Santé de reproduction : Entre grossesses tardives et infertilité

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La recherche d’enfants reste une grande préoccupation pour les femmes au Cameroun.

 Dame Colette Tontieu, 55 ans bien sonnées a fait son premier bébé à 26 ans. Sa deuxième grossesse survient 29 ans après le premier accouchement. Pour ce second geste, elle met au monde des jumelles. Son récit est bien palpitant. Tout le monde a pensé à l’infertilité. Elle est donc restée, suivant des traitements, faisant le tour des hôpitaux : « J’ai fait mon premier bébé à 26 ans. Et entre-temps, j’ai eu un problème. J’ai été opérée et ça a certainement fait des dégâts dans mon ventre. On m’a parlé de péritonite qui avait eu des adhérences, donc qui empêchait la conception et tout. Beaucoup de gens m’ont conseillé, des tradipraticiens et des médecins. J’ai fait des tours, mais ça n’a pas marché. Déjà, c’était très, très difficile que je conçoive. Et même quand ça venait, ça repartait tout de suite.  J’ai tout pris, mais ça n’a pas marché.

Un camarade de classe m’a dit : va voir le docteur et j’ai commencé le traitement. 29 ans après mon premier accouchement, j’ai fait un deuxième accouchement, deux filles d’un seul coup et je rends grâce à Dieu. Tout le monde disait que je suis infertile, je ne peux pas faire d’enfant, je ne suis pas une femme. Mais je supportais, je croyais en mon Dieu et je disais, n’importe comment, un jour ça arrivera. Dr. Mélanie Zouatom nous a suivi, mon mari et moi, parce que je n’étais pas seule à suivre le traitement. Quand elle annonce que c’est bon, c’est quand je présente des signes, elle me demande d’aller faire le test. J’ai fait le test, le test est bon », raconte-t-elle, non sans donner des conseils : « Le conseil que je peux donner, c’est qu’il ne faut pas abandonner, il ne faut pas se décourager. Dans la vie, il faut établir l’ordre de priorité, parce que si on ne met pas ça en priorité, c’est beaucoup de sacrifices », de sa bouche on l’a suivi.

Alphonse JENE

« De 13 ans à 38 ans, les femmes devraient avoir fait leurs enfants. »

 Selon la gynécologue obstétricienne et spécialiste de l’aide médicale à la procréation, entre 13 et 38 ans, les femmes devraient avoir fait leurs enfants. La femme a ses règles à 12 ou 13 ans ; elle devrait avoir son premier enfant à l’âge de 23 ans.

Dr. Mélanie Zouatom, gynécologue obstétricienne et spécialiste de l’aide médicale à la procréation

 C’est quoi les grossesses tardives ?

Oui, on parle de plus en plus de grossesses tardives, et avec l’évolution de la société, on en aura encore de plus en plus. Il faut savoir que le terme grossesse tardive a évolué avec le temps. Il y a environ 20-25 ans, le Collège français de gynécologie avait établi qu’une grossesse tardive était celle d’une femme qui accouchait après 35 ans. Avec l’évolution et l’amélioration des prises en charge des femmes enceintes, ainsi que la connaissance des méthodes d’accouchement, cette définition a évolué pour s’étendre aujourd’hui autour de 38-40 ans. Mais il faut savoir qu’à partir de cet âge, même si on parle de grossesse tardive, ce n’est pas l’âge idéal pour avoir un enfant, car c’est déjà un âge critique.

Puisque vous parlez d’âge critique, on sait qu’à un certain âge, si on n’a pas fait d’enfant, c’est qu’on a des problèmes de procréation. Est-ce qu’entre 35, 40, 50, voire 55 ans, il n’y a pas de risque ? Quelles sont les causes ? Pourquoi faut-il attendre un certain âge pour faire des enfants ? 

Il faut scinder les femmes en deux groupes. Il y a des femmes qui, pour des raisons professionnelles ou sociales, parce qu’elles n’ont pas eu de mari ou de conjoint, n’ont pas été dans les conditions pour faire un enfant et qui ont attendu. Elles ont attendu jusqu’à 40 ans et, à ce moment, elles viennent vers le médecin après six mois de vie commune et constatent qu’elles ne sont pas enceintes. À ce moment-là, elles vont vers le gynécologue pour une exploration. Mais il y a aussi des femmes qui ont été mariées entre 25 et 35 ans et qui étaient dans leur phase de fertilité excellente, mais qui, malheureusement, ont traîné des problèmes d’infertilité.

C’est ce groupe de femmes qui se rend d’un cabinet à l’autre, de cliniques en cliniques, voire dans différents pays, pour recourir, si possible, à une aide médicalement assistée. C’est la première catégorie de femmes que nous recevons le plus au Cameroun : celles qui ont fait le tour de plusieurs formations sanitaires parce qu’elles recherchent un enfant en vain et qui, finalement, par chance, parviennent à avoir un enfant, mais à un âge déjà avancé.

Nous avons ces patientes, et il y a d’abord la notion de référence ; cela signifie que le médecin qui prend en charge depuis la campagne doit pouvoir référer la patiente. Ensuite, il y a un problème économique. Vous avez une dame qui est cultivatrice, qui vit très loin en campagne et qui n’a même pas les moyens de venir payer une consultation de trois ou cinq mille francs. Elle est déjà défavorisée, ce qui signifie qu’elle ne pourra aller que vers des personnes qui, compte tenu de ses moyens, ne peuvent lui offrir que ce qu’ils peuvent.

L’autre catégorie de femmes, ce sont celles qui veulent aller à l’école, qui veulent travailler, qui veulent avoir une vie normale. Entre-temps, l’âge évolue et elles se retrouvent face à ce dilemme, entre guillemets. Et il faut faire un enfant, on a 40 ans, peut-être un peu plus ; cela devient également un problème. Mais il faut savoir qu’au Cameroun, surtout en Afrique noire, les femmes veulent faire des enfants très tôt. Je ne crois pas que les femmes mettent leur vie professionnelle en avant.

Les femmes, certes, veulent mener leur vie professionnelle, mais elles souhaitent faire leurs enfants très tôt, c’est-à-dire à un âge raisonnable, entre 25 et 30 ans. Mais si les conditions ne sont pas réunies, si elles ne sont pas mariées, il faut aussi savoir que les hommes deviennent plus exigeants. Les hommes sont moins enclins à convoler avec une jeune femme, et à ce moment-là, elles ne peuvent qu’attendre.

Nous avons donc ces femmes qui, après plusieurs années, un jour, si elles ont la chance de trouver un conjoint pour faire un enfant, se retrouvent souvent à 40 ans, 42 ans.

Docteur, vous avez réussi à trouver la petite faille qui empêchait cette femme de tomber enceinte.On a des patientes qui, à 45 ans, ont recours à l’aide médicale à la procréation… 

Il faut dire au couple qu’à cet âge, on a recours à un don d’ovocytes. Heureusement, lorsque le mari, le conjoint, ne présente aucun problème en raison des paramètres spermatiques, dès que le couple accepte l’idée d’un don, il faut prendre en compte tous les risques qui pourraient peser sur ce couple ou sur cette femme à porter cette grossesse. Malheureusement, nous avons des taux de réussite qui sont bas. Même en Europe, les taux ne sont jamais au-dessus de 35%. Alors, imaginez les 65% qui n’ont pas d’enfants et qui pourraient dire que la technique ne fonctionne pas.

 

Il y a une femme de 55 ans qui est en bon état de santé et qui peut porter une grossesse, mais son âge seul peut la limiter. Vous avez à côté une femme de 40 ans qui est obèse, hypertendue, diabétique, et qui constitue un risque. Alors, c’est le médecin qui évalue au cas par cas ?

 

Effectivement, c’est pour cela qu’il ne faut pas s’aventurer. Il ne faut pas donner cet espoir et surtout considérer qu’à 55 ans, c’est une chose facile et que la fécondation in vitro est une panacée qui résout tous les problèmes. Je le répète, c’est le médecin face à son patient. Chaque médecin devrait pouvoir prendre en compte tous ces éléments. Parce que sans ces éléments, si on ne les prend pas en compte et qu’on croit qu’il suffit de passer dans un laboratoire, d’avoir des embryons et de faire un transfert d’embryons pour réussir, c’est faux.Vous êtes spécialiste de l’aide médicale à la procréation. À partir de là, on peut comprendre que vous avez un secret. Quelle est la méthode que vous utilisez pour atteindre l’objectif ?

La seule chose que je dirais, c’est que la femme cesse d’être fertile à 45 ans. À partir de 45 ans, les femmes devraient accepter de recourir à un don d’ovocytes, car elles ne peuvent plus produire d’ovocytes. Mais accepter de recourir à un don d’ovocytes ne résout pas tous les problèmes. Il y a une phase qui est la phase de préparation.Il faut amener la patiente à comprendre que c’est une grossesse qui sera hautement médicalisée. Par ailleurs, il faut comprendre si la patiente est capable de respecter ses rendez-vous, son traitement, et des semaines d’hospitalisation. Cela, c’est très important.

Alors, Docteur, à quel âge devrait-on faire un enfant, finalement, pour éviter les désagréments ? 

La femme a ses règles à 12 ans, 13 ans. Mais vous imaginez, 12-13 ans, 10 ans après, à 23 ans, elle devrait faire son premier enfant. Mais on ne demande pas de le faire, car il y a les études. On devrait faire ses études, avoir une vie professionnelle, construire sa vie. Ce qui est le cas aujourd’hui, depuis peut-être 25 ans, les femmes font le même cursus que les hommes, donc il n’y a plus aujourd’hui de raison de dire que je vais arrêter mes études parce que je dois me marier. Mais il faut aussi dire que 20 ans après, à 33 ans, cela fait 20 ans, donc la femme a un quart de siècle de fertilité.

De 13 ans à 38 ans, rien n’est fait au hasard. Entre 13 et 38 ans, les femmes devraient avoir fait leurs enfants. C’est pourquoi nous exhortons. C’est vrai, on se dit qu’il faut que je réunisse cela, j’ai un mari, j’ai un bon travail, j’ai ceci, j’ai cela. À un moment, il faut aider ces femmes à comprendre qu’elles peuvent paraître jeunes, mais leurs ovaires reflètent leur âge.

 

Et cela, c’est clair. Et cela ne changera pas. C’est la seule chose, malheureusement, que la femme n’a pas encore gagnée. Cela signifie conserver ses ovaires le plus longtemps possible. C’est comme ça depuis la nuit des temps. Et là, c’est dans le cas où elle n’a pas contracté une maladie qui va détruire ses ovaires, peut-être ? Les seules infections qui peuvent constituer un obstacle à une fécondation spontanée sont l’obstruction des trompes. J’entends souvent des couples me dire : « Oh, ma femme a 30 ans, 31 ans, c’est encore trop tôt. » C’est tôt. Mais 30 ans, 31 ans, c’est tôt, mais dans 5 ou 6 ans, on va entrer dans la maternité.

Quelles sont les chances qu’une femme peut avoir en faisant une grossesse tardive ?

Pas beaucoup plus de risques, car si l’on s’attarde sur les risques, c’est autre chose. Il y a toujours un maître mot : faire des enfants à un âge raisonnable. Cela signifie que si les couples qui entrent dans un processus de procréation et qui veulent faire leurs enfants de manière spontanée, il est idéal de s’y prendre tôt. Parce que lorsqu’on constate des problèmes, on est encore dans la tranche d’âge acceptable. À ce moment-là, l’aide médicale permet de résoudre ces problèmes. Mais lorsque la femme passe un certain âge, après 36 ans, 38, 39, 40 ans, je vois ces couples dans un processus de stimulation. Quand vous leur faites savoir que votre femme, votre épouse a eu une mauvaise réponse, que nous avons eu deux ovocytes ou trois ovocytes, cela est difficile à comprendre pour un couple, surtout quand la femme a 38 ans. Parce qu’ils sont convaincus qu’à 38 ou 40 ans, la femme peut produire autant qu’elle veut. Oui, les femmes peuvent faire des enfants jusqu’à 46 ans, mais ce sont des femmes que j’appelle des miraculées, qui heureusement n’avaient aucun problème et qui n’en ont jamais cherché. Mais si on a cherché un enfant, on n’attend pas 48 ans pour venir chercher un enfant. Il ne faut pas attendre qu’elle ait 38 ou 39 ans pour venir dire : « Docteur, faites tout pour que ma femme ait une grossesse. »

Interview réalisée par Alphonse Jénè

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