Belles-lettres : La profession infirmière, en soin intensif au Cameroun

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« La pratique infirmière au Cameroun à l’épreuve des exigences de la qualité ».Dans cet ouvrage de 224 pages, son auteur, Richard TCHAPDA, infirmier et surveillant général adjoint à l’hôpital Central de Yaoundé, présente sans anesthésie les 7 pathologies qui étranglent la profession infirmière au Cameroun.

D’après l’enseignent chercheur, TCHAPDA Richard, la profession infirmière est en crise permanente et subit la dégradation de son image depuis des décennies. L’ouvrage vient à peu près resituer et donner à la profession infirmière ses lettres de noblesse, notamment la préservation des valeurs et de l’identité professionnelle. L’ouvrage apporte sa modeste contribution dans les soins, la recherche des pratiques de qualité dans les formations sanitaires.

La profession infirmière est en crise d’identité au Cameroun. Dans un ouvrage de 224 pages, Richard TCHAPDA, infirmier et surveillant général adjoint à l’hôpital de Yaoundé, présente les 7 plaies qui gangrènent la profession infirmière au Cameroun, dans un ouvrage intitulé : « La pratique infirmière au Cameroun à l’épreuve des exigences de la qualité ». Selon le grand cerbère de la profession des infirmiers au Cameroun, ses collègues sont considérés comme : « voleur de médicaments », « valet du médecin », « petit docteur ». Il est vrai que l’infirmier est quelque peu responsable de cette représentation, car de tels comportements ont pendant longtemps fait chemin avec cette profession. En jetant un clin d’œil rétrospectif sur l’histoire de la profession infirmière en général et le cas du Cameroun en particulier, l’on peut comprendre ce cliché social.

À la première couverture de l’ouvrage, l’auteur nous montre les matériels de l’infirmier pour effectuer les soins : des stylos d’examen dans la poche de la blouse en courte manche de couleur blanche. Nous avons également le stéthoscope, recommandé aux infirmières ou aux étudiants en médecine. La toge de couleur bleue assortie des barrettes de couleur jaune or. La toge symbolise la sacralité de la profession au Cameroun. L’auteur présente également deux médecins en blouse blanche longue manche en train de palper la main d’un patient.

Cet ouvrage, qui a été préfacé par le ministre de la Santé publique, Dr Manaouda Malachie, s’articule autour de quatre chapitres. Le premier aborde les problématiques des sciences infirmières au Cameroun au 21e siècle. Le deuxième jette les bases du leadership dans les champs de la pratique infirmière. Le troisième traite des opportunités offertes par les soins infirmiers de qualité, notamment le PBF. Et le quatrième consacré aux protocoles de soins infirmiers assortis d’un éventail de protocoles opérationnels soulève la problématique de leur élaboration et de leur mise en œuvre dans le contexte camerounais. « Le but ici est d’avoir une vision globale de la pratique des actes infirmiers au sein de formations sanitaires, c’est-à-dire la quête permanente de la qualité en soins infirmiers centrée sur les bénéficiaires de soins. » Les lecteurs devront donc s’y inspirer pour adapter les soins à leur contexte tout en restant le plus efficient possible. Aussi le recommandons-nous principalement aux étudiants, aux enseignants et à tout le personnel infirmier et assimilé des établissements de santé », écrit le ministre de la Santé publique, le préfacier de l’ouvrage.

Pr. Pierre Joseph FOUDA, urologue et directeur de l’hôpital central de Yaoundé, est le postfacier de l’ouvrage. « Les protocoles ainsi élaborés vont désormais s’appliquer en fonction des diagnostics infirmiers formulés comme réponse thérapeutique, dégagée de toute présomption. » Ces protocoles élaborés dans le cadre du présent travail vont dans le sens de l’implémentation du programme sectoriel du ministère de la Santé publique intitulé « prise en charge des cas ».

L’écrivain revient sur l’histoire des infirmiers au Cameroun. Il démontre que les infirmiers ont été exclus dès le départ, ce qui a eu pour conséquence de dévaloriser les soins et d’éloigner le travail relationnel du cœur de la profession. Outre cette observation, le livre présente le gap  entre la formation théorique et la pratique. Le parcours épistémologique aboutit à une nouvelle définition du soin. Des situations de soins sont ensuite développées et passées au crible de cette nouvelle définition. Cet ouvrage aide à mettre en lumière l’essence du soin. Il est spécialement conçu pour les infirmières en activité, les étudiants en soins infirmiers, les cadres formateurs et les décideurs, qui pourront y découvrir ce que l’auteur appelle la science infirmière. Il ressort que les premiers infirmiers ont été formés principalement comme « aide-médecin » ou auxiliaire médical ; d’où leur rôle vacillant, leur image sociale mal perçue et surtout cette identité confuse à l’identité médicale qu’ils ont eu à perpétrer à de nombreuses générations d’infirmiers.

