Bonnes pratiques en santé: L’hôpital central de Yaoundé fait le diagnostic du soignant face au conflit d’intérêt
C’était au cours de la 18e édition du Café éthique sur le thème : « Pratique de soins, l’argent et la morale ». D’après le conseiller médical de l’hôpital central de Yaoundé, le Pr Pierre Ongolo Zogo, cette édition met sur la table d’échange la problématique des liens d’intérêts des soignants avec l’industrie pharmaceutique et la technologie sanitaire.
« Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire ». En France, en 2010, le scandale sanitaire du Mediator a largement contribué à la prise de conscience par les autorités de la nécessité d’une considération juridique du soignant face au conflit d’intérêt. Sa longévité et l’ampleur de ses dégâts sont en effet considérables : 35 ans de mise sur le marché français, entre 1974 et 2009, pour 500 à 1800 morts selon les études. Plus frappant encore, alors que l’entreprise pharmaceutique Servier décide de retirer le Mediator du marché espagnol en 2003, puis italien l’année suivante, le médicament reste en circulation en France jusqu’en 2009, ce qui prouve la ténacité des conflits d’intérêts sur le territoire national du laboratoire. Soulignant ce dysfonctionnement, le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales note ainsi en 2010 « l’incompréhensible tolérance de l’agence à l’égard du Mediator ».
Au Cameroun, dans une lettre circulaire, datée du 05 avril 2022, le ministre de la Santé publique, dénonce, le mauvais accueil des patients et de leurs proches ; le retard et les défaillances dans la prise en charge des malades malgré les états de gravité de certains ; le rançonnement, le détournement des malades en détresse, en état de souffrance physique, morale ou mentale. De fait, la pratique médicale, dans toute sa diversité, est sans cesse exposée à des situations dans lesquelles l’intérêt personnel et celui d’un tiers (le patient ou la collectivité) entrent en conflit. Un médecin actionnaire d’un laboratoire pharmaceutique ou un chercheur qui vante les mérites du produit de son commanditaire sont des exemples courants de situations de fait qui ne sont en soi ni illégales ni répréhensibles, mais qui peuvent potentiellement le devenir.
Dans le cadre de l’implémentation de l’humanisation des soins, le Centre pour le développement des bonnes pratiques en santé de l’hôpital central de Yaoundé et la chaire d’éthique du soin ont organisé la 18e édition du Café éthique, le 19 juin 2024, sur le thème : « Pratique des soins, l’argent et la morale ». La situation du conflit d’intérêts pour le soignant renvoie à la situation où l’intérêt du patient passe au deuxième plan par rapport à celui du soignant. Cette session, supervisée par le directeur de l’hôpital central de Yaoundé, le Pr Pierre Joseph Fouda, vise à interpeller le personnel soignant médical et médico-sanitaire, les patients, les enseignants et chercheurs, les décideurs administratifs et politiques, ainsi que leurs usagers du service hospitalier dans le contexte spécifique du Cameroun.
D’après le conseiller médical de l’hôpital central de Yaoundé, le Pr Pierre Ongolo Zogo, cette édition met sur la table d’échange, la problématique des liens d’intérêts des soignants avec l’industrie pharmaceutique et la technologie sanitaire. Les participants ont exploré ce qui constitue un conflit d’intérêts en contexte camerounais. Il a présenté les manifestations, les déterminants, les conséquences et les mesures contextuelles pour préserver l’éthique du soin. La dichotomie rampante dans la pratique de soin a été discutée de même que les dispositions en vigueur pour éliminer l’expansion.
De nombreux exemples tels que l’auto-référence pour les examens complémentaires, la recherche d’avantages financiers par l’ordonnance d’appareils, d’examens ou de médicaments, d’octroi et l’acceptation d’avantage matériel, de commission ou de ristourne de la part des fournisseurs susceptible de nuire à la qualité de l’exercice professionnel, la sollicitation de clientèle, l’utilisation du titre à des fins commerciales, la vente ou location d’appareils et vente de médicaments ou d’autres produits présentés comme ayant un intérêt pour la santé et leur promotion, le droit du patient de la faire exécuter une ordonnance à l’endroit de son choix, les activités de recherche.
Il faut une « indépendance » ou une séparation des activités médicales et commerciales. Le Code français s’appuie sur ces valeurs communément admises et partagées (la loyauté, la neutralité, l’impartialité, l’honnêteté, le dévouement, etc.).
Face à la technoscience, la question de l’éthique a toute sa place dans les conversations. En effet, de nombreux professionnels à travers le monde cherchent aujourd’hui à remettre l’humain au centre de leur travail. Et c’est ainsi que les cafés éthiques ont vu le jour. Les cafés éthiques sont des événements pensés comme des espaces de réflexion, d’apports théoriques et de discussions sur les questions éthiques dans les soins hospitaliers. Ils permettent ainsi des échanges pluriprofessionnels entre soignants, usagers, associations d’usagers et toute personne pouvant intervenir dans l’accompagnement des patients.
Elvis Serge NSAA