Crise anglophone et guerre contre Boko-Haram : Le CICR œuvre pour l’inclusion des personnes handicapées dans les zones de conflit
Le conflit anglophone et la guerre contre Boko-Haram ont laissé des civils innombrables avec des blessures à vie, y compris des amputations. Dans ces régions secouées par les conflits, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) mène une action essentielle pour venir en aide aux personnes handicapées, souvent laissées pour compte. En 2018, plus de 14 000 ménages, dont des milliers de déplacés, ont bénéficié d’une aide alimentaire, tandis que 8 500 autres ont reçu des transferts monétaires.
Yaoundé, cœur battant du Cameroun, abrite désormais les ombres de la guerre. Des milliers de vies ont été bouleversées par la crise anglophone, laissant derrière elles des milliers d’amputés, contraints de reconstruire leur existence. Parmi eux, Philippe et Franck, deux visages de la souffrance, témoignent de l’impact dévastateur de ce conflit. Le soleil de Yaoundé ne suffit pas à effacer les cicatrices de la de cette tragédie humaine.
Au cœur de la capitale camerounaise, des hommes et des femmes portent les stigmates d’une crise qui a déchiré le pays.
Amputé d’une jambe et de plusieurs doigts, Philippe a tout perdu dans une explosion. Il a fui les horreurs de la région du Nord-Ouest pour chercher refuge à Yaoundé. Aujourd’hui, il vend des fruits pour nourrir sa famille, hanté par les souvenirs de ce jour fatidique. « C’était un grand jour du marché », se souvient-il, la voix guerre. Au cœur de la capitale camerounaise, des hommes et des femmes portent les stigmates d’une crise qui a déchiré le pays. Philippe, vendeur de fruits au rond-point Damas, et Franck, étudiant contraint à l’immobilité, sont deux exemples parmi tant d’autres étreintes par l’émotion. « Et puis, tout a basculé ». Franck, lui, avait tout pour lui. Jeune et plein d’avenir, il étudiait dans le Sud-Ouest lorsque sa vie a été brutalement interrompue. Victime collatérale d’une attaque, il a perdu l’usage de ses jambes. Sa mère, Philomène, ne se remet pas de ce drame. « C’est comme si une partie de moi était morte », confie-t-elle, les larmes aux yeux.
« Dans son salon à la montée Jouvence, à quelques encablures du centre de réhabilitation des handicapés de Yaoundé, Justine Mawamba a accroché une photo de son fils unique. Étudiant, Alex a perdu ses doigts dans l’explosion d’une bombe artisanale dans le Sud-Ouest. Dans ce salon aux murs d’un bleu apaisant, où nous l’avons rencontrée, ses yeux se posent souvent sur le portrait de son fils. Les larmes coulent sur son visage tandis qu’elle évoque son calvaire. Ses cheveux blancs témoignent des années qui passent et de la profondeur de sa douleur. « “C’était mon dernier espoir ici », se confie-t-elle, la voix tremblante. « Ses sœurs sont parties en Europe. Il est devenu comme un enfant. Je suis obligée de tout faire pour lui. J’ai dû engager une aide à domicile pour qu’elle s’occupe de lui ». « Dans sa chambre, les photos d’Alex tapissent les murs, comme un écrin de souvenirs. Son époux nous a quittés il y a cinq ans. »
Au centre des handicapés de Yaoundé, ces histoires se répètent. Des hommes et des femmes de tous âges, venus de toutes les régions du Cameroun, portent les séquelles de la guerre. La crise anglophone, mais aussi le conflit avec Boko-Haram, ont laissé des milliers de personnes mutilées, tant physiquement que psychologiquement. Les conséquences de cette violence se font également sentir dans les hôpitaux, où les médecins s’efforcent de soigner les blessés. L’hôpital militaire de Yaoundé, en particulier, accueille de nombreux soldats et civils victimes des affrontements. Au-delà des chiffres et des statistiques, ce sont les histoires individuelles qui marquent les esprits. Philippe, Franck et tous ceux qui, comme eux, ont été touchés par la crise anglophone, sont le visage de cette souffrance. Leurs témoignages sont un cri d’alarme, un appel à la paix et à la réconciliation.
Plus de 14 000 ménages dont 7 000 déplacés ont reçu plus 2 700 tonnes de vivres. Plus de 8 500 ménages ont reçu plus d’1 milliard de FCFA (1 700 000 de francs suisses) de transferts monétaires. Plus de 84 000 consultations gratuites ont été effectuées.
Dans les centres de santé, par exemple, à Oum, dans la région du Nord-Ouest, à Kolofata, dans l’Extrême-Nord, ou bien dans le Sud-Ouest, dans le Sud-Ouest. Le Comité internationale de la Croix-Rouge (CICR) apporte de l’aide aux hôpitaux dans les zones en conflits. Faits marquants de l’action du CICR au Cameroun en 2018 : Plus de 14 000 ménages dont 7 000 déplacés ont reçu plus 2 700 tonnes de vivres. Plus de 8 500 ménages ont reçu plus d’1 milliard de FCFA (1 700 000 de francs suisses) de transferts monétaires. Plus de 84 000 consultations gratuites ont été effectuées. Plus de 15 000 femmes enceintes ont bénéficié de consultations prénatales. 12 visites effectuées dans 9 différents lieux de détention abritant plusieurs milliers de détenus.
Plus de 4 500 détenus ont bénéficié d’un meilleur accès à l’eau et à l’hygiène. 249 personnes recherchées par leurs proches ont pu être localisées. « Je citerai Mada, par exemple, dans l’Extrême-Nord, près de Makari. Ce sont des programmes liés à la santé en détention, assez faibles ici au Cameroun, mais néanmoins actifs quand il s’agit de visiter la prison de Bamenda, où nous avons des situations avec des personnes en situation de handicap, justement. C’est les programmes de santé mentale, avec des réponses adaptées à leur situation de handicap. Plus spécifiquement, une des conséquences des conflits armés, c’est des gens qui sautent sur des mines », explique Stéphane BONAMY, chef de la délégation de CICR pour l’Afrique Centrale au tout premier symposium africain de l’inclusion sociale qui s’est tenu du 24 au 25 octobre 2024 à Yaoundé. Il apporte de l’aide aux personnes qui ont perdu une jambe, l’usage de leurs bras, qui perdent parfois les deux jambes, qui perdent une capacité de mobilité. « Nous avons un programme au CICR qui s’appelle le programme de réadaptation physique. C’est un programme qui vise à accompagner ces personnes qui ont subi les conséquences directes des conflits armés ».
On a dénombré 262119 personnes vivant avec au moins un handicap dont 127738 femmes et 134738 hommes, soit des taux de prévalence du handicap de 1,5%pour l’ensemble; 1,5%pour les femmes et 1,6% pour les hommes.
Chaque jour, il y a des paysans qui vont dans la campagne et qui sautent sur une mine. Vous avez ce même phénomène au Cameroun avec des personnes qui, malheureusement, subissent soit des attaques, soit sont prises entre deux feux, soit sautent sur des mines ou des engins explosifs et perdent l’usage de leurs jambes, de leurs bras, etc. Selon le 3ème Recensement Général de la Population et de l’habitat (3ème RGPH) relatif au plaidoyer en faveur des populations vulnérables de novembre 2005, on a dénombré 262119 personnes vivant avec au moins un handicap dont 127738 femmes et 134738 hommes, soit des taux de prévalence du handicap de 1,5%pour l’ensemble; 1,5%pour les femmes et 1,6% pour les hommes. Par région, les taux de prévalence se présentent comme suit : Adamaoua (0,9%), Centre (1,6%), Est (1,3), Extrême-Nord (1,6%), Littoral (1,5%), Nord (1,2%), Nord-Ouest (1,9%), Ouest (1,8%), Sud (2,6%) et Sud-Ouest (1,6%). C’est donc l’Adamaoua (0,9%) qui enregistre le taux de prévalence le plus faible alors que la région du Sud enregistre le taux le plus élevé (2,6%).
Vivre avec une situation d’handicap dans des conditions de paix est déjà une situation difficile pour beaucoup de personnes handicapées. Il y a beaucoup de problèmes qui se posent d’accès, d’infrastructures, de prise en considération, de respect et d’inclusion sociale, d’inclusion économique, d’inclusion de tout genre. Dans les conflits armés, cette vulnérabilité, ce manque de prise en compte pour les personnes vivant en situation d’handicap est exacerbé. Elle est multipliée, elle est démultipliée. « J’ai moi-même travaillé dans beaucoup de conflits, que ce soit en Afghanistan, que ce soit en Colombie, que ce soit en République démocratique du Congo, que ce soit en Irak ou en Syrie et dans bien d’autres pays. Et j’ai pu voir, j’ai pu souffrir avec les personnes en situation d’handicap quand elles se trouvent prises dans un village qui est sur le point d’être attaquées par un groupe armé et qu’elles ne peuvent pas fuir parce que simplement les conditions de route, les infrastructures, leurs propres conditions ne leur permettent pas…», explique Stéphane Bonamy, chef de la délégation de CICR pour l’Afrique Centrale au tout premier symposium africain de l’inclusion sociale qui s’est tenu du 24 au 25 octobre 2024 à Yaoundé.
Depuis novembre 2022 et 80% des personnes qui sont intégrées dans ces centres par nos soins sont des victimes directes du conflit
Le Centre National de Réadaptation des Personnes Handicapées Cardinal Paul Emile Léger de Yaoundé est un espace d’inclusion sociale. Ce centre de réadaptation travaille avec le CICR. « Je prends l’exemple du Cameroun, nous soutenons pour l’instant deux centres de réadaptation physique, un à Buea qui est ARCH, qui nous permet d’accueillir des personnes qui ont subi les conséquences du conflit, qui se retrouvent soudainement en situation de handicap et qui ont besoin d’avoir une réadaptation physique », explique Stéphane Bonamy, chef de la délégation de CICR. « Depuis novembre 2022 et 80% des personnes qui sont intégrées dans ces centres par nos soins sont des victimes directes du conflit. 20% sont des victimes indirectes. Une personne, dans un conflit armé, qui se retrouve en situation de handicap, subit la triple peine. Elle subit la première peine, qui est celle d’être prise dans un conflit armé. Elle subit la deuxième peine, c’est de se retrouver en situation de handicap. Et elle subit la troisième peine, qui est de constater l’impact économique que cette situation génère pour lui, elle, et sa famille.
Le CICR ne se limite pas à accompagner les personnes en situation de handicap dans leur réadaptation physique, quand elles ont subi directement l’impact de la guerre, mais on essaye de les accompagner également dans l’inclusion sociale, l’inclusion économique. Avec les projets Micro Economic Initiatives, le CICR forme les femmes et les hommes en couture, coiffeurs, élevage, tissage, petit commerce ou à la mécanique des bicyclettes. Le droit, le cadre légal dans les conflits armés vis-à-vis des personnes en situation de handicap, qu’elles le soient avant le conflit ou qu’elles le deviennent pendant le conflit, est très complet. Il est large, complet, il prend en compte toutes ces situations, mais il souffre du manque d’application. Il souffre de l’absence parfois de capacité des groupes armés, des autorités, l’absence de volonté de répondre à leurs obligations.
Elvis Serge NSAA
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