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Le président de l’Avopabec (Association voix-parole et bégaiement du Cameroun) nous parle des causes et des conséquences de ce handicap chez les enfants.
Le bégaiement est-il une maladie ?
Le bégaiement n’est plus considéré comme une maladie. Il est considéré comme un ensemble de trouble de la communication. Quand on est seul, on ne bégaye pas. C’est lorsqu’on se retrouve en situation de communication devant un public ou entre 2 personnes que l’on commence à buter sur certains mots. Les dernières recherches scientifiques révèlent que le bégaiement est considéré comme un trouble de la communication.
Si oui, comment se manifeste-t-elle ?
Le bégaiement se manifeste par des actions bien ciblées. Comme des répétitions de sons, des prolongations, des hésitations qui peuvent avoir des interruptions. Il peut parfois des prolongements ou des allongements démesurés de sons. Parfois, ce sont des blocages sur certains phonèmes, des consonnes et les voyelles en début d’énoncé. Ou Encore en position pré-phonatoire.
Chez les touts petits, il peut avoir des efforts que l’enfant fait pour parler. Cela peut se manifester par des mouvements de la tête, des yeux, du nez, des grimaces qui déforment la bouche. On peut avoir des blocages respiratoires, des répétitions convulsives qui comportent le 1er phonème ou la 1ere syllabe du mot. Ce sont ces types de manifestations qui doivent nous interpeller
Quelles sont les causes ?
En ce qui concerne les causes du bégaiement, les recherches se poursuivent pour le déterminer. Cependant, différents facteurs interviennent dans la genèse du bégaiement. Il existe des facteurs favorisant, il peut s’agir des facteurs constitutionnels à l’enfant qui peuvent être d’origine génétique, neuro-musculaire, cela peut aussi être un problème de processus musculaire. Des recherches révèlent que 27% de bégaiement débutent avant l’âge de 2 ans. 68% entre l’âge de 3 et 7 ans et 5% après l’âge de 7 ans. .
D’autres troubles peuvent être d’ordre linguistique ou encore trouble de l’acquisition du langage et de la parole. On peut aussi évoquer le facteur psychologique qui entre le plus souvent en jeu. La souffrance de la petite enfance, des traits de personnalité. Les causes du bégaiement peuvent aussi être causées par l’environnement. Les parents qui sont exigeants vis-à-vis de leurs enfants quant à la qualité de la parole. Les problèmes relationnels. Il peut aussi avoir des facteurs déclenchant, des éléments de la vie quotidienne. Un déménagement, la naissance d’un enfant, tout conflit parental, tout traumatisme affectif. Il existe aussi des facteurs qui peuvent jouer à la chronicité (l’effort de l’enfant pour bien parler malgré la difficulté), les attitudes de déni. Les réactions des enfants à son entourage, les réactions de l’enfant au comportement de cet entourage. Les manifestations sont multiples et ils varient d’un patient à un autre. Cela dépend de l’environnement et du facteur psychologique.
Le bégaiement peut aussi être vu comme un phénomène complexe impliquant beaucoup plus que des problèmes d’élocutions que remarquent les non bègues. Le bégaiement affecte beaucoup plus l’ensemble de la personnalité du bègue et inclus parfois des sentiments destructeurs telles que la honte, la peur, l’embarras, la culpabilité. Le handicap de la parole englobe aussi des comportements inhabituels comme une respiration irrégulière, une fuite au regard
Quelles sont les conséquences ?
Les personnes bègues décrivent un grand sentiment de solitude autour de leurs troubles. Parfois, elles ont l’impression d’être seuls face à leur ressentis et de ne pas pouvoir les partager. Les conséquences peuvent être multiples. Car, le bégaiement apparait comme une manœuvre inadapté dans la programmation et la réaction à la parole. Le bégaiement entendu comme le signe d’une tension, apparait comme une disharmonie dans le développement de l’enfant. Dès lors, une coupure se crée dans la famille et la personne bègue. Il se retrouve encore dans une situation « malmenée » ne sachant souvent quoi faire.
Que faut-il faire, déjà il faut cesser de croire que le bégaiement est un phénomène mystérieux. On retrouve aussi le bégaiement chez l’adulte. Et il est possible d’y remédier. Les conséquences émanent beaucoup plus sur les conduites de communications dans la famille, le comportement éducatif en général.
Est-ce une maladie héréditaire ?
Oui, nous pouvons dire que le bégaiement est un phénomène héréditaire étant donné que cela est génétique. Puisqu’aujourd’hui, le facteur génétique est pris en considération. Cependant, ces facteurs ont une certaine fragilité qui peut être à 20%. Ce facteur dit fluorescentn’est pas seul à l’origine du bégaiement. Il est important de savoir que cette fragilité n’entraine pas forcément de façon mécanique un bégaiement. Donc, si un parent bégaie, cela ne signifie pas forcément que son enfant bégaiera. Donc, on peut dire que le bégaiement est héréditaire mais pas forcément de manière systématique.
Est-elle curable ?
Il est possible de « guérir » du bégaiement. Et cela dépend de deux facteurs. La détermination et l’acceptation de son trouble. Lorsqu’on accepte son mal, l’on doit être déterminé à y remédier. l’orthophoniste est la personne la mieux indiquée pour conduire la thérapie. Le psychologue a aussi un rôle à jouer sur le facteur psychologique. La thérapie est la seule solution qui peut permettre à toute personne qui bégaiede retrouver une parole fluide.
Pourquoi militez-vous pour les bègues ?
Je milite beaucoup pour les bègues car, j’ai été un bègue. C’est à l’âge de 18 ans, qu’un orthophoniste m’a fait une évaluation et a décidé de me faire suivre une thérapie. Je l’ai fait durant 2 ans. Aujourd’hui, j’ai une parole fluide à 80%. C’est pour cela qu’avec d’autres camarades, nous avons créé l’association Avopabec, (l’association voix parole bégaiement du Cameroun). Cela fait 18 ans que nous existons.
C’est une association qui aide les personnes souffrant du trouble du bégaiement. Notre action principale, c’est de favoriser les rencontres et recueillir des témoignages. Parfois, nous organisons des caravanes, des dépistages. Nous encourageons les parents, les professionnels de santé et éducatifs sur l’importance de dépister les troubles tôt et de consulter un spécialiste. Le projet de notre association est de développer et de soutenir des projets scientifiques et intellectuels ayant pour objectif d’aider à améliorer les conditions de vies de personnes vivantes avec des troubles de de voix et de la communication.
Quelles actions avez-vous menez pour les aider ?
Comme principal action, nous souhaitons que la journée mondiale du bégaiementsoit inscrite dans les cahiers de charge du ministère de la Santé publique. En 2005, j’ai été co-fondateur de la 1ere conférence africaine sur le bégaiement. 43 pays étaient présents. Nous travaillons aussi avec des associations similaires en Afrique et à travers le monde. Nous sommes membres de l’Apb (Association parole bégaiement) de France et Abc (Association parole bégaiement) du Canada et Isa (international … association.)
Rendus à la 23e journée, pensez-vous que vos actions portent des fruits ?
Rendus à la 23e journée mondiale du bégaiement, les actions de l’association portent peu à peu ses fruits. Pour le moment, nous sommes uniquement à Douala. Nous souhaiterons nous déployer sur le plan national. Des personnes situées dans des localités lointaines ne savent pas qu’il existe déjà des méthodes conventionnelles ou des thérapies qui permettent de « guérir » du bégaiement. D’ici deux ans, nous espérons que nous serions mieux implantés et plus connus.
Quelles sont vos principales difficultés ?
Nous rencontrons beaucoup de difficultés au niveau de la communication. Les actions que nous menons ne sont pas suffisamment connues. Ensuite, la plupart du temps, les personnes qui intègrent l’association ne restent pas longtemps. Ce n’est pas facile du tout. Nous avons aussi des difficultés au niveau de la production des documents. Nous avons une bibliothèque constituée d’importants documents. Il pourrait aider les professionnels de santé, les enseignants et les parents qui sont les personnes les plus en contact avec les personnes et surtout les enfants qui ont des précocités de bégaiement. Tant que cette journée n’est pas inscrite auprès de la santé publique, nous ne pourrons pas nous contenter. Dans d’autres pays, l’Etat prend cette journée en charge dans un cadre de partenariat.
Quelles sont vos aspirations ?
Nous avons pour ambition de continuer à organiser des campagnes de sensibilisations dans les hôpitaux, les écoles et les quartiers. Les causeries éducatives dans les écoles primaires et secondaires. Les passages dans les médias pour continuer à éduquer les populations. Organiser des séminaires si possibles pour les médecins et les enseignants. Nous aimerons organiser des campagnes de de dépistages, consultations et de thérapie pour les personnes souffrantes de troubles de voix.
Propos recueillis par Vicky Tetga