Au Cameroun, la profession infirmière est en crise permanente et subit la dégradation de son image depuis des décennies. Les normes éthiques et/ou déontologiques Code de déontologie (1984, 1989) et Statut particulier (2001) qui sont le référent de la profession, restent vétustes au regard de l’évolution de la profession infirmière, mais surtout au regard du profil de l’infirmier qui, depuis quelques décennies, est universitaire.

Le développement et l’émergence du système de santé du Cameroun passent inéluctablement par le triptyque conceptuel énoncé par le ministre de la santé, le Dr Malachie Manaouda : qualité de soins, justice sociale et humanisation des soins. Cette vision de la qualité a trouvé un écho favorable à l’hôpital central de Yaoundé (HCY) et a conforté davantage l’engagement de son directeur, le professeur Pierre Joseph Fouda, de ses proches collaborateurs et de l’ensemble du personnel, dans la quête permanente de la qualité. Dans cette perspective, la Couverture sanitaire universelle (CSU) en projet au Cameroun est une opportunité supplémentaire, car elle s’appuie sur les protocoles de soins. Ainsi, plus de 180 pathologies ont été retenues dans ce cadre et font l’objet de la construction des protocoles de soins visant à garantir la qualité et la sécurité.

Elvis Serge NSAA

TCHAPDA Richard

« Cet ouvrage va déjà résoudre le problème de la dégradation de l’image de marque et des valeurs infirmières au Cameroun ».

 

Selon l’auteur de l’ouvrage intitulé : « La pratique infirmière au Cameroun à l’épreuve des exigences de la qualité », infirmier et surveillant général adjoint à l’hôpital de Yaoundé, l’infirmier formé doit prendre à bras le corps sa formation, s’approprier, se connaitre comme un leader de telle sorte qu’en situation professionnelle, il n’ait pas besoin qu’on lui rappelle son rôle, qu’il agisse en leader.

 

Est-ce que vous pouvez partager avec les lecteurs du quotidien Echos-Santé la substantifique moelle de votre ouvrage ?

Je m’attarde davantage sur la pratique infirmière qui est une profession médico-sanitaire. Cette pratique est sujette à beaucoup de clivages et de crises aujourd’hui où on constate que les acteurs que l’on retrouve sur le terrain au regard des formations reçues n’ont pas des titres qui cadrent avec la réglementation en vigueur. Beaucoup de personnes usurpent le titre d’infirmier aujourd’hui ; et vous allez remarquer que dans nos formations sanitaires, les infirmiers sont devenus un peu comme des souffre-douleurs. Lorsqu’il y a un sujet, un problème dans un service qui concerne par exemple le processus des soins qui n’a pas été peut-être bien fait, les prises en charges, on confond tous ceux qui portent la blouse blanche à l’infirmerie. Pourtant, l’infirmier n’est pas le maillon de prise en charge des maladies, tout simplement parce qu’il y a beaucoup de personnes qui usurpent ce titre.

 Par exemple, je vais vous dire qu’un aide-soignant n’est pas un infirmier dans notre contexte, mais par la force des choses, l’on confond l’aide-soignant à l’infirmier.

 Nous démontrons dans cet ouvrage que l’infirmier qui a reçu vraiment une formation de base soutenue, c’est quelqu’un qui s’approprie son travail, qui connait vraiment le rôle qu’il doit remplir auprès du malade. Dans un autre volet de notre ouvrage, nous présentons le Performance Based Financing (PBF). Selon notre compréhension, c’était une opportunité pour le système de santé Camerounais.

Au regard de tous les résultats qu’on a obtenu en appliquant ce système qui devait juste être avant-gardiste, c’est-à-dire qui devait précéder un ensemble d’autres mesures mises sur pieds pour améliorer les conditions de prise en charge du patient dans nos formations sanitaires ; notamment on s’attendait que l’Etat puisse prendre le relai à un moment parce que, qui dit PBF dit Financement basé sur les performances et davantage plus de motivation du personnel, plus de fidélisation du personnel même dans les zones enclavées parce que le PBF donne une certaine autonomie de gestion aux responsables des formations sanitaires ce qui entraine automatiquement plus de motivation et plus de possibilité de fidélisation dans les formations sanitaires.

