Selon le rapport de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le Fonds international de développement agricole (FIDA), le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), le Programme alimentaire mondial (PAM) et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), ce chiffre est plus de deux fois supérieure à ceux de l’Asie (381 millions) et de l’Amérique latine et des Caraïbes (48 millions). Si la tendance actuelle se poursuit, en 2030, l’Afrique abritera plus de la moitié des personnes qui souffrent de manière chronique de la faim dans le monde.
Le rapport sur l’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde est l’étude mondiale qui fait le plus autorité en matière de suivi des progrès réalisés pour ce qui est d’éliminer la faim et la malnutrition. Elle est produite conjointement par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le Fonds international de développement agricole (FIDA), le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), le Programme alimentaire mondial (PAM) et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Dans l’avant-propos, les responsables des cinq institutions avertissent que « cinq ans après que le monde s’est engagé à éliminer la faim, l’insécurité alimentaire et toutes les formes de malnutrition, nous ne sommes toujours pas en voie d’atteindre cet objectif d’ici à 2030 ». Dans cette édition, des mises à jour de données essentielles concernant la Chine et d’autres pays densément peuplés ont conduit à une réduction substantielle des estimations du nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde, qui s’élève actuellement à 690 millions.
La tendance, cependant, n’a pas changé. La révision de l’ensemble des données relatives à la faim depuis l’année 2000 aboutit à la même conclusion : après avoir diminué régulièrement pendant des décennies, la faim chronique a lentement commencé à augmenter en 2014 et continue de le faire. L’Asie reste la région où l’on trouve le plus grand nombre de personnes sous-alimentées (381 millions). L’Afrique vient en deuxième position (250 millions), suivie de l’Amérique latine et des Caraïbes (48 millions). La prévalence mondiale de la sous-alimentation, soit le pourcentage global de personnes qui souffrent de la faim, évolue peu- autour de 8,9%, mais les chiffres absolus sont en augmentation depuis 2014. Cela signifie que ces cinq dernières années, la faim a augmenté au même rythme que la population mondiale. Cette situation, à son tour, masque de grandes disparités régionales : en pourcentage, l’Afrique est la région la plus touchée et la situation continue de s’aggraver, puisque 19,1% de sa population est sous-alimentée. Ce taux est plus de deux fois supérieure à ceux de l’Asie (8,3 pour cent) et de l’Amérique latine et des Caraïbes (7,4 pour cent). Si la tendance actuelle se poursuit, en 2030, l’Afrique abritera plus de la moitié des personnes qui souffrent de manière chronique de la faim dans le monde.
Le bilan de la pandémie
Alors que la lutte contre la faim stagne, la pandémie de Covid-19 intensifie les vulnérabilités et les insuffisances des systèmes alimentaires mondiaux, c’est-à-dire l’ensemble des activités et des processus qui affectent la production, la distribution et la consommation d’aliments. Bien qu’il soit trop tôt pour évaluer l’impact total des mesures de confinement, le rapport estime qu’au minimum 83 millions de personnes supplémentaires, peut-être même 132 millions, pourraient souffrir de la faim en 2021 en raison de la récession économique déclenchée par la pandémie. Ce revers jette un doute supplémentaire sur la réalisation du deuxième objectif de développement durable (Faim « zéro »). Vaincre la faim et la malnutrition sous toutes ses formes (y compris la dénutrition, les carences en micronutriments, le surpoids et l’obésité) ne se limite pas à assurer une alimentation suffisante pour survivre. Or, un obstacle majeur est, pour un grand nombre de familles, le coût élevé des aliments nutritifs et la difficulté d’accéder, pour des raisons économiques, à une alimentation bonne pour la santé. Le rapport démontre qu’une alimentation saine coûte bien plus de 1,90 dollar des États-Unis par jour, qui est le seuil de pauvreté international. Il estime que le prix d’une alimentation saine, même la moins chère, est cinq fois plus élevé que celui à payer pour se remplir l’estomac de seuls féculents.
Les produits laitiers riches en nutriments, les fruits, les légumes et les aliments riches en protéines (d’origine végétale et animale) sont les groupes d’aliments les plus chers au monde. Selon les dernières estimations, ce ne sont pas moins de 3 milliards de personnes, au bas mot, qui ne peuvent pas se permettre une alimentation saine. En Afrique subsaharienne et en Asie du Sud, c’est le cas de 57% de la population, mais aucune région, pas même l’Amérique du Nord ni l’Europe, n’est épargnée. C’est en partie pour cette raison que la course engagée pour mettre fin à la malnutrition semble compromise. Selon le rapport, en 2019, entre un quart et un tiers des enfants de moins de cinq ans (191 millions) souffraient d’un retard de croissance ou d’émaciation – c’est-à-dire étaient trop petits ou trop maigres. En outre, 38 millions d’enfants de moins de cinq ans étaient en surpoids. Chez les adultes, pendant ce temps, l’obésité est devenue une pandémie mondiale à part entière.
Un appel à l’action
Le rapport affirme qu’une fois les considérations de durabilité prises en compte, un changement global vers des régimes alimentaires sains aiderait à freiner le retour de la faim tout en permettant de réaliser d’énormes économies. Il calcule qu’un tel changement permettrait de compenser presque entièrement les coûts sanitaires d’une mauvaise alimentation, estimés à 1 300 milliards de dollars des États-Unis par an en 2030, tandis que le coût social des émissions de gaz à effet de serre lié à l’alimentation, estimé à 1 700 milliards d’USD, pourrait être réduit de trois quarts. Le rapport préconise de transformer les systèmes alimentaires pour réduire le coût des aliments nutritifs et rendre l’alimentation saine plus abordable financièrement. Si les solutions spécifiques diffèrent d’un pays à l’autre, voire à l’intérieur d’un même pays, les réponses globales résident dans des interventions tout au long de la filière alimentaire, dans l’environnement alimentaire et dans l’économie politique qui façonne l’activité commerciale, la dépense publique et l’investissement.
L’étude appelle les gouvernements à intégrer la nutrition dans leurs stratégies agricoles; à s’efforcer de réduire les facteurs d’augmentation des coûts dans la production, le stockage, le transport, la distribution et la commercialisation des aliments, y compris en réduisant les facteurs d’inefficacité, les pertes et le gaspillage alimentaires; à aider les petits producteurs locaux à cultiver et à vendre des aliments plus nutritifs et à leur garantir un accès aux marchés; à privilégier la nutrition des enfants; à favoriser le changement des comportements par l’éducation et la communication; et à intégrer la nutrition dans leurs systèmes de protection sociale et leurs stratégies d’investissement. Les chefs de secrétariat des cinq institutions des Nations Unies autrices du rapport sur L’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde disent s’engager à appuyer ce changement capital, en veillant à ce que celui-ci soit « durable, pour les personnes et la planète ».
Elvis Serge NSAA