Joël DJATCHE : « il faudrait plus sensibiliser sur l’importance de la prise en charge psychologique des Violences Basées sur le Genre »

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M. Joël DJATCHE Psychologue UNI-PSY, déroule la stratégie de suivi psychologique des personnes ayant subies des Violences Basées sur le Genre  (VBG) implémentée dans le Grand –Nord Cameroun.  

Quelle évaluation faites-vous de la prise en charge psychologique des survivants VBG dans le cadre du projet CERF ?

Nous avons eu pratiquement deux mois d’intervention. Nous disposions d’indicateurs qui étaient notamment le nombre  de survivantes à toucher, c’est à dire qui devaient bénéficier au moins d’une intervention psychologique. Nous en avons touché pratiquement  75%  en 2 mois, pour une intervention qui était initialement prévue pour 3 mois. En termes d’indicateurs on peut dire que c’est un bilan positif. Par contre, au niveau de la qualité, nous pensons qu’il y a des choses à améliorer, car deux mois sont insuffisant pour la mise en place d’une aide psychothérapeutique, c’est  à dire un traitement psychologique qui pourrait aider la personne de manière satisfaisante afin que si elle présentait par exemple une pathologie à un état sévère, qu’on puisse observer au terme du traitement une régression ou élimination des signes et symptômes. Cependant, on a d’autres cas où sur le plan qualitatif nous avons pu apporter une satisfaction avec des brèves interventions.

C’est positif sur le plan de l’atteinte des indicateurs. Sur le plan qualitatif nous pensons qu’on aurait pu faire mieux si on avait eu plus de temps. Cette réponse psychologique s’adosse sur la réponse globale qui est centrée sur la réponse sociale, sécuritaire, juridique et économique pour certaines situations, étant donné le contexte du Covid-19. Il n’a pas été aisé de mettre en place ces autres réponses, mais nous avons quand même pu rencontrer certaines bénéficiaires et les autres ont bénéficiés des interventions à distance, par téléphone.

Qu’est ce qui est fait pour améliorer la prise en charge psychologique ?


UNI-PSY sensibilise les élèves sur le phénomène des violences basées sur le Genre à Kousseri

Nous avons le renforcement des capacités des intervenants communautaires, principalement des assistants sociaux d’ALVF et des autres travailleurs sociaux intervenant communautaires dans d’autres sites. Nous partons du postulat qu’un premier soutient psychologique peut être fait par des non spécialistes si et seulement si ceux-ci ont d’une part une capacité à le faire ; et d’autre part s’ils sont supervisés quand ils le font. Concrètement, nous avons préparé des vidéos d’enseignement que nous avons distribué aux travailleurs sociaux, dix exemplaires pour la ville de Maroua, et dix pour Kousseri. Nous avons aussi animé une journée autour de ces contenus, donc l’essentiel pour nous était de les former aux premiers secours psychologiques des personnes en crise, à quelques techniques de prise en charge psychologique  comme la relaxation, la narration traumatique. Ce sont des choses qui ne sont pas très difficiles à mettre en place, mais qui doivent être faites sous le cadre des supervisions. Hormis ce renforcement des capacités, il y’a aussi l’utilisation de techniques beaucoup plus adaptées aux situations. Puisque nous n’avons généralement pas beaucoup de temps, nous privilégions les interventions brèves et parfois sur nos standards nous faisons des adaptations. Par exemple, l’entretien dure généralement 45 minutes à 1 heure, mais compte tenu du contexte selon lequel les femmes habitent très loin, l’incertitude de les revoir le nombre de fois que nous souhaiterons, nous passons beaucoup plus de temps avec elles et on passe beaucoup plus à des formes de psycho éducation qui vont permettre de leur donner des outils ou des informations qu’elles pourraient utiliser en notre absence. Enfin, on améliore la qualité et le type de nos interventions, puis nous essayons de les adapter au milieu et à la durée de notre séjour auprès d’eux.

Quelle est la situation des violences basées sur le genre dans cette partie du pays ?     

Echanges avec les femmes sur les VBG

En tant qu’intervenant psychologues, nous n’avons pas toujours la situation globale du terrain. En réalité,  vers nous sont référés les survivants qui ont déjà été identifiés comme victimes de violences. Nous ne saurons donc dire avec exactitude combien de personnes y sont exposées et à quels types de violences elles font face fréquemment. Néanmoins, nous constatons que les violences physiques sont prédominantes à côté du type de violence que l’on appelle le déni de ressources. On peut aussi faire référence au mariage forcé et aux abus sexuels qui sont des cas mineurs.    

Comment remédier à cette situation ?

Une réponse à la fois sur les plans  psychologique, sociologique, santé et médicale, sociale, économique, éducationnel serait appropriée. C’est ce maillage qui constitue la réponse initiée par UNFPA qui nous permettra d’améliorer la situation.

Quelles sont les prochaines étapes ?

Premièrement il y’a le plaidoyer des autorités auprès de bailleurs de fonds pour continuer d’assurer ce volet, parce qu’on ne peut pas imaginer une restauration ou une reconstruction des survivants de violences sans un accompagnement psychologique. En outre il faut davantage sensibiliser les acteurs de terrain parce qu’il y’a beaucoup d’organisations à l’extrême nord qui travaillent sur la question des violences basées sur le genre. Je pense qu’une étape aussi serait de les sensibiliser davantage à préparer ce volet parce que quand elles planifient des activités dans le cadre d’une réponse VBG, la question de la prise en charge psychologique n’est pas toujours très évidente. Pour nous, une étape très importante serait de sensibiliser à toujours inclure un suivi psychologique qui est appelé volet santé mentale,  un incontournable dans la réponse VBG sur le plan international.

Propos  recueillis par Nzeusseu Ruben

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