Nous avons remarqué que les zones reculées de notre pays avaient du mal à fidéliser les personnels soignants. Déjà, les conditions de travail qui n’étaient pas bonnes et l’éloignement de leur famille faisaient en sorte que la plupart des personnes formées voudraient exercer dans les grandes métropoles comme Douala, Yaoundé, Bafoussam et autres. Alors le PBF venait pour équilibrer cette situation, pour donner plus d’engouement à ces personnes formées à travailler dans les zones les plus reculées du pays.

Nous avons présenté cet aspect dans notre ouvrage pour dire que ce sont des éléments à capitaliser. C’est vrai que nous avons encore actuellement le chèque santé dans la partie septentrionale qui a montré beaucoup d’avantages, et jusqu’aujourd’hui, ce chèque santé continue et c’est visible sur le terrain. Malheureusement, le PBF n’a pas fait long feu et actuellement, aujourd’hui, on ne parle plus particulièrement de PBF. C’est vrai qu’il y a une alternative, qui est la CSU. Mais nous pensons également que la CSU est une réponse adéquate au besoin de notre système de santé actuel.

Un autre chapitre de cet ouvrage revient sur les compétences infirmières. Vous savez qu’aujourd’hui, l’infirmier n’est pas seulement celui qui injecte les malades, qui administre les soins. L’infirmier s’investit dans plusieurs champs aujourd’hui. Par exemple, il y a le champ de la pratique, le champ de la formation, le champ de la recherche, le champ du leadership, le champ de la gestion, et c’est pour cette raison que nous avons proposé, au regard des modèles des leaders qu’ils ont dans d’autres pays, un modèle basé sur le leadership. L’infirmier formé doit déjà prendre à bras le corps sa formation, s’approprier, se connaitre comme un leader de telle sorte qu’en situation professionnelle, il n’ait pas besoin qu’on lui rappelle son rôle, qu’il agisse en leader.

Là, nous proposons quelques pistes de leadership selon le contexte camerounais. Nous bouclons notre ouvrage avec un constat, et ça entre également dans les crises que nous observons dans ce domaine depuis un certain temps. La crise dans la pratique infirmière : vous allez remarquer que d’une formation sanitaire à l’autre, pour un même soin, il y a plusieurs façons de procéder. Il n’y a pas une certaine harmonisation dans la pratique.

Si je prends par exemple le cas de l’injection IM, vous allez voir quelqu’un qui va appliquer sa méthode, et une autre personne va appliquer sa méthode, et vous savez que lorsque les pratiques ne sont pas adossées sur les procédures reconnues, les procédures validées il y a le risque que la sécurité du patient soit entamée ; c’est pour cette raison que nous allons proposer un outil d’harmonisation des soins de la pratique infirmière dans les différentes formations sanitaires tenant compte de notre contexte, je parle donc des protocoles. Là, nous avons puisé dans les éléments contextuels pour élaborer une soixantaine de protocoles qui pourraient aider les professionnels sur le terrain, ou alors les futurs professionnels, c’est-à-dire ceux qui sont encore en situation de formation pour pouvoir être performants sur le terrain.

Maintenant, Quel est le problème que cet ouvrage va venir résoudre ?

Cet ouvrage va déjà résoudre le problème de la dégradation de l’image de marque et des valeurs infirmières au Cameroun parce que tout le monde se dit infirmier au Cameroun. Il n’y a qu’à regarder comment les différents schémas de formation de l’infirmier aujourd’hui. Pour une même profession, il y a plusieurs ministères qui sont impliqués, chacun formant selon ses procédés, selon sa façon, et pour qu’en fin de compte on dise que tous ces acteurs formés dans des circuits différents ont le même titre, nous pensons que c’est une aberration. L’ouvrage vient à peu près resituer et donner à la profession infirmière ses lettres de noblesse, notamment la préservation des voleurs et de l’identité professionnelle. L’ouvrage apporte sa modeste contribution dans les soins, la recherche des pratiques de qualité dans les formations sanitaires.

Propos retranscrits par Charone DONGMO Stg

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