable (ODD) et année butoir que les dirigeants mondiaux ont fixée pour la réalisation de la couverture sanitaire universelle. La plupart des personnes qui n’ont pas accès aux soins sont pauvres et défavorisées.
L’offre de services doit être étendue
Pour l’OMS, les pays doivent s’efforcer à nouveau d’étendre la couverture des services à l’échelle nationale. La couverture augmente régulièrement depuis 2000 mais un ralentissement est constaté ces dernières années. C’est dans les pays à revenu faible que la couverture a principalement augmenté, mais ceux-ci accusent encore un retard. C’est dans les pays les plus pauvres et les pays en conflit que les lacunes sont les plus importantes.
« Trop de femmes et d’enfants meurent encore de causes qu’il est possible d’éviter ou de traiter tout simplement parce qu’ils n’obtiennent pas les soins vitaux dont ils ont besoin », a déploré Henrietta Fore, la Directrice exécutive du Fonds des nations unies pour l’enfance (UNICEF). « En collaborant avec les communautés pour dispenser des soins de santé primaires aux plus pauvres et aux plus vulnérables, nous pouvons parvenir au but et sauver des millions de vies », a-t-elle souligné.
La couverture est généralement plus réduite en milieu rural qu’en ville. Selon le rapport, les principaux obstacles à la CSU sont le manque d’infrastructures sanitaires, les pénuries de personnels de santé, la fragilité des systèmes d’approvisionnement et la mauvaise qualité des soins, qui suscite de la méfiance de la part des communautés. Selon Natalia Kanem, Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour la population (Unfpa), il est essentiel d’améliorer et d’étendre les soins de santé primaires dans toutes les régions. « C’est la meilleure façon de s’assurer que les gens puissent obtenir les services répondant à la majorité de leurs besoins de santé dès avant la naissance et tout au long de la vie », a-t-elle dit.
Protection contre les difficultés financières
Le rapport de l’OMS signale également qu’il faut protéger les populations des difficultés financières. « Il sera impossible d’atteindre le but de la couverture sanitaire universelle si les pays ne prennent pas des mesures d’urgence pour éviter que les gens ne sombrent dans la pauvreté parce qu’ils doivent payer des soins de santé essentiels », a déclaré le Dr Muhammad Pate, Directeur chargé de la santé, de la nutrition et de la population à la Banque mondiale. « Élargir l’accès à des soins de santé primaires de qualité permettra de sauver davantage de vies tout en proposant des soins qui restent abordable », a souligné le responsable de la Banque mondiale.
Plus de gens subissent les conséquences du paiement direct des services qu’il y a 15 ans. Environ 925 millions de personnes dépensent plus de 10% du revenu de leur ménage pour payer des soins de santé et 200 millions en dépensent plus de 25%. Par ailleurs, l’appauvrissement dû au paiement des soins de santé est en augmentation, sauf parmi les plus pauvres. « Il est choquant de constater qu’une proportion croissante de la population a du mal à joindre les deux bouts parce que la santé coûte trop cher, même dans les économies avancées », s’est indigné Angel Gurria, Secrétaire général de l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE). « Les seuls pays où ce n’est pas le cas sont ceux qui investissent de plus en plus efficacement en faveur de la santé », a-t-il souligné.
Le 23 septembre, les dirigeants mondiaux ont examiné une déclaration ambitieuse sur la couverture sanitaire universelle. Cette déclaration énumère plusieurs mesures à prendre pour avancer sur la voie de la CSU, dont l’application des recommandations de l’OMS en faveur des soins de santé primaires, y compris l’allocation de 1% supplémentaire du Pib, moyennant des investissements supplémentaires ou une réallocation de fonds.
La santé pour tous passe nécessairement par les soins de santé primaires
« Si nous voulons vraiment parvenir à la couverture sanitaire universelle et améliorer la vie des populations, nous devons vraiment mettre l’accent sur les soins de santé primaires », a déclaré le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l’OMS, dans un communiqué. « Cela signifie qu’il faut proposer des services de santé essentiels, comme la vaccination, les soins prénatals et les conseils pour un mode de vie sain le plus près possible de là où habitent les gens et veiller à ce que les usagers n’aient pas à payer eux-mêmes les soins », a-t-il ajouté.
Un investissement supplémentaire de 200 milliards de dollars par an pour augmenter l’offre de soins de santé primaires dans les pays à revenu faible ou intermédiaire permettrait de sauver 60 millions de vies, d’allonger de 3,7 ans l’espérance de vie moyenne d’ici à 2030 et contribuerait considérablement au développement socioéconomique. Cela représenterait une augmentation de 3% par rapport aux 7500 milliards de dollars consacrés à la santé chaque année dans le monde.
L’OMS estime que la plus grande partie de ce financement devrait venir des pays. Le rapport de l’agence onusienne indique que la plupart des pays peuvent étendre l’offre de soins de santé primaires à l’aide de ressources internes – en augmentant les dépenses publiques en santé en général, en réallouant des fonds aux soins de santé primaires ou en faisant ces deux choses à la fois.
Les investissements en faveur des soins de santé sont actuellement insuffisants dans la plupart des pays. Mais pour les pays les plus pauvres, dont de nombreux pays en conflit, ce n’est pas forcément possible. Ces pays auront toujours besoin d’une aide extérieure. Ce financement doit être soigneusement ciblé pour permettre une amélioration durable des systèmes et des services de santé, moyennant le renforcement systématique des soins de santé primaires à l’échelle nationale.
Désiré EFFALA