Ngaoundéré 3ème : l’abandon des enfants inquiète

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En l’espace de quelques mois, une demie dizaine de cas d’enfants abandonnés dans le 3èmearrondissement de la ville de Ngaoundéré. Au centre de ce phénomène les étudiants ayant contracté le mariage académique.

La population de l’arrondissement de Ngaoundéré 3ème est constituée en grande partie des étudiants issus des diverses contrées du triangle national et des pays de la sous-région Afrique centrale. Les autochtones représentent à peine 40% des habitants. Ce cosmopolitisme est à l’origine d’un brassage entre ces différentes sensibilités. De ce brassage, naissent généralement des unions libres où le réflexe de l’utilisation des méthodes de contraception pour éviter les IST et les grossesses non désirées sont reléguées aux calendrier grecques. Le climat glacial de la zone aidant, les grossesses se multiplient. Malheureusement, certains fruits de ces unions libres finissent quelques heures seulement après leur venu au monde dans les poubelles et les décharges d’ordures ménagères. Les plus chanceux d’entre eux sont tout simplement abandonnés devant les services sociaux.

Aux affaires de l’arrondissement, les cas d’abandon des nouveau-nés sont répertoriés presque tous les mois. Ces infortunés sont pour la plupart des cas abandonnés par l’un des ’’conjoints’’. A en croire le chef de centre social de Ngaoundéré 3ème, au cours du premier semestre de l’année 2022, elle a déjà enregistré 5 enfants abandonnés. ’’Nous avons enregistré en cette année 5 enfants abandonnés. Parmi ces 5 cas, 3 ont été donnés et 2 autres abandonnés à la poubelle’’ déclare Mme Ngagou Happi Lousiadie , chef du centre social de Ngaoundéré 3ème. Pour elle, « il y a une femme qui a déposé son bébé dans la poubelle et en rentrant elle croise son mari qui revenait de la prière du matin. Nous avons été alertés et avons récupérés le bébé puis confié l’affaire à la justice ». Au sein de la communauté de Ngaoundéré 3ème, des sources indiquent les enfants abandonnés dans les couples dûment fondés sont ceux issus de l’adultère. A côté des enfants abandonnés issus des couples légaux, il existe ceux issus des unions libres entre les étudiants.

 Devant la montée en puissance de ce phénomène dans le village universitaire, les paroles se libèrent appelant à une sexualité responsable. Le professeur Falna Taubic, chef de département de sociologie et d’anthropologie à l’Université explique ce phénomène par l’irresponsabilité des acteurs. ’’Ce phénomène qui prend de plus en plus de proportions importantes en milieu universitaire est regrettable pour la simple raison qu’il bafoue la dignité et rabaisse la valeur humaine. On peut rendre compte de ce phénomène par l’incapacité de ces étudiantes et étudiants à prendre en charge leur responsabilité sexuelle, matrimoniale et patrimoniale. Du fait de leur profession qui consiste à faire les études’’.

Pour réduire à sa plus simple expression le phénomène, chacun, en fonction de ses qualités proposent des solutions à mettre en œuvre dans le court, moyen et long terme. ’’Pour barrer la route à cette pratique qui tend à devenir ostentatoire dans le village universitaire, nous avons mis l’accent sur la sensibilisation de la couche juvénile et le respect des droits fondamentaux des enfants et surtout à la responsabilité des parents. ’’ fait savoir le chef de centre social de Ngaoundéré 3ème. Pour l’universitaire, les ministères sectoriels en charge de l’encadrement des familles et les autres acteurs sociaux doivent mutualiser leurs efforts sur le terrain de la sensibilisation, avec à la clé des échanges directs avec les composantes de la ville universitaire. ’’l’une des solutions réside dans la sensibilisation qui interpelle tous les acteurs sociaux notamment le responsable du ministère de la promotion de la femme et de la famille, les religieux, les enseignants, les leaders d’étudiants etc’’ conseille le Pr. Falna Taubic. Il interpelle par la même occasion, les instances de coercition pour sanctionner les personnes reconnues coupables dans les cas d’abandon des enfants. ’’La sanction qui relève de l’application de la loi constitue tout aussi une solution, car il s’agit là d’une infraction. Attendue que le fait d’abandon de nouveau-né constitue une infraction, l’auteur court le risque d’être poursuivi par la justice et se retrouver en prison’’, conclue-t-il.

S’il est vrai que les cas d’abandon des enfants sont monnaie courante dans la zone universitaire de Dang, la question des IST est également préoccupante. Les faibles engouements observés lors des campagnes de dépistage est un signe fort selon certains pairs éducateurs de ce qu’une bonne franche de la population estudiantine souffre de ces maladies.

Jean BESANE MANGAM

Interview

« L’abandon des nouveau-nés est une conséquence d’une maternité et d’une paternité inattendue et donc irresponsable de la part des étudiants et des étudiantes »,

Pr Falna Taubic, chef de département de sociologie/ anthropologie à la Faculté des Arts, Lettres et Sciences Humaines de l’Université de Ngaoundéré

Le phénomène d’abandon des enfants prend de plus en plus de l’ampleur dans le village universitaire ces derniers temps ; professeur qu’est ce qui peut expliquer la montée en puissance de cet acte répréhensible ?

L’université est un milieu dans lequel les étudiants et les étudiantes acquièrent des connaissances d’un niveau supérieur et relevé. De ce point de vue, il est hétérogène et génère des valeurs positives et négatives

L’abandon des nouveau-nés par les étudiantes-mères aux « époux académiques » et voltigeurs est à inscrire parmi les valeurs dites négatives générées en milieu universitaire et relève de la déviance. Ce phénomène qui prend de plus en plus de proportion importante en milieu universitaire est regrettable pour la simple raison qu’il bafoue la dignité et rabaisse la valeur humaine. On peut rendre compte de ce phénomène simplement par l’incapacité des étudiantes et des étudiants à prendre en charge leur responsabilité sexuelle, matrimoniale et patrimoniale. Du fait de leur profession qui consiste à faire les études, l’influence d’un autre déterminant lier à la religion et aux traditions rendent également compte de ce phénomène.

En effet, du fait de partager un même milieu, les interactions matrimoniales défient les barrières sociales et religieuses. Or, la société continue à condamner ou à rejeter les unions mixtes. Abandonner les nouveaux-nés participe de ce fait à se conformer aux normes sociales et à gommer son histoire matrimoniale.

Quel impact social ce phénomène pourrait causer ?

L’abandon des nouveaux-nés est une conséquence d’une maternité et d’une paternité inattendue et donc irresponsable de la part des étudiants et des étudiantes. Cette situation est susceptible de perturber le cursus universitaire de ces derniers et peut même contribuer à l’abandon des études.

Quelles sont les solutions que vous proposez en tant qu’acteur et docteur de la société pour limiter voire stopper ce fléau ?

L’une des solutions réside dans la sensibilisation qui interpelle tous les acteurs sociaux notamment les responsables du Ministère de la Promotion de la femme et de la famille, les religieux, les enseignants, les leaders d’étudiants etc.

La sanction qui relève de l’application de la loi constitue tout aussi une solution car il s’agit là d’une infraction. En outre, les auteurs notamment l’étudiante mère perd sa valeur et statut de jeune fille et est frappée de la déchéance matrimoniale. Dans les sociétés du nord Cameroun, elle cesse d’être une jeune fille pour devenir simplement une prostituée. Attendu que le fait d’abandonner le nouveau-né constitue une infraction, l’auteur cours le risque d’être poursuivi par la justice et se retrouver en prison.

Propos recueillis par Jean BESANE MANGAM

 

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