Dr Ebongo Zackeus Nanje « En 2022, le Cameroun a réparé 142 cas de fistules obstétricales »

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Directeur de la santé familiale, il définit les fistules obstétricales non sans passer au scanner les causes, les conséquences et les moyens de prise en charge des femmes souffrant de ce mal-être.

C’est quoi la fistule obstétricale et quelles sont les données globales de cette maladie au Cameroun ?

La fistule obstétricale est une communication anormale entre le  rectum et la vessie d’une part et d’autre part entre la vessie et le vagin ou alors entre la vessie, le vagin et le rectum.  C’est un problème mondial qui  touche les femmes en âge de procréer entre 15 et 49 ans avec la majorité des cas en Afrique et en Asie. Selon les données de l’organisation mondiale de la santé, il y a environ 2 millions de cas non traités dans le monde. Chaque année, on compte entre 50 mille et 100 mille nouveaux cas dans le monde et au Cameroun particulièrement on dénombre près de 2000 cas, selon les dernières études de l’enquête démographique et de la santé de 2018. Ces données sont variables selon les régions du pays et selon qu’on se trouve en zone rurale ou en zone urbaine. En 2022, le Cameroun a réparé 142 cas de fistules obstétricales.

Quelles sont les causes des fistules et comment se manifestent-t-elles ?

Il faut noter  que les fistules sont le résultat de l’accouchement difficile surtout ceux qui sont menés hors de l’hôpital ou d’une formation sanitaire. La femme ne fait pas les consultations prénatales, encore moins ses visites, au terme de la grosse accouche à la maison sans assistance médicale et la plupart des cas ce sont des accouchements distorsique. Il y a obstruction et comme cet accompagnement n’est pas surveillé, la femme applique anormalement la force ce qui entraîne la déchirure entre les parois qui séparent la vessie et les canaux du rectum et du vagin.  En plus de ça, il y a des instrumentalisations, notamment quand on manipule des organes avec des mains non entraînées, inexpertes. Il ne faut pas oublier les interruptions de grossesse  dans les sous quartier et autres. Mais en premier lieu il s’agit des accouchements difficiles, qui se passent hors des formations sanitaires et qui ne sont pas suivies.

Quelles sont les normes du Cameroun dans la prise en charge des femmes souffrant de fistules ?

Nous avons notre plan stratégique sur les fistules obstétricales Cameroun qui date  de 2015 et qui est en voie de révisions.  Il y a dans ce plan les principaux axes à respecter : la mobilisation et la communication en faveur de la fistule obstétricale ; la prévention ; la prise en charge médico-chirurgicale ; la réinsertion socio-professionnelle des femmes guéries ; et la gestion intégrée des interventions de lutte contre les fistules obstétricales. La  mobilisation vise l’amélioration des connaissances des populations sur la problématique de la fistule et ses conséquences, parce que tout se passe en communauté et si elles ne sont pas assez mobilisés pour dénicher ces cas-là, afin de  sensibiliser les femme en âge procurer d’aller faire les visites lorsqu’elles tombent enceintes, on aura des difficultés. L’autre axe c’est la prévention. Quand on fait la mobilisation communautaire il faut pouvoir prévenir. Pour ce qui est de la prévention, elle se fait à plusieurs niveaux. La prévention primaire qui inclut la lutte contre les mariages et grossesses précoces, la promotion du planning familial dans tous les secteurs : les écoles, les lycées, les collèges et les universités ; la lutte contre la malnutrition chez la jeune fille parce qu’une femme qui est bien nourri, va renforcer les parois qui séparent tous ces canaux. Dans certaines régions du Cameroun, les femmes ne se rendent pas à l’hôpital seules. Il faut qu’elles soient capables de le faire pour lutter contre les inégalités. Ça signifie simplement que si le mari n’est pas là, la femme ne peut pas se consulter ou se rendre à l’hôpital. Il y a aussi la  prévention secondaire qui repose sur le recours aux consultations prénatales ; signes de danger pendant la grossesse et l’accouchement ;  l’appropriation du plan de préparation à l’accouchement par la FE ;  la disponibilités des  ambulances,  des kits obstétricaux ou autre système de subvention du coûts des soins. Ça fait que la femme qui va accoucher n’a pas forcément besoin d’avoir l’argent sur elle pour être prise en charge. On utilise ce qui est là comme kits, on la prend en charge et l’argent vient après. C’est cette politique que nous sommes en train de promouvoir et nous pensons qu’elle va nous conduire à prévenir les FO et les décès maternelle.

 Le 3e axe qui est la prise en charge chirurgicale, concerne le volet sur lequel nous nous focalisons plus. Quand on procède à la prise en charge médico-chirurgicale, il faut un suivi très rapproché de la femme. Bien avant ça il faut prévenir les complications c’est-à-dire que la femme a déjà la fistule, les infections vaginales à répétition, des voies urinaires ainsi de suite. Il faut également avoir les équipements appropriés, le personnel notamment les chirurgiens, les urologues, les sages-femmes, tous bien formés,  déployés en quantité et en qualité dans chaque formation sanitaire. L’autre axe c’est la réinsertion socio-professionnelle, déjà que les fistules sont très stigmatisantes. En communauté, lorsque les voisins sont au courant qu’il y a des femmes pour vulgairement le dire, font cacas et pissent sur elles en même temps, on s’éloigne. Cet état provoque des odeurs nauséabondes qui font en sorte que la femme perd confiance en elle, son respect et entre dans une dépression extrême. C’est un fléau social que nous combattons aussi. Le ministère avec les partenaires après la réparation de ces FO,  offre des micro crédits à ces femmes pour qu’elle recommence à se prendre en charge elle-même. Ça lui permet de se reprendre et contribuer au développement de sa communauté longtemps empêchée par la maladie. Le dernier axe est gestion intégrée des interventions de lutte contre les FO , il faut encourager les chirurgiens, les gynécologues et les autres, renforcer les capacités des nouvelles équipes, intensifier la recherche et réparation des cas   ainsi que le mécanisme Kick Start.

Au niveau de la santé familiale, qu’est ce qui est concrètement fait pour l’insertion de ces femmes dans la société ?

Qui dit DSF dit, ministère de la Santé publique. Nous sommes là structure technique dont la principale mission est de concevoir, d’élaborer les stratégies et de superviser la mise en œuvre de tous ces programmes sur le terrain. Pour ces femmes porteuse des FO en communauté, la DSF, est avec parce que nous concevons les programmes ici au niveau centrale et nous les déployons dans les régions. Nous menons le plaidoyer pour la collecte de fonds et les intrants, ainsi que les campagnes dans les régions. Avec notre partenaire financier et technique l’UNFPA, nous avons 04 régions prioritaires dont les 03 régions septentrionales et la région de l’Est. Nous menons des plaidoyer sur le terrain, nous faisons la recherche active des cas, on transporte dans les hôpitaux et on les répare avec un suivi gratuit jusqu’à 06 mois. Tout ceci nous a permis de penser à faire pérenniser les acquis et nous sommes dans la dynamique de faire le plaidoyer auprès des autres partenaires et les parties prenantes pour créer un pôle d’excellence pour la prise en charge des FO au Cameroun et c’est à Maroua. Ce centre nous permettra d’avoir un environnement spécialisé dans la prise en charge des FO

Quels conseils pour les populations et les femmes victimes de fistules obstétriques stigmatisées ?

Il faut qu’ils comprennent que la FO est une maladie comme les autres. Il faut que quand les populations ont connaissance qu’une femme vient d’accoucher, et qu’elle a la fistule, qu’on puisse la rassurer et voir comment l’aider pour la mettre en confiance surtout l’encourager à aller à l’hôpital pour la prise en charge. Il n’est pas question de stigmatiser les femmes qui souffrent de FO mais de les encourager et sensibiliser les autres pour l’acceptation de ces femmes.

Divine KANANYET